Le capitaine Flahaut – Lucienne Cluytens

Marc Flahaut est un personnage récurrent de Lucienne Cluytens, autrice de polars régionaux qui se déroulent à Lille et alentour. Il s’agit d’un officier de police, pas d’un agent d’entretien (sinon j’aurais écrit “récurant”).
Le titre ment quelque peu, puisque Flahaut prend du galon en cours de route. J’ai lu trois bouquins où il apparaît (La mort en guêpière, Pink Konnexion et La Panthère sort ses griffes), il a le grade de capitaine dans le premier et de commandant dans les deux autres. Mais j’aime bien capitaine, ça fait pirate.

Couverture La mort en guêpière Lucienne Cluytens Ravet-Anceau
Ma chère et tendre n’ayant pas de guêpière à me prêter pour la photo, la mort sera en porte-jarretelles pour l’occasion.

La mort en guêpière
Ravet-Anceau

Sorti chez Ravet-Anceau dans la collection Polars en Nord, une collection de polars (logique) qui se passent dans… eh non, pas le Nord mais le nord de la France sans majuscule, merci. Le Pas-de-Calais n’est pas le Nord, les trois départements de l’ex-Picardie, pas davantage. Et les excroissances qui s’aventurent en Champagne-Ardennes ou en Normandie encore moins. Allez dire à un Normand qu’il est du Nord, il vous rira ou nez (ou vous sortira une réponse fumeuse de Normand, c’est le sport local).
Or donc, La mort en guêpière est le premier Cluytens que j’ai lu. Acheté au salon du livre d’Abbeville, qui a marqué ma première rencontre avec cette grande dame (nonobstant que je mesure deux têtes de plus qu’elle). Bref, le jour des premières fois.
Tout part d’un cadavre retrouvé dans la Deûle (le Nil lillois). Pour la petite histoire, le bouquin est sorti en 2011, à une époque où on remontait pas mal de macchabées du canal. L’ombre d’un tueur en série planait sur la ville et comme j’y habitais, je ne sortais jamais sans ma bouée.
L’enquête est confiée au capitaine Flahaut (dans le bouquin, j’entends, pas dans le monde réel), qui va se heurter au Mensonge. Je pourrais l’écrire sans majuscule ou au pluriel, mais c’est pour que tu comprennes bien qu’on parle du thème central. Si la première personne interrogée dans le cadre de l’enquête avait dit la vérité, le roman aurait été plié en cinq pages. Mais non, elle ment, les autres personnages en font autant et de bobard en bourrage en mou, il se construit un véritable temple dédié à l’enfumage.
Le talent de Cluytens, c’est de faire en sorte que cet édifice de mensonges se tienne. À la fois en termes de crédibilité et de construction narrative et surtout au niveau de ses personnages. Ils ont tous une bonne raison de mentir, leur attitude est crédible et ne relève pas d’une grosse astuce sur le mode “oh ben là il va dire ça juste parce que j’ai besoin que l’histoire avance”.
Le point fort de ce roman, il est là, la psychologie des protagonistes. Marie en tête, miss guêpière rouge, symbole ambivalent de libération (lingerie, séduction, sexe) et d’enfermement (corset, étouffement). Une allégorie du couple, cette entité démoniaque qui brise tes rêves et tes projets.

Couverture Pink Konnexion Lucienne Cluytens

Pink Konnexion
L’Atelier Mosésu

On retrouve Marc Flahaut, au grade de commandant pour le coup. Le voilà embarqué dans un tsointsoin familial autour d’une personnalité politique. Son côté franc-tireur se révèle à double tranchant pour le commanditaire qui gravite dans les hautes sphères de la préfecture. Eh oui, si Flahaut est l’homme de la situation pour mener son enquête en loucedé, on ne la lui fait pas, il rechigne à être utilisé pour camoufler les sales histoires et on le comprend.
Ici, Cluytens met à profit un aspect méconnu de Lille : son réseau de caves et passages souterrains. J’en ignorais tout alors que j’ai habité juste au-dessus pendant vingt ans !
Un intrigue intéressante qui fait la part belle aux magouilles politico-policières.
Côté style, Cluytens parvient à déployer une plume classique et propre, qui évite l’académisme et détend sans ennuyer.

Couverture roman La Panthère sort ses griffes Lucienne Cluytens

La Panthère sort ses griffes
L’Atelier Mosésu

Après le titre qui ment, le livre qui ment. Je mens beaucoup, sans doute parce que Machiavel fait partie de mes auteurs fétiches.
En soi, La Panthère sort ses griffes n’appartient pas aux aventures de Flahaut. Mais il apparaît en tant que personnage secondaire, en parler ici n’a rien de scandaleux. Sinon, au pire, je te ressors l’argument que je suis chez moi et que je fais ce que je veux. Et hop.
La Panthère est flic, un genre d’inspecteur Harry en jupons. Bourrine au caractère imbuvable, adepte des méthodes par la bande voire illégales bien comme il (ne) faut (pas).
Un Cluytens plus cru que d’habitude, mais qui a le bon goût de ne pas verser dans la facilité. La Panthère pourrait te balancer des merde, putain, fuck tous les trois mots comme dans le sketch Je t’embête des Inconnus. Mais non. Ici et là, oui, parce que le personnage est cash mais sans excès. Et si son enquête la mène à explorer le chemin obscur du BDSM (miam !), Cluytens n’en profite pas pour te claquer du cul à tire-larigot, histoire de remplir une intrigue qui sans cela serait pleine de trous. De la fesse mais sans vulgarité et justifiée.
Un chouette démarrage pour la collection Dirty Girls, qui n’aura pas été beaucoup plus loin, l’éditeur ayant mis la clé sous la porte.

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