L’espoir – André Malraux

L’espoir
André Malraux

Folio

Autre moitié du binôme infernal espagnol de mes jeunes années d’étudiant, L’espoir ne m’aura pas plus emballé que Les grands cimetières sous la lune. Rimant avec rasoir, ce bouquin m’aura barbé tout du long, sans jamais parvenir à m’intéresser à ce qu’il raconte, désespérant d’ennui.

Couverture L'espoir André Malraux Folio

La chronologie du roman couvre le début de la guerre civile espagnole de juillet 1936 à mars 1937 et se clôt sur la bataille de Guadalajara, victoire républicaine après laquelle tous les espoirs sont permis – d’où le titre, pour ceux qu’auraient pas suivi. Les nationalistes se chargeront de doucher très vite cet enthousiasme. Le fait de savoir, en tant que lecteur a posteriori du conflit, que la défaite pend au nez des Républicains ne rend pas L’espoir plus tragique. Rien que le sentiment que c’est beaucoup de blabla, un vain brassage d’air au final.
On ne sortira pas davantage plus informé sur la guerre d’Espagne, ce qui est dommage quand on sait que l’auteur y a participé – ou fait acte de présence en remuant beaucoup, selon comment on le voit. Malraux écrit à chaud, quand le sujet fait la une de l’actu de son époque et que ses lecteurs savent de quoi il retourne. Après coup, quand nous on s’aventure là-dedans, on ne pige rien faute de contexte. Vaut mieux lire avant un historique du conflit – Wikipedia pour la version courte, La guerre d’Espagne de Guy Hermet en Points Histoire pour la version longue. Déjà avec les explications, ça reste quand même un beau bordel, surtout côté républicain où se côtoient socialistes, communistes et anarchistes, plus leurs subdivisions en fonction de leurs tendances (les trotskistes, les marxistes, les staliniens…), tout ce petit monde avec ses leaders persos, soit une flopée de noms à retenir. Alors sans…

Même chaos du côté des protagonistes de L’espoir où on suit des personnages, ici, là. Tranches de vie et de guerre. Si cet éclatement rend bien la réalité du conflit pour un combattant lambda qui n’a aucune vision d’ensemble et pour lequel l’horizon de la guerre se limite au terrain où il se bat, cette absence de liant hache le récit du roman, qui ne raconte d’ailleurs pas grand-chose, puisqu’il sert de prétexte à parler, philosopher, discourir, disserter.
Pour causer, ça cause. Pour arriver à la conclusion que l’enthousiasme et le bon droit ne suffisent pas à gagner une guerre, faut aussi du matos, une armée organisée et des compétences dans la direction des opérations. On le savait depuis Sun Tzu et même avant, je sais pas si ça valait de nous pondre 600 pages pour ressortir une évidence pareille. Bon après, Dédé n’a jamais été un as de la marave, que ce soit au plan théorique ou pratique. Le gars a dirigé une escadrille du côté des Républicains, sans savoir piloter, et pour ce qu’on en sait mauvais tireur, ce qui fait qu’on se demande ce qu’il pouvait bien glander à bord d’un appareil. Pas tout à fait la même trempe que Greg Boyington, autre franc-tireur aérien qui fera le coup de feu en Chine avec ses Tigres Volants quelques années plus tard…
Un des personnages du roman, Magnin, est de toute évidence une projection héroïsée de Malraux. Soit. Tant qu’à avoir été témoin et acteur du conflit, autant se servir de son expérience pour construire un personnage. Mais vu à quel point le texte n’a pas grand-chose à raconter au lecteur, on se demande à travers la présence dudit Magnin si Dédé ne se la raconte pas tout court. Le seul dont j’ai retenu le nom, détail assez éloquent sur sa mise en valeur par rapport au reste du casting, pléthorique et foisonnant…
On voit défiler une foule de noms, visages… qui resteront surtout des noms et des visages. Ils meurent pour la plupart, l’un après l’autre, dans l’indifférence du lecteur. Tous ces gens arrivent, lâchent ce qu’ils ont à dire sur tel ou tel thème et repartent sans qu’on en sache beaucoup plus à leur sujet. On n’a ni le temps ni la matière pour s’intéresser à eux.
La guerre étant une affaire d’hommes, en tout cas aux yeux de Malraux, faudra pas chercher de personnages féminins. On compte pourtant dans les 2000 milicianas à avoir servi parmi l’armée républicaine – dont une aviatrice, Mari Pepa Colomer, dont Malraux ne peut pas ne pas avoir entendu parler – et 500 étrangères dans les rangs des Brigades internationales, plus un nombre indéterminé mais conséquent de non-combattantes (soins, intendance, militantisme, fabrication d’explosifs…) qui n’en ont pas moins contribué à l’effort de guerre et ce dès le premier jour. Le célèbre slogan ¡No pasarán! qui devient le cri de ralliement des Républicains pendant le siège de Madrid – épisode qui occupe toute la partie centrale du roman, rappelons-le – est attribué à Dolores Ibárruri. Et je pourrai multiplier les noms et les exemples, tout ça pour dire que les femmes sont loin d’être absentes de la guerre civile. Mais non, silence total de Dédé sur le sujet.

Milicienne républicaine à Barcelone Gerda Taro 1936
Milicienne républicaine à Barcelone (photographie de Gerda Taro, 1936)

Donc y a pas de contexte, y a pas de meufs, y a pas de perso vraiment marquant à part l’alter-ego de Dédé la malice, c’est aride et confus, ça déborde de débats philosophiques qui se résument aux mieux à des grandes idées que d’autres ont déjà exprimées, au pire à des évidences enrobées de références et placées sur le terrain de l’abstraction pour faire croire à des vérités profondes.
Paraît que l’espoir fait vivre, moi j’ai failli crever d’ennui.
Alors c’est pas un mauvais bouquin, mais pas de quoi se rouler par terre tout Malraux que soit l’auteur. Trop long, trop soporifique, trop de moi-je qui ne dit pas son nom, trop perché dans ses trop nombreux débats, un comble pour un partisan de l’action… domaine dans lequel il se sera beaucoup vanté mais n’aura jamais brillé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *