Ghost Game – Joe Knee / Sarawut Wichiensarn

Fantôme figurine Lego

Aujourd’hui, je suis dans un bon jour, je vous offre deux chroniques ciné pour le prix d’une !
À la base, je voulais parler du Ghost Game de Sarawut Wichiensarn sorti en 2006 en Thaïlande et, en cherchant l’affiche pour illustrer cet article, je suis tombé sur un homonyme de 2004 réalisé par Joseph Genou, plus connu sous son nom d’artiste Joe Knee (il n’est même d’ailleurs connu que sous ce dernier nom, vu que j’ai inventé le premier). J’étais plus à ça près, je l’ai regardé.
Verdict : en plus de porter le même nom, les deux films sont aussi à chier l’un que l’autre !

Affiche film Ghost Game Joe Knee 2004

Ghost Game (Joe Knee, 2004)

Celui-ci, ça va aller vite. C’est l’éternelle histoire d’une bande de potes qui partent en vacances dans une cabane au fond des bois et se font dégommer par un croque-mitaine. Ici, l’élément déclencheur est un jeu qu’ils trouvent dans la cahute et auxquels ils jouent en dépit de l’avertissement de ne surtout pas y toucher (comme c’est original…). Ce faisant, ils libèrent les esprits de trois sorcières maléfiques dont le seul but dans la non-vie sera de buter la clique de vacanciers. Tu parles d’un sens de la reconnaissance qu’elles ont, les gredines d’outre-tombe !… Y a plus de valeurs, ma bonne dame, les jeunes de maintenant les vieilles d’avant, elles respectent plus rien…
Y a tous les clichés de personnages et de situations… narration sans surprise et péripéties prévisibles… un temps fou à démarrer… jumpscares à deux balles… tout est déjà vu et tout est nase.

Affiche film Ghost game Laa-thaa-phii Sarawut Wichiensarn 2006

Ghost Game (Sarawut Wichiensarn, 2006)

Ghost Game (en VO ล่า-ท้า-ผี et répertorié selon les sites sous les transcriptions Laa-Thaa-Phii ou La-Tha-Pii) est un film d’horreur thaïlandais sorti en 2006, qui a surtout fait du bruit à l’époque en dégradant les relations déjà pas très joviales entre le Cambodge et la Thaïlande.
Les producteurs voulaient tourner leur film à Tuol Sleng, ancien lycée transformé par les Khmers rouges en lieu de détention et d’exécution (dans les 20000 prisonniers dégommés entre 1976 et 1979) et devenu aujourd’hui un musée sur le génocide cambodgien. Le Cambodge a dit non, le tournage a eu lieu en Thaïlande mais le nom du lieu est resté le même dans le scénario : la prison S-21. Les Cambodgiens on été scandalisés, vu que le film fait nimp, avec zéro respect et zéro thématique, pour ne jouer que sur le côté trash lié à l’évocation de l’endroit. “Tourné dans un vrai camp de torture khmer rouge” annonçait tranquille la promo de l’époque.
La citation du curé Meslier a été maintes fois détournée… Voici ma version : le cinéphile ne sera heureux que le jour où le dernier des producteurs aura été pendu avec les tripes du dernier directeur marketing.

Le pitch : dans le cadre d’une émission de télé-réalité, onze candidats sont enfermés dans l’ancienne prison S-21 réputée hantée. Le gagnant sera celui qui tiendra jusqu’au bout du jeu sans que ses nerfs lâchent.

Alors le choix du lieu, vu son histoire et vu le contexte relationnel Cambodge-Thaïlande, c’était pas malin du tout. Imaginez qu’en Europe des Allemands décident de tourner chez leurs voisins polonais un film d’horreur à Auschwitz, bon ben ça gueulerait. À juste titre. Il aurait été beaucoup plus judicieux d’inventer un endroit fictif qui aurait été le théâtre d’atrocités passées pour éviter de froisser les susceptibilités. Et à partir de là, broder sur les fantômes du passé, l’Histoire, les lieux de mémoire… La matière ne manquait pas.
Sinon le concept, en soi, il est loin d’être con. Sur la base de ce Fort-Boyard mâtiné de défi enfantin “pas cap de passer la nuit dans la vieille maison abandonnée”, y avait moyen de faire un film d’horreur intelligent, avec de la thématique dedans, la plus évidente étant celle de la télé-poubelle, ces reality-shows qui repoussent toujours plus loin les bornes de la connerie, du trash, de l’irrespect, du bad buzz, du rien-à-foutre-tant-que-ça-fait-de-l-audience. Du genre qui serait vraiment capable IRL de monter un jeu télé dans un ancien d’extermination, en sachant bien que ça va choquer et en même temps sans, sincèrement, comprendre pourquoi. Parce que les gens aux commandes de cette branche du divertissement sont hors sol et vivent sur une autre planète.
Donc possibilité était offerte d’une critique de la télé et de ses errances dans la course à l’audimat. Le film aurait pu poser la question des limites du divertissement. Parce que cette question se pose. Déjà, rien que dans sa promo sordide, Ghost Game se situe pile dans ce qu’il aurait pu dénoncer. Ensuite, parce qu’il est d’une certaine façon devenu une réalité dix ans plus tard quand le jeu Pokemon Go a situé une arène de combat virtuel en plein milieu de l’ossuaire de Douaumont à Verdun. No limit. Yolo. WTF.

Mais laissons de côté ce que Ghost Game n’a pas été et parlons de ce qu’il est : une bouse.
“L’horreur… l’horreur…” Tel un colonel Curt en pantoufles, je prononçai ces mots à la fin du film… Si Ghost Game était un pays, il rejoindrait l’Axe du Mal. Mal filmé, mal écrit, mal joué, ce film, c’est le maaaaal ! Game over
Le film s’ouvre sur une scène en caméra subjective filmée avec les pieds, tournée avec un appareil perdu par les frères Lumière à l’époque où le Siam était encore une colonie française, non sous-titrée (donc très claire à comprendre) et rehaussé d’un filtre mi-sépia mi-vert moisi pour qu’on comprenne que c’est horrible/passé/filmé. En quelques minutes d’intro à la Blair Witch, la messe est dite.
La suite est du même tonneau percé. C’est long, mais long… Le spectateur est hanté de bout en bout par le spectre de l’ennui. D’autant plus qu’on ne nous explique rien. Le concept du jeu est à peine abordé comme si on savait de quoi il retourne. Un moment j’ai cru que c’était une suite qui ne s’embêtait pas à réexpliquer ce qu’on saurait déjà par le biais du premier volume. Les personnages ont l’épaisseur d’un cheveu : un prénom, c’est tout. Sur les onze, on sait qu’il y a un soudeur et deux sœurs. Merci au scénariste d’avoir sauvé tant d’arbres en n’utilisant pas de papier pour développer les protagonistes. Tout ce qu’on aura, c’est une présentation de trois minutes des personnages lors du générique de fin, alors qu’ils sont tous morts et qu’on n’en a plus rien à foutre.
Pas mieux du côté des esprits qui squattent les lieux. On s’y perd entre le fantôme de l’ancien chef du camp qui veut tuer tout le monde, les fantômes des prisonniers dont on ne sait pas trop ce qu’ils veulent et celui d’une prisonnière en particulier aux motivations pas très claires (se venger ? prévenir du danger ?). Ces spectres se déplacent comme les esprits japonais de Ring et compagnie, un plan de loin, puis saccade et ils sont juste devant nos yeux (super inventif donc). Mais le pire de tout, ils ne font rien. Le premier apparaît assez tôt et fout la trouille à une candidate. On se dit que ça y est, c’est parti, encore une ou ou deux apparitions “gentilles” pour faire monter la tension et ensuite, ça va gicler. Perdu… Les fantômes ont l’éternité devant eux, donc pas pressés, et les mêmes manœuvres se poursuivent pendant une heure et quelque ! Autant dire que la tension retombe devant la répétition de ces apparitions qui font plus bâiller que peur.
Au bout d’une heure vingt (!!!), enfin un mort… On pouvait espérer un final en fanfare qui rattraperait le calvaire… Non plus. Ce n’est pas faute de manquer de chair à canon entre les candidats et l’équipe télé. Sauf que la plupart d’entre eux sont retrouvés déjà morts et que le reste crève hors champ sur fond novateur de cri dans la nuit.

Film tout pourri, mal fichu, pour de mauvaises raisons, puant dans son irrespect décomplexé, voilà, c’est ça Ghost Game, qui récolte zéro sur tout la ligne. Fond zéro à ne pas exploiter la moindre thématique, tension zéro à traîner en longueur, personnages zéro sans épaisseur et interprétés par une bande d’amateurs, spectacle zéro à ne rien faire ressentir aux amateurs de frisson et à ne rien montrer aux amateurs d’hémoglobine. De toute façon, que montrer ? Le film se déroule de nuit dans des couloirs sans lumière, avec en prime un filtre vert par-dessus : on voit que dalle.
Je pourrais aussi vous parler des effets spéciaux bon marché, des fantômes déjà vus et revus dans le cinéma japonais ou coréen, de la caméra frénétique qui change d’angle, de lieu ou de personnage toutes les dix secondes. Ouaip, je pourrais, mais je préfère laisser la parole à un confrère qui très bien résumé l’œuvre.

Publié le Catégories Chroniques ciné

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