Aujourd’hui, on enfile son armure et on enfourche son destrier – évitez l’inverse, le canasson risque de ne pas apprécier. Nous partons à la chasse au dragon et pas n’importe lequel : celui du lac de feu.
Sorti en 1981, Le dragon du lac de feu, je l’avais vu tout gamin, autant dire que ça remonte. J’avais hésité à le remater ces jours-ci, rebuté en voyant le nom de Walt Disney. À tort. On est très loin du manichéisme simpliste de Disney, des petites fleurs, des petits oiseaux, des fleuves de guimauve. Suffit de voir ce qui arrive à la première victime du dragon, au missionnaire, à la princesse (pourtant sacro-sainte chez Disney).
Le Dragon du Lac de Feu a été un bide commercial en son temps et c’est bien dommage. Dans le genre médiéval-fantastique, les bons films sont rares et celui-ci en fait partie. Sorcier, magie, dragon, preux chevalier (plutôt biclassé guerrier-mage), roi tyrannique, princesse, paysans terrorisés, aucun ingrédient classique ne manque à l’appel. Et les références, elles, on en trouve à la pelle. Sacrifier les nanas du coin à un monstre fait penser à Thésée versus Minotaure, et dans une moindre mesure à Persée et Andromède. Le binôme vieux sorcier-jeune disciple un peu niais renvoie aussi bien au cycle arthurien (Merlin-Arthur) qu’à Star Wars (Obiwan-Luke) ou à Tolkien (Gandalf-Bilbo/Frodon) et bien d’autres vu qu’il s’agit d’archétypes. L’affrontement avec le dragon rappelle le mythe nordique de Siegfried. Mon tout fait bien sûr penser à Saint-Georges, allégorie chrétienne de Persée et Siegfried. D’autant plus évident dans le film avec la thématique de la lance – symbole classique de George – et le triomphe final du christianisme.
L’ensemble est désabusé, orienté dark fantasy. Sans vous spoiler la fin, on est loin du héros triomphant, qui tel Alexandre, conquiert le royaume à la pointe de la lance, épouse la princesse et règne en monarque sage et avisé.
La photographie, loin des couleurs flashy de la Table Ronde vue par Hollywood, abonde en scènes de nuit, virées dans des grottes, extérieurs boueux et rocheux. Entre ces lieux sombres et crasseux et la pyschologie en nuances de gros des personnages, l’influence du western spaghetti est patente.
La période présentée, toute fictive qu’elle soit, va dans le même sens. Transitoire entre l’ancien et le nouveau, elle met en scène les débuts du christianisme, le dernier grand sorcier, le dernier grand dragon… et on la perçoit surtout comme une ère finissante, entre Antiquité tardive et Haut Moyen Âge. Le roi ressemble moins à un souverain tout-puissant qu’à un gros noble local. Son palais n’affiche pas le lustre d’un palace, sa capitale a tout d’un bourg et rien d’un centre de pouvoir. Ambiance primitive et crépusculaire au rendez-vous pour un film qui ne pète pas la joie.
On est loin d’un Disney classique, tout en légèreté. Ici, on tue le side-kick comique, carrément. Le héros est plein de bonnes intentions mais d’une incompétence crasse. La princesse… ça, faut que vous le voyiez par vous-même. Et au-delà du bon vieux med-fan avec un bon vieux dragon, le film recèle une grande richesse qui renvoie au mythes antiques ou médiévaux d’à peu près toute l’Europe. Du lourd, donc.
Côté effets spéciaux, certains accusent leur âge, mais dans l’ensemble, les plus intéressants – ceux du dragon – n’ont pas pris trop de rides.
D’aucuns ont critiqué le choix de Peter MacNicol pour le rôle principal. OK, c’est son premier film et peut-être n’avait-il pas l’envergure nécessaire pour porter le rôle. En même temps, l’acteur se trouve de facto en adéquation parfaite avec son personnage. On pourrait en dire autant de Mark Hamill dans Star Wars.
Si Le Dragon du Lac de Feu n’atteint pas le niveau de Conan ou du Seigneur des Anneaux, il n’a pas non plus les mêmes ambitions ni les mêmes moyens, pas plus que l’énormissime background littéraire clé en main fourni par Howard et Tolkien.
Je ne regrette pas de l’avoir redécouvert.