Nicolas le Petit, ex-Président de la République, nous offre ces jours-ci une formidable leçon d’Histoire : “Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. J’aime la France, j’apprends l’histoire de France, je vis comme un Français, doit se dire celui qui devient français.”
Consternant de bêtise. De la connerie en branche.
L’Histoire de France, il n’a pas dû l’apprendre, lui, ou alors dans un manuel de 1880.
D’autres s’en chargent déjà, je m’épargne et vous épargne la longue diatribe sur le bonhomme en particulier ou la classe politique en général. Chaque fois qu’ils l’ouvrent sur la chose historique, y a une ânerie à la clé. Inculture effarante pour un pays aussi alphabétisé et scolarisé… tentation d’un roman national plein de grosses ficelles que même à Hollywood on n’en voudrait pas… interprétations délirantes, glorifications douteuses, silences sur les petites ou grosses saletés du cursus françois… propos qu’on qualifierait volontiers de révisionnistes en mauvaise part dans la bouche d’historiens…
Je crois qu’il faut tout simplement laisser la parole aux historiens dans ce domaine, puisque c’est le leur… et aussi parce que certains d’entre eux portent une part de responsabilité dans ces histoires gauloises.
Ce que je vais faire de ce pas.
A ceux qui préfèrent le format court aux pavés universitaires, je conseille la lecture du Storify de Mathilde Larrère et Laurence de Cock. Rapide, clair, drôle et juste.
Dans le format livresque plus traditionnel, soyons franc (comme les non-Gaulois qui ont donné leur nom à la France), les références sur le sujet sont légion (comme les Romains qui ont aplati ces mêmes Gaulois). Vu qu’on ne prépare pas l’agreg’, on va s’économiser une bibliographie longue comme une sarisse.
De mes vertes années d’étudiant en Histoire, je retiens deux ouvrages de base :
– Colette Beaune : Naissance de la nation France (1985). En quelques mots, une étude sur l’émergence du sentiment national… aux XIVe et XVe siècles (tintin pour les Gaulois de La Tène). Compte rendu dans les Annales vol.41 n°5 de 1986 (ici).
– Yves Lequin (dir.) : La mosaïque France, histoire des étrangers et de l’immigration (1991). Titre explicite qui te démontre que les Gaulois, c’est pas tout, loin de là. “Nos aïeux venaient de partout” annonce d’emblée la préface de Pierre Goubert. Compte rendu dans les Annales vol.46 n°4 de 1991 (ici).
En matière de références plus récentes, citons :
– André Burguière : “L’historiographie des origines de la France” sous-titré “Genèse d’un imaginaire national” et paru dans les Annales vol.58 n°1 en 2003. Article complet ici, qui étudie sur le long terme la construction du discours et de l’imaginaire sur les origines de France. Je devrais dire “des discours”, vu que la paternité de la France revient un jour aux Gaulois, l’autre aux Francs, jusqu’aux Troyens pour les plus imaginatifs.
– Sylvain Venayre : Les origines de la France (2013). Ouvrage que je n’ai pas lu et qui m’a été conseillé par un pote prof à La Sorbonne. Pour vous faire une idée, il en est question ici et là.
– Suzanne Citron : Le mythe national (1987, réédition actualisée en 2008). Pas lu non plus, on m’en a dit beaucoup de bien… au point qu’il figure sur ma liste de courses. Compte rendu ici. C’est à elle que je laisse le mot de la fin, issu de l’article “Nos ancêtres les Gaulois : ils sont fous ces historiens” (hop). “Cette histoire de la France ‘Gaule’ est aujourd’hui obsolète pour décrypter une identité française aux multiples racines post-coloniales et mondiales.”
– François Reynaert : Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises (2010, cité en commentaire de cet article).
(PS : Merci à Bill et Ludo, pour les compléments d’infos.)
Pour ceux que les écrits universitaires rebuteraient, le sujet est ici abordé avec beaucoup d’humour et d’érudition :
http://www.fayard.fr/nos-ancetres-les-gaulois-et-autres-fadaises-9782213655154
(pour l’anecdote, l’auteur est dunkerquois ; tiens, encore un français, celui-là, avec son nom batave)
Ah, la Flandre… Peut-on considérer comme française une région dont la moitié parle flamand et l’autre ch’ti ? (Question rhétorique et pleine de second degré, tu l’auras compris.)