Harry Potter et l’enfant maudit
J. K. Rowling, John Tiffany & Jack Thorne
Gallimard jeunesse
Cette nouvelle aventure du jeune balafré porte bien son titre. L’enfant maudit de la saga. Le volume de trop.
Quatrième de couv’
Être Harry Potter n’a jamais été facile et ne l’est pas davantage depuis qu’il est un employé surmené du Ministère de la Magie, marié et père de trois enfants. Tandis que Harry se débat avec un passé qui refuse de le laisser en paix, son plus jeune fils, Albus, doit lutter avec le poids d’un héritage familial dont il n’a jamais voulu.
Le destin vient fusionner passé et présent. Père et fils se retrouvent face à une dure vérité : parfois, les ténèbres surviennent des endroits les plus inattendus.
Quand on me l’a prêté, j’ai rigolé en lisant sur la couv’ “d’après une nouvelle histoire originale de J. K. Rowling”. Dans un sens oui, nouvelle parce qu’elle vient de sortir, originale parce qu’elle ne l’a pas écrite avant. Encore que, sur ce dernier point, on pourrait débattre un moment vu le taux de recyclage…
Rowling n’a pas inventé la poudre (c’était déjà fait, tu me diras). La saga Potter, son grand œuvre, est un habile mélange de personnages stéréotypés et de situations classiques. Du récit initiatique standard, pas révolutionnaire, bien fichu nez-en-moins. Rowling a su tirer son épingle du jeu – pas sur le style, vu qu’elle aime bien ce genre d’expression prête à l’emploi – grâce à un univers riche et attractif. Harry Potter est une bonne saga de littérature jeunesse.
Cela dit, les derniers tomes de la série m’avaient moins convaincu. La faute à deux défauts conceptuels qui illustrent les expressions “victime de son succès” et “céder au chant des sirènes”.
D’une part, on sent dans les mécanismes que le roman s’efface au profit de l’adaptation cinématographique prévue au calendrier. Or, scénario et roman n’obéissent pas aux mêmes logiques et procédés. D’autre part, si, vu le succès de la série, on comprend bien que l’auteur veuille tenir compte des attentes de son lectorat, il y a quand même une marge entre la satisfaction du public et les dérives du fan service. Bref, la mère Rowling a de moins en moins écrit les livres qu’elle voulait pour se tourner vers ce qu’on attendait d’elle.
Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier la saga dans son ensemble, mais il était temps d’en finir avant de basculer pour de bon dans le Côté Obscur. Même si le mal était déjà fait, dès lors que Rowling avait vendu son âme au diable hollywoodien et troqué le coussin Potter contre un matelas de billets verts.
Las, elle a voulu remettre le couvercle. Quand un auteur réfléchit comme un producteur, il vérifie très vite l’équation x=Titanic+iceberg. Résultat, x=naufrage. Harry Potter et l’enfant maudit, métaphore du petit Grégory, coule comme une pierre (a Rowling stone en anglais). Ce fils prodigue tient moins de l’œuvre que du produit. Une suite discount qui n’a d’autre vocation que pomper aux fans le blé qu’ils n’ont pas déjà claqué dans les précédents bouquins, les films, le merdechandaïzing. Les vampires existent, la preuve.
Le format théâtre, pourquoi pas… quand on est au théâtre. Pourquoi balancer le texte de la pièce en l’état sans l’avoir retravaillé sous forme romanesque ? La grande force de la série ne tient pas dans la profondeur de ses dialogues mais dans la richesse de son univers. Richesse qui passe par la narration, les descriptions, l’immersion du lecteur dans un autre monde. Ici, le grand voyage tombe à l’eau et tu plonges dans dix centimètres d’eau. La croisière vers l’imaginaire ? Un bateau Playmobil dans une baignoire…
Tu m’objecteras que les bonnes pièces existent et je suis bien d’accord. Sur quoi elles reposent ? Intrigue, dialogues et personnages. Rowling s’est gaufrée sur les trois, aussi dépourvus de relief que le torse de Jane Birkin. Plat, insipide, vide, bancal, barbant, je peux te dérouler une liste d’adjectifs jusqu’à demain. J’en ai une pleine musette depuis que je me suis attaqué au dictionnaire, lecture plus palpitante que cet enfant de l’ennui.
Dommage que l’expression deus ex machina soit invariable, elle mériterait un pluriel XXL vu le panthéon invoqué. À coups d’incohérences, de retournements basés sur rien, de coups de théâtre gratuits, le deo gratias devient dei gratis. Un bien nommé feu d’artifice(s) qui vire au pet foireux.
À trop tirer sur la corde, à la fin, elle se brise, pour paraphraser l’affable La Fontaine. Il va être temps que Rowling tue le père… enfin le fils plutôt… et dans la foulée le malsain esprit mercantile du fan service. Le seul tour de magie de cet Enfant maudit qu’il aurait fallu avorter, c’est de changer la merde en or. Avec ton pognon.
Tu veux te faire plaisir avec Harry Potter ? Épargne-toi ce brouillon et replonge-toi dans les anciens… Jongle avec des rochers Ferrero pour t’entraîner à choper le vif d’or, mange tes crottes de nez en fantasmant sur Bertie Crochue, astique-toi la braguette magique, frotte-toi la choupinette sur un manche à balai…
Tout plutôt que Harry Potter et le lecteur maudit.
Bon eh bien tu confirmes ce que je craignais… je vais donc garder mes illusions enfantines intactes et m’éloigner à pas de loup avant qu’il ne se jette sauvagement sur moi
Yep, tu peux faire l’économie de ce pur produit de merchandising ni fait ni à faire.