Par l’intermédiaire d’un contact à Hollywood, j’ai pu rencontrer le réalisateur Stéphane Jeumont, connu dans le milieu du cinéma comme le Steven Spielberg français.
Ce grand monsieur du cinématographe nous convie aujourd’hui à une projection privée de Règlement de comptes à Mos Mikey, son prochain long-métrage en Lego stop-no-motion.
Une belle opportunité pour un article exclusif contenant le film, les commentaires du réalisateur, les scènes coupées ! Comme sur un DVD collector rempli de bonus sauf que c’est gratuit.
Règlement de comptes à Mos Mikey
Une grande aventure Lego
Stéphane Jeumont : Un bon blockbuster, c’est d’abord un producteur pété d’oseille. Faut le financer, le projet. Pour ça, je peux compter sur Joe Cary, le patron de Banana Motion Pictures. C’est le genre de gars qui renvoie toujours la balle.
Stéphane Jeumont : D’aucuns disent que la technique du stop-no-motion relève de la flemme. Je parlerais plutôt d’un gain de temps et d’énergie par rapport au stop-motion classique, qui est long, fastidieux et usant. Placer tes petits Lego, prendre une photo, redéplacer tes petits Lego, reprendre une photo, et ainsi de suite pendant des plombes, sans parler du boulot de montage derrière, de la bande-son, etc. Je préfère m’économiser grâce à des plans fixes muets, un procédé qu’on appelle en langage d’initiés “la photographie”.
Il s’agit d’une démarche artistique à part entière, qui n’aurait jamais vu le jour si je n’avais pas dans la main un poil assez long pour me prendre les pieds dedans.
Stéphane Jeumont : Tu prends La guerre des étoiles, Blanche-Neige et les 7 nains, La cité de la peur, Pac-Man, Rambo III, tu secoues et tu obtiens une superproduction ultra référencée à faire pleurer cet as du recyclage qu’est Tarantino.
Le scénariste a situé le lieu de l’action à l’aréoport de Mos Mikey, en référence à Mickey Mouse, dont il a voulu se payer la tête. Parce que bon, depuis que Disney a racheté la franchise Star Wars, faut admettre que c’est devenu bien bien nase. Il est loin le temps des épisodes IV, V et VI…
Stéphane Jeumont : Réaliser ce film a été une belle aventure. Un casting de folie, des effets spéciaux de fou furieux, un budget costumes et accessoires pharaonique, un tournage en décors naturels…
Stéphane Jeumont : Il faut interpréter Règlement de comptes à Mos Mikey comme une réflexion sur la vieillesse et la folie. Bobby est un vieux macaque qui n’a plus toute sa tête. Il confond les bouteilles de sauce soja avec sa fille, Suzi Wan, et se croit investi de pouvoirs mystiques. Pour le côté initiatique, il embarque dans son délire Luc Marcheciel, un jeune péquenot pas très futé. Avec deux bras cassés pareils, la situation ne peut que partir en vrille, autant dire une mine de péripéties.
Stéphane Jeumont : L’important dans la narration, ce sont les coups de théâtre. Dans l’idéal, il faut en placer trois tout de suite pour que la pièce puisse commencer. En langage technique, on appelle ce procédé “les trois coups”.
Dans cette scène, primo, Bobby utilise des pouvoirs magiques. La poudre de perlimpinpin, c’est toujours inattendu dans un cadre de science-fiction. Secundo, pour être toute-puissante, la force doit venir du crâne ancestral. Mais Bobby l’ignore, donc sa tentative échoue à sa grande surprise. Tertio, le dewback dit “gruik” et cette révélation achève de clouer le spectateur dans son fauteuil.
Stéphane Jeumont : Cette scène-là, c’était de l’impro totale pendant la post-production. Avec le responsable des effets spéciaux, Fred je-ne-sais-plus-comment, on s’amusait à lancer des cacahuètes en l’air pour les gober en vol. Ça nous a fait penser à Pac-Man. On a donc coupé la scène où Dark Vador inspecte les troupes de l’Étoile noire (ou Étoile de la mort, ou Death Star, ou Glaoui de l’espace, on hésite encore sur le nom). Niveau enjeux dramatiques, on grimpe d’un cran avec cette vision apocalyptique. Et puis, dans une œuvre de science-fiction, ça fait toujours très sérieux et super original de caser une réflexion sur le potentiel destructeur de la technologie.
Stéphane Jeumont : Dans ce plan, j’ai voulu jouer sur le décalage technologique entre le sabre laser de Bobby et les blasters des stormtroopers. Le non-sens crée un effet comique, un peu comme si Rambo essayait de dégommer un hélicoptère avec un pistolet à rouet ou un arc au lieu d’un lance-roquettes.
Stéphane Jeumont : La science-fiction à l’état pur ! Des vaisseaux spatiaux, des explosions tonitruantes dans l’espace et des pistolets laser qui font piou-piou-piou. Quand on me parle d’un genre de la réflexion, laissez-moi rigoler. Alors oui, on en met. Pas pour le plaisir, hein, c’est juste que ça nous évite de passer pour des grands gamins qui en sont restés au stade des Lego et des Playmobil. Mais au fond, on s’en tamponne le cyborg moustachu avec une poêle à frire. Nous, on veut que ça pète de partout ! Piou ! piou ! piou !
Stéphane Jeumont : J’ai pris la liberté de rétablir une vérité fondamentale : les stormtroopers forment l’élite de l’armée impériale. C’est loin d’être le cas dans la version originale de George Lucas, où les soldats soi-disant d’exception se cognent partout et ne sont pas fichus d’atteindre un mammouth à trois mètres avec un canon de 75.
Les producteurs ont adoré ma vision ! Film raccourci d’autant, budget allégé dans les mêmes proportions, trois sanglots de violon par-dessus pour enlarmoyer le spectateur et hop, le tour est joué.
Stéphane Jeumont : À partir de là, Bobby ne pouvait plus retrouver sa fille et lui annoncer “je suis ton père”. Il a fallu réécrire la fin du film. Pour garder l’idée d’une épopée familiale, le scénariste est parti de La cité de la peur, dans laquelle Serge Karamazov est fils unique. Donc Dark Vador est le père de tout le monde. Dit comme ça, le lien logique peut ne pas sauter aux yeux, mais le film explique très bien les choses.
Stéphane Jeumont : Le dernier plan du film est iconique à plus d’un titre. Une image culte en devenir, aucun doute là-dessus. Le disposition des personnages en file indienne renvoie à la notion de lignée. Celle des Wan est interrompue, idem pour les Marcheciel. Pendant que Luc meurt à Mos Mikey, sa sœur Leia est pulvérisée par un broyeur à ordures en tentant de s’évader de l’Étoile noire. À long terme, c’était le meilleur moyen pour éviter le Kylo en trop.
Stéphane Jeumont : La séquence post-générique est devenue un incontournable du cinéma. Pas tant pour annoncer une suite, d’ailleurs. Ça, on peut le faire en deux minutes et pour pas un rond sur les réseaux sociaux à grand renfort de hashtags racoleurs. Non, la petite saynète de fin sert avant tout à pourrir le spectateur en l’obligeant à rester dix minutes de plus pour se taper la liste complète des noms au générique, jusqu’au plus obscur stagiaire chargé de ramener le café sur le plateau.
Comme on peut le voir sur le dernier plan, mon prochain projet portera sur le chevalier noir de Gotham City. D’un côté Batman et ses gadgets qui peuvent devenir autant d’objets de plaisir, de l’autre Catwoman et son fouet, et au milieu Harley couine… C’est le genre d’univers qui peut avoir son petit succès à l’écran. La chatte qui fouette va mettre un grand coup et restera dans les annales du film pour adultes.
Scène coupée : l’inspection de l’Étoile noire
Scènes coupées : les retrouvailles
Filmographie
– 1973 : Où est passée la 7e compagnie impériale ?
– 1982 : Vlad Runner
– 1998 : Il faut sauver le soldat Pithivier
– 2010 : Harry Potter et les reliques de Fantomas
– 2017 : La trilogie du français
– 2018 : Halliennator, Festival Day
– 2018 : Jean Ouick 3
– 2018 : Felicity Atcock, le film
– 2019 : Les Aventuriers de l’Eldorado d’après le roman éponyme
– 2019 : Jean Ouick, Bienvenue chez les Ch’tis
– 2019 : La chatte qui fouette (pré-production)