Inauguration officielle de la série de chroniques autour des Halliennales 2019, dont le thème cette année est l’Eldorado ! Après l’interview fantaisiste de Lara Croft, place au concret avec un bouquin antédiluvien récupéré dans les abysses du grenier : l’album du dessin animé Les mystérieuses Cités d’or, sous-titré Le secret d’Esteban.
Les mystérieuses Cités d’or
Valérie Fert (texte) & Anne Leduc-Dardill (illustrations)
France Loisirs
Je vous parle d’un temps que les moins de quarante ans n’ont pas connu, puisque la série date de 1982, le livre de 1984. Mais bon, vous pouvez rester, les jeunes, ça vous concerne quand même. La série animée tient encore la route et reste aujourd’hui à voir et/ou à montrer à vos enfants.
En version courte : nous sommes au XVIe siècle, les Espagnols sont lancés dans la course à l’or du Nouveau Monde. On suit les aventures de trois gamins, Esteban, Zia et Tao, qui cherchent les fabuleuses cités d’or (et le père d’Esteban, et la famille de Zia, et leur liberté vu qu’ils se font capturer un épisode sur deux).
Le livre est une novélisation de la série. À mon âge avancé, c’est un peu léger comme lecture. En même temps, il est destiné à des gamins d’environ 8 ans, ceci explique cela. En plus, résumer l’ensemble de la série en à peine 130 pages, dont la moitié d’illustrations, avec en prime une énorme police de caractères, c’était ambitieux. Un tel format obligeait à des coupes sévères et à un resserrement des scènes et de l’action. Le rythme auquel s’enchaînent les péripéties – une par paragraphe – file le tournis. Cela dit, ça reste une bonne adaptation, fidèle à l’original. Faut juste aimer les récits en avance rapide.
Le dessin est de bonne facture, même si un cran en-dessous du dessin animé. En tout cas, on n’est pas volé sur la quantité d’illustrations, dont un paquet en pleine page. Tous les personnages y figurent, les principaux, les secondaires, les emblématiques… Avec une petite réserve sur la surreprésentation des trois héros en culotte courte (enfin, un en bermuda et les deux autres en robe), alors qu’à l’inverse le Grand Condor et les Olmèques se tapent la portion congrue.
Est-ce que ce bouquin a encore un intérêt aujourd’hui à part pour les nostalgiques ou les collectionneurs ? A priori, je dirais non. Il a été édité pour des raisons commerciales – la série faisait un carton – qui n’ont plus lieu d’être. Peut-être comme histoire à lire à des gamins… Si vous possédez le livre et des enfants, testez, vous me raconterez.
Les mystérieuses Cités d’or version papier n’avait d’intérêt que comme complément au dessin animé. À l’époque, pas d’Internet, pas de replay, pas de VOD, pas de téléchargement des épisodes, donc quand on en loupait un, ben on l’avait raté et c’était tant pis. Le livre permettait de lire en quelques lignes ce qui s’était passé (pas super utile cela dit, vu que chaque épisode commençait par un résumé du précédent). L’intérêt principal arrivait surtout une fois la diffusion de la série terminée. Là, on pouvait replonger ad infinitum dans les aventures d’Esteban, Zia et Tao en se repassant dans notre tête les images du dessin animé au gré des pages. C’était une façon intelligente de passer de l’écran à la lecture, de combiner les deux de façon constructive plutôt que les opposer en adversaires inconciliables.
De nos jours, la place de cet ouvrage est dans un musée.
Quant à la série, elle reste un must. Et je ne dis pas ça juste par nostalgie. On parle d’un dessin animé d’excellente qualité.
L’histoire est construite, elle raconte quelque chose, avec des enjeux et un sens. Avec Jean Chalopin au scénario, normal.
Il y a des gentils (les gamins), des méchants (les conquistadors, les Olmèques), sans que ce soit trop manichéen non plus grâce à des personnages ambigus (Mendoza et sa cape indestructible, comme les fringues d’un peu tout le monde en fait), des contrepoints comiques même chez les vilains pas beaux (Gaspard). Bref, tous les personnages sont travaillés, même ceux qui ne font que passer.
Le dessin est nickel et même si l’animation – le top du top au début des années 80 – a un peu vieilli, son âge vénérable lui donne un côté vintage mais pas archaïque.
Le générique dit tout à lui seul : la voix accrocheuse de Michel Paulin, une identité graphique, une BO entraînante et en route pour l’aventure !
Les mystérieuses Cités d’or, c’est surtout une série intelligente dans son propos. Elle parvient à parler de la conquête des Amériques par les Espagnols sans faire l’impasse sur la violence des événements, mais sans non plus la rendre traumatisante pour son public. Les passages sombres ou tragiques ne donnent pas de terreurs nocturnes, parce qu’ils sont rendus avec la dose adaptée à l’âge des spectateurs. À côté de ça, la série sait jouer du ressort comique (entre autres le duo Pedro et Sanchez) et les valeurs positives (amitié, intégrité, courage, altruisme…) forment le cœur du message.
Pour ne rien gâcher, chaque épisode est suivi d’un petit exposé narré par la voix inoubliable de Jean Topart. Histoire, géographie, civilisation, traditions, archéologie, la série est très documentée et transmet quelque chose par ce biais. C’est un vrai plus en matière de culture générale, qu’on apprend sans même s’en rendre compte parce que le dessin animé juste avant nous a rendu réceptif. Divertissement et vulgarisation, rien que pour ça, c’est une série qui tire son public vers le haut (pas comme les suites récentes, insipides au dernier degré : fuyez les saisons 2 et 3).
C’était du bon à l’époque, c’en est toujours ! Une série culte qui m’a fait rêver étant gamin et dont les Incas à part m’ont marqué. Avec le recul, je la range parmi les œuvres qui ont fait de moi un grand malade quand il s’agit de croiser les effluves. L’histoire du XVIe siècle se mélange aux légendes (Eldorado, Amazones, Mü, Atlantide…). L’aventure lorgne du côté du fantastique (Esteban est réputé avoir le pouvoir de commander au soleil) et surtout de la science-fiction. Tu croises des rayons laser, un réacteur nucléaire, des machines à énergie solaire, des engins volants… Le Grand Condor, quoi ! Un avion en or avec la forme d’un piaf géant, on dirait une de mes idées. J’en avais même bricolé un petit en Lego du haut de mes sept ans. Au début, je voulais le construire à l’échelle 1, mais c’était pas trop possible. Je devrais peut-être retenter le coup maintenant que je suis grand…