Au guidon de sa motocyclette, Eddie Lomax traîne sur les routes sans qu’on sache trop d’où il vient ni où il va. Lui-même n’a pas l’air beaucoup plus au courant. Ses pérégrinations le mènent à Inferno, un patelin sous la coupe de gangsters qui tabassent Lomax, le dépouillent et le laissent pour mort.
Lomax va se relever de ses blessures et entreprendre de se venger. Parce que Lomax, il est interprété par Jean-Claude Van Damme et il faut pas le faire chier.
John “Dents de scie” Avildsen, on lui doit la réalisation de Rocky et Karate Kid. On lui doit aussi des titres un peu moins prestigieux, comme cet infernal Inferno, remake pas bien terrible du Yojimbo d’Akira Kurosawa.
Un étranger au passé mystérieux arrive dans une ville tenue par deux bandes rivales et les dresse l’une contre l’autre. Enfin, c’est l’idée de base, parce qu’en guise de multiples manipulations, ici, on en a qu’une seule et elle aboutit très vite à unir les deux bandes contre Van Damme (on n’a jamais dit que c’était un cerveau). Si Inferno s’éloigne beaucoup de son modèle et de ses autres remakes (Pour une poignée de dollars et Dernier Recours), il reste quelques éléments qui attestent de la paternité (étranger solitaire, village perdu, les deux gangs rivaux amenés à s’entretuer, le fossoyeur cinglé). D’ailleurs à la fin du film, le chauffeur du bus invite une donzelle à voir un film de samouraïs de Kurosawa qui a pour titre… Yojimbo.
Le film est sorti en 1999. À l’époque Van Damme continue sa descente après les échecs à répétition (Mort Subite, Risque Maximum, Double Team, Piège à Hong Kong). En France, Inferno atterrit direct dans les bacs à DVD sans passer par la case ciné, plus personne ne misant sur JCVD vu les résultats de ses films et ses prestations publiques.
Que dire d’Inferno ?… C’est un Van Damme et pas le meilleur, loin de là. Il y a de jolis paysages et c’est à peu près tout.
La liste des interprètes parle d’elle-même : c’est le casting de la lose. Les têtes connues sont des gloires passées, les petits nouveaux des foireux en devenir. De quoi s’inquiéter quand on est acteur de se retrouver entouré d’une distribution pareille, qui donne matière à s’interroger sur son parcours (et une retraite anticipée).
Les scènes d’action sont plutôt rares pendant les trois quarts du film avec une accélération notable sur la fin. Les rares combats à mains nues sont tout nases malgré la présence derrière la caméra du réalisateur de Rocky et Karate Kid. Les talents martiaux de Van Damme étant sous-exploités, Inferno pèche côté action et ce n’est pas ce film qui aurait pu relancer sa carrière à l’époque.
L’autre versant du film, c’est la comédie. De ce côté aussi, bof. Peu de passages drôles et la plupart des trucs censés être plus ou moins marrants sont dignes de Benny Hill. Parfois on sourit mais surtout parce qu’on se dit qu’ils n’ont quand même pas osé et que finalement, si, ils l’ont fait (exemple : un type demande des munitions et son pote lui file pêle-mêle des balles de calibre 38, de calibre 45 et un suppositoire). Quelques trucs amusants quand on est un public facile, mais c’est pas bien beaucoup.
Surnage néanmoins UNE scène d’anthologie. Van Damme descend dans un bar, zigouille une poignée gars, repart avec deux filles qu’il a sauvées. Plus tard, l’une d’elles frappe à sa porte pour le “remercier”. Pendant la séance de “remerciements”, l’autre nana a la même idée et se pointe. “Bouge pas, je finis et je m’occupe de toi”, dixit Vandamme tout à sa besogne, à poil mais en santiags. Et tout ça se passe sous l’œil de la mamie bigote qui leur loue la chambre, postée en voyeuse à la fenêtre en sirotant sa bouteille de whisky à la paille. Bref, une scène hallucinante qui donne une idée de ce que le film voulait être. Dommage qu’il n’atteigne son but que dans ce passage.
Rien n’a été exploité comme il fallait. Regrettable, parce qu’il y a pas mal d’éléments du film qui auraient été propices à une vraie comédie déjantée et absurde. Des faux air de film de gangsters, d’action, de comédie, de western, un soupçon de légendes indiennes, une romance et surtout une galerie de personnages plus improbables les uns que les autres (chasseurs d’ovnis, vieux sage indien, homme à tout faire-nettoyeur-fossoyeur japonais, armurier emphysémique qui fume comme un sapeur à côté de ses bouteilles d’oxygène…). Un sacré cocktail de n’importe quoi dans le pire comme dans le meilleur (filez ça aux Monty Pythons et vous verrez). Le résultat, sans être complètement mauvais, est juste insipide.
Tout de même, on notera que Jean-Claude ne s’en sort pas mal. À défaut de pouvoir tatanner, il doit jouer. Et là où on pourrait attendre le pire, on est presque surpris. “Presque”, parce qu’on n’a pas sous les yeux une prestation digne des Oscars, mais le Van Damme se montre assez crédible dans les scènes tragiques et très à l’aise dans les scènes comiques. Entre Inferno et The Order, je me dis que Van Damme aurait pu, avec un bon projet et la direction d’acteur adéquate, briller dans le registre de la comédie (comme il le fera dans un registre dramatique avec JCVD).