Attention, on ne parle pas ici d’un vague Seagal, c’est LE Seagal ! Réalisé, produit et interprété par l’inénarrable casseur de bras, Terrain miné (On Deadly Ground) est certainement son “meilleur pire film”, un genre de Graal à sa façon.
Peut-être avez-vous vu Piège en haute mer ? Sorti en 1992, ce Die Hard naval, simplet mais divertissant, avait eu son petit succès au box-office (en partie dû à la scène du gâteau avec Erika Eleniak). Il n’en fallait pas davantage aux chevilles de notre ami Steven pour gonfler plus vite qu’il ne distribue des châtaignes. Il se lance donc dans ce fameux Terrain Miné qui porte bien son nom. En effet, taillé comme un hommage à sa propre gloire, ce petit bijou de nanardise sera un échec commercial cuisant. Dès lors, sur la pente savonneuse des séries B ringardes, Stevie finira dans les bacs Direct-to-Video.
Terrain Miné, Stevie sort le grand jeu et collectionne les casquettes : acteur (façon de parler vu le niveau de son jeu) mais aussi réalisateur ! producteur ! pompier ! agent secret ! et porteur d’un message écologique qu’il va délivrer à grands coups de tatanes et explosions ! Bilan pour le chapelier fou : deux nominations aux Razzie Awards (pire film, pire acteur).
Un tel film ne se critique pas. À dire vrai, ce serait trop long, vu que tout est raté des grandes lignes aux petits détails et une critique complète demanderait des années à passer en revue chaque instant de foirade. On se contentera donc de savourer béatement le métrage comme un voyage dans la quatrième dimension de la bêtise.
Le casting ? Lamentable. Seagal, monolithique, développe un jeu à base de froncements de sourcils (pas content) ou de plis sur le front (gné ? pas compris). À quelques rides près, Seagal affiche en toutes circonstances une impassibilité qui ferait passer les plus impénétrables maîtres zen pour des agités.
Michael Caine cachetonne la moitié du temps, cabotine l’autre moitié. Les autres acteurs sont à l’image de leurs personnages : transparents. Les gentils sont benêts, et les méchants très vilains et pas beaux. La seule présence féminine est traitée avec un machisme affligeant comme une espèce d’esclave n’ayant d’autre utilité que porter les armes de son sauveur. Ben oui, Stevie n’a que deux bras, il ne peut pas militer à la fois pour l’écologie et les droits des femmes, et encore en plus trimbaler son arsenal. Fallait faire un choix.
Les dialogues ? Dans le plus pur style des films d’action des années 80-90, tout est prétexte à insultes homophobes ou références à l’appareil cérébral masculin (la tête pensante du caleçon).
Les meilleurs moments ?
– première apparition de Seagal : la veste à franges !
– la bagarre dans le bar qui se termine en duel de “main chaude”…
– l’explosion avec le vol plané du mannequin en mousse
– l’initiation par le chaman… Frappé par une plume, Seagal tombe dans les pommes !!! (et il en profite pour caser dans son rêve deux, trois nanas à poil bien lascives et une bagarre avec un ours, parce que pourquoi pas).
– la révélation rocambolesque du passé de Seagal : le “pompier” est en fait un ex-super-agent de la CIA (ou de la NSA ou autre) qui est là pour une raison connue de lui seul (comme toujours).
– la fabrication d’un silencieux pour un flingue… avec une bouteille de Coca et un morceau de scotch : MacGyver peut aller se rhabiller.
– le final : Seagal sabote une raffinerie, libère du gaz toxique, tue plusieurs dizaines de personnes, fait sauter une plate-forme pétrolière… et se permet un discours sur le respect de la nature (dont le contenu est un moment d’anthologie visuel et auditif) qu’il prononce dans un bâtiment fédéral alors que le FBI était censé l’arrêter dix minutes plus tôt.
La réplique-culte :
— D’après nos renseignements, on devait avoir affaire à un type tout seul, mais là on a un commando d’experts en explosif.
— Mon contact à Washington dit qu’on n’a pas affaire à un élève mais qu’on a affaire au professeur. Quand l’armée monte une opération qui doit pas échouer, c’est à lui qu’ils font appel pour entraîner les troupes, d’accord ? C’est le genre de type qui boirait un bidon d’essence pour pouvoir pisser sur ton feu de camp. Ce mec-là, tu le largues au pôle Nord, sur la banquise, avec un slip de bain pour tout vêtement, sans une brosse à dent, et demain après-midi, tu le vois débarquer au bord de ta piscine avec un sourire jusqu’aux oreilles et les poches bourrées de pesos. Ce type-là est un professionnel. S’il atteint la plateforme, on sautera tous, et il restera plus qu’un grand trou au beau milieu de l’Alaska. Alors on va trouver ce type, le descendre, et on sera débarassé de ce fumier !
Ce film est le mètre-étalon du nanar, en concurrence avec Invasion USA et son Chuck Norris des grands jours. Un début un peu mou du genou, suivi d’une avalanche de bastons et explosions complètement irréalistes… des répliques minables mais hilarantes au second degré… des acteurs sans talent, inertes ou cabotins mais toujours à côté de la plaque… une tête d’affiche lamentable mais omniprésente qui atteint des sommets de ridicule… un scénar qui tient sur un timbre-poste… une pincée d’anatomie féminine totalement hors de propos mais il paraît que ça fait vendre… des hommes de main incompétents dont le nombre varie d’une scène à l’autre… et la cerise sur le gâteau, un message d’une niaiserie sans nom en totale contradiction avec le film.
Une pure daube comme on aime ! À quand la prochaine réalisation, Steven ?