Parce que le mythe de Cthulhu ne se limite à son inventeur Howard Phillips Lovecraft, on va l’aborder par la bande avec le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu (Sandy Petersen), Le vampire du stade Bollaert (Jean-Christophe Macquet), L’embarquement pour Arkham et Retour à Arkham (Robert Bloch).
L’Appel de Cthulhu
Sandy Petersen
Descartes éditeur
Même titre que la nouvelle de Lovecraft pour le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu (Call of Cthulhu en VO). Créé en 1981 par Sandy Petersen, AdC est vite devenu un classique et reste aujourd’hui une valeur sûre du JdR. Pas moins de 7 éditions, des campagnes mythiques (Les masques de Nyarlathotep et Fungis de Yuggoth en tête) et des centaines de suppléments en trente et quelques années !
Système de jeu simple et efficace, ambiance horrifique, époque qui sort des sentiers battus (Années folles, Prohibition…), mon jeu préféré et de loin. C’est aussi pour les fans de Lovecraft une mine de développements sur le mythe de Cthulhu, soit à partir des textes originaux, soit inventés de toutes pièces dans le même esprit. Des suppléments comme L’évasion d’Innsmouth, Les Contrées du Rêve, Necronomicon & autres ouvrages impies ou l’excellentissime Retour à Dunwich méritent lecture comme autant d’ouvrages documentaires.
Le vampire du stade Bollaert
Jean-Christophe Macquet
Ravet-Anceau
Entre Arras et Lens, une chasse au vampire sur fond de football. Précision pour les allergiques au ballon rond, votre santé mentale restera intacte. Tout le bouquin ne tourne pas autour de vestiaires et de mecs en short, loin de là.
Ce polar régional met en scène un duo atypique, ce n’est rien de le dire : le sosie de Natasha Henstridge en uniforme de gendarme plus un ex-flic reconverti dans la prêtrise. Le genre de binôme qui laisse présager du cocasse… sauf que non. Macquet a choisi un traitement sérieux, torpillant mes attentes comiques. Son choix se justifie et la façon dont il gère ce couple peu commun fonctionne, donc rien à lui reprocher. Je crois que c’est le dernier paragraphe de la quatrième qui m’a “enduit avec de l’erreur” en laissant présager une série B improbable. Le roman est en fait très premier degré et à prendre comme tel.
Le seul reproche que je pourrais émettre concerne les dialogues qui manquent parfois de naturel parce que trop littéraires. Qui parle au passé simple dans la vraie vie ?…
Sinon, un récit intéressant qui sait jongler entre policier et fantastique (après, comme la collection s’appelle Polars en Nord, je vous laisse deviner de quel côté il penche le plus).
Le rapport avec Cthulhu ? Il sera question dans l’histoire du comte d’Erlette. Et je n’en dirai pas davantage pour éviter de spoiler. Inspiré par August Derleth, ce personnage fictif, souvent cité dans les récits de son ami Lovecraft, restait très nébuleux. Ni lui ni son Cultes de goules n’avaient eu leur texte sur le mode Histoire et chronologie du Necronomicon. Rien que pour ça, Le vampire du stade Bollaert constitue un appendice intéressant au mythe de Cthulhu.
(Du même Macquet et toujours dans la veine des épigones d’HPL, le très chouette Un Américain sur la Côte d’Opale mérite le détour.)
L’embarquement pour Arkham
Retour à Arkham / Étranges Éons
Robert Bloch
Presses Pocket
Plutôt qu’un classique Stephen King, très inspiré par Lovecraft (Brume, Roadmaster et plus de la moitié de son œuvre en fait), allons jeter un œil au travail de Robert Bloch. On le connaît surtout pour Psychose, adapté à l’écran par un Anglais chauve et joufflu (Hitchcock, pas Churchill), mais il a aussi eu sa période Lovecraft, chapeautée par le big boss en personne.
L’embarquement pour Arkham rassemble 12 nouvelles, la plupart écrites entre 1935 et 1937. On trouve également en fin d’ouvrage quatre articles où Robert traite en bloc (je m’en serais voulu de ne pas la faire, celle-là) de l’héritage de Lovecraft et de leurs rapports (à la fois maître-disciple et amicaux). Recueil intéressant dans l’ensemble, malgré quelques faiblesses occasionnelles puisqu’il s’agit des tout premiers écrits de Bloch.
Corollaire du précédent, Strange Eons (qu’on trouve en VF sous les titres Retour à Arkham ou Étranges éons), paru une quarantaine d’années plus tard. L’hommage d’un Bloch qui revient à ses premières amours, conscient de ce qu’il doit à Lovecraft. Il nous embarque pour une histoire en trois parties dont le plan n’a rien à envier au thèse-antithèse-synthèse : 1) Maintenant, 2) Plus tard, 3) Bientôt. Une excellente lecture articulée autour du mythe de Cthulhu ET de son inventeur. Si Bloch ne s’adresse pas qu’aux initiés, il vaut mieux connaître Lovecraft et son œuvre pour apprécier toute la saveur de ce bouquin émaillé de références et clins d’œil (comme pour Ceux des profondeurs de Fritz Leiber).
Bonus track
(ailleurs sur le blog…)
En marge du Mythe et en plein dedans, je te conseille Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu de Karim Berrouka.
Par contre, évite Le Territoire des Ombres, qui est une perte de temps.