Le clan – Alan Davis

Le clan
Alan Davis

CAP

Par certains côtés, Le clan rappelle ces vieilles séries des années 80 pleines de gens pétés de tunes qui occupaient leur oisiveté à se friter avec d’autres richards du même acabit. Dallas et Dynasty ont marqué leur époque de leurs interminables sagas fleuves. En France, la réplique ne traîne pas pour commencer à produire de la copie de ces fresques familiales, avec moins d’ambition, moins de budget, moins d’épisodes. Ainsi Châteauvallon vient pourrir les écrans télé en 1985 et trois ans plus tard, Le vent des moissons inaugurait le concept de la “saga de l’été”, ces mini-séries au canevas identique de rivalités claniques sur fond de château, vignoble, domaine agricole ou autre propriété au parfum tant de terroir que de droite, avec tout l’arsenal des grosses ficelles narratives et du bling-bling (passion amoureuse, grosses bagnoles de droite, secrets de famille, héritage à six chiffres), le tout rehaussé d’un titre pondu par Météo France (Le vent des moissons, Tramontane, Orages d’été, Les grandes marées, Dans un grand vent de fleurs, Un été de canicule).
La BD n’est pas en reste, puisqu’au milieu des années 80, celui qui avait œuvré pour Pilote en tant que Jean Pailler, connu aussi comme Jo Cordès et Jean Pignar dans l’érotisme, se lance dans Le clan (sous le nom d’Alan Davis, parce qu’il aime de toute évidence collectionner les noms de plume).
Les quatre tomes qui forment cette fresque du Clan, c’est Dallas avec du cul. Beaucoup de cul.

Le clan Alan Davis Bébé adult tome 1

Réginald Hemlyn, le patriarche du clan, a fait fortune dans la construction automobile. Toute sa famille profite de son pognon. Résidence immense, garden-parties, voyages en hélico, les Hemlyn ne se refusent rien.
Mais dans l’ombre, Lorna Brenton est jalouse de Samantha, la femme que Réginald a préféré épouser à sa place. Elle magouille aussi pour une fusion de son entreprise avec celle des Hemlyn.
Mais dans l’ombre (bis), les Hemlyn montent un plan pour torpiller Lorna en séduisant Derek, son assistant et amant.
Mais dans l’ombre (ter), certains trafiquants ne sont pas jouasses du discours anti-drogue de Michael Hemlyn, un des fils du clan qui occupe un poste de sénateur, et enlève une des filles Hemlyn.
Cet entrelacs destiné à former une intrigue sans y parvenir n’avance pas trop dans le premier tome, noyée dans un torrent ininterrompu de sexe entre les protagonistes. Pas évident de s’y retrouver au début parmi la multitude de personnages, pas plus présentés que ça et difficiles à distinguer vu qu’ils ont tous un air de famille.
‘Fin bref, on voit défiler Réginald Hemlyn, le père, qui a une préférence marquée pour les hommes, comme il le montre en se tapant son chauffeur, ainsi que pour les transgenres d’un club qu’il fréquente. Sa femme, Samantha, est quant à elle une lesbienne dominatrice. Une de leurs filles, Patty, traîne avec un punk, chante dans un groupe et partouze sur scène en plein concert. Priscilla, la femme de Michael (le fils sénateur), couche de son côté avec le frère de son mari, Mark, qui est pilote de course. Michael joue les voyeurs au Refuge des âmes célestes, une agence qui scénarise et met en scène les fantasmes de ses clients. Cynthia, l’épouse de Mark, se tape son neveu quand elle ne joue pas la soumise pour sa belle-mère Samantha. Hors tribulations sexuelles familiales, mamie Lorna se fait enfiler par Derek à la moindre occasion, au bord de sa piscine comme en plein conseil d’administration.
C’est touffu.
On regrettera une narration très bordélique, qui saute du coq à l’âne, et assez pauvre, à balancer des bouts d’histoire à la va-vite sans rien installer proprement. Ces bribes de scénar doivent occuper à peine une demi-douzaine de pages dans l’album quand les scènes de boule en remplissent une quarantaine. À donner le tournis tellement ça n’arrête jamais…
On appréciera la variété : hommes, femmes et transgenres… jeunes, vieux ou entre deux âges… de l’hétéro, de l’homo, du bi… actif, passif, voyeur… en couple ou en groupe… Il y a de tout, le catalogue complet. En prime, une ambiance barrée qui ne se prend jamais au sérieux.

Le clan Alan Davis Bébé adult tome 2

Si la narration du premier tome partait dans tous les sens, celle du second se concentre un peu plus sur deux éléments. Ce qui n’empêche pas quelques fantaisies foutraques comme une scène délirante de gala de bienfaisance qui vire à la bataille de tarte à la crème.
La séduction de Derek par Cynthia constitue le premier gros morceau, une scène au long cours qui démarre à deux et s’étale par bribes sur tout l’album dans une escalade infernale pour finir avec sept protagonistes.
L’autre volet majeur est l’introduction d’une secte qui cherche à gagner du poids politique par le biais de Michael en lui faisant rencontrer sœur Pamela, une major des Marines dominatrice et nymphomane.
L’évasion de Patty après son kidnapping est traitée en mode guirlande de Noël, l’auteur y revient de temps en temps quand il se rappelle qu’il doit en parler, mais ce versant du récit n’est pas le point fort de l’album.
Bilan : la frénésie de sexe laisse à peine le temps de respirer, on sent que l’auteur improvise son histoire au petit bonheur la chance, c’est un joyeux foutoir. Marrant à lire quand même pour son côté outrancier sans limites, festival du grand n’importe quoi qui ne se prend pas la tête et donne l’impression de lire une adaptation porno du Benny Hill Show.

Le clan Alan Davis Bébé adult tome 3

Le troisième tome ne cherche pas à raconter grand-chose et ressemble moins à une suite qu’à un épisode récréatif déconnecté des tomes précédents. Exit l’histoire de secte comme si elle n’avait jamais existé. Patty rentre à la maison sans trop d’accroc, ce qui fait que le fil narratif de son enlèvement aura été un pétard mouillé tout du long. Lorna apparaît brièvement mais il n’est plus question de ses machinations de cheffe d’entreprise aux dents longues.
En-dedans, deux parties sans lien entre elles.
Le premier acte a pour cadre la résidence des Hemlyn et voit tous les membres de la famille et leurs satellites tirer des coups chacun dans leur coin pendant la moitié de l’album. Derek enfile Cynthia dans la piscine, pendant que Réginald enfile sa belle-fille Priscilla sur la terrasse, pendant que le chauffeur Samuel enfile dans un buisson Laura, l’amante transgenre de Réginald, pendant que Cynthia s’enfile Trevor, le fils de sa belle-sœur, dans un autre buisson, pendant que Lorna enfile Samatha sur une chaise longue avec un double gode-ceinture (bien) caché dans son bikini, ensuite Michael débarque et enfile Priscilla, pendant que Réginald enfile Derek, et enfin toute la famille se rassemble au bord de la piscine pour manger des saucisses en rigolant, ce qui est une drôle de chute à cette histoire, mais on n’est plus à ça près.
Après ce néant narratif total, la seconde partie a pour toile de fond une menace de grève dans l’entreprise de Réginald. Celui-ci embarque toute la famille pour lancer une opération séduction à destination des ouvriers et ainsi les couper de la direction syndicale.
Bilan : un album moins foufou que les précédents. L’absence de velléité narrative, vu le bordel que c’était jusqu’ici, n’est peut-être pas un mal, mais les éléments improbables que casaient Davis pour tenter de raconter quelque chose avaient au moins le mérite d’être marrants par leur absurdité. Ici, on forniquera donc tout du long, ce qui ne change pas trop de ce à quoi on avait droit jusqu’ici, mais il manque ce délire qui commandait les ébats WTF des tomes 1 et 2 (à part la chute avec les saucisses).

Le clan Alan Davis Bébé adult tome 4

Après avoir bouclé sa fresque familiale sur trois tomes, Davis nous avait laissés sur le mot “fin”. Il remet le couvert avec un nouvel arc narratif pour développer les aventures du clan Hemlyn. Et bof.
Réginald décide de diversifier ses activités en se lançant dans la lingerie. C’est tout ce qu’il y a de neuf et ça ne mène pas loin. Samuel est toujours chauffeur, ce qui ne sert à rien dans l’histoire. Mark est toujours pilote de course, ce qui ne sert pas davantage. Patty chante toujours dans un groupe punk, ce qui n’a pas plus d’utilité qu’avant. Michael est toujours sénateur, ce qui ne sert pas à grand-chose à part faire rencontrer à Priscilla une autre femme de sénateur. Toute le monde baise avec tout le monde en pilote automatique, sans le vent de folie qui imprimait sa marque déjantée aux premiers tomes. Seule nouveauté, Réginald se met à porter de la lingerie, ce qui n’apporte in fine pas des masses de consistance à cet album qui ne sait pas où il va mais qui s’y dirige quand même, très mal. Le dessin n’est par ailleurs pas terrible, plus proche de l’esquisse que du travail abouti.
La dernière case annonce un épisode censé poursuivre le récit de cette reconversion dans les dessous féminins. Il ne verra jamais le jour.

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