Des titres et marques honorifiques au Japon

Aujourd’hui, petit cours de langue sur les suffixes, particules et titres au Japon.

Perceval Kaamelott gros faisan
“C’est le Gros Faisan au sud, et au nord, c’est juste Ducon.”

En japonais, on s’adresse aux gens par leur nom ou leur prénom. Merci, le scoop. Mais il y a une astuce, sans quoi cet article n’aurait pas d’objet.
Les règles ? Inexistantes ou pléthoriques, au choix. En pratique, l’emploi du suffixe dépend du contexte, de la position hiérarchique de votre interlocuteur, de son statut social, de votre degré de proximité avec lui. Adaptation est le maître mot.
En gros, quand on s’adresse à :

  • un supérieur : nom + titre ou suffixe honorifique ;
  • un quidam : nom + suffixe neutre (san) ;
  • un collègue : nom ou prénom + suffixe neutre (san) ;
  • un proche : prénom tout court ;
  • un familier : prénom + suffixe affectueux ;
  • un inférieur : on ne parle pas aux larbins ;
  • tout le monde : on ne parle jamais de soi avec un suffixe, c’est prétentieux et impoli.

C’est très schématique vu le nombre de cas particuliers et exceptions, mais ça donne une idée générale.
Il existe une foultitude de suffixes et d’appellations. Rien que la famille, par exemple, dispose de listes spécifiques selon que vous parliez de la vôtre ou d’une autre, que vous soyez déférent ou familier. Les suffixes abondent mais un paquet sont vieillis et plus usités. Traditionnellement, on en distingue cinq, ce qui est à mon sens une connerie puisqu’on n’en utilise en réalité que quatre (san, kun, chan, sama).

  • San (さん)
    Le passe-partout. Tout à fait neutre au plan relationnel, unisexe donc pas d’erreur possible. Il sert pour les collègues, les gens que vous croisez pour la première fois ou dont vous n’êtes pas spécialement proche. On l’utilise en général avec le nom de famille, parfois avec le prénom dans le cas de connaissances de longue date. Un prof peut se permettre d’employer prénom-san avec ses élèves.
    Quand vous ne savez pas quoi mettre, mieux vaut coller san que rien du tout. L’absence d’un suffixe dans un contexte qui en requiert un constitue un grave manquement à la politesse et un comble d’irrespect. On pardonnera plus facilement au gaijin son imprécision que son impolitesse.
    Dans la région de Kyoto où le dialecte du kansai-ben est en vigueur, on utilise han (はん) à l’oral.
  • Sama (様)
    Le suffixe des grandes occasions réservé aux gens qui vous sont éminemment supérieurs. S’emploie si votre interlocuteur est une personnalité, une divinité ou situé au-dessus sur un plan social ou hiérarchique… Sert aussi pour passer la brosse à reluire de la flatterie et faire mousser des gens (invité, client…).
  • Kun (君, くん)
    Suffixe familier qu’on emploie pour les garçons jusqu’à l’âge adulte (donc sans limite de durée dans mon cas). Connotation affectueuse quand on l’emploie avec un copain de classe, un ami proche, un petit frère…
  • Chan (ちゃん)
    Équivalent de kun pour les filles. Marche aussi pour les bébés sans distinction de genre et éventuellement les garçons jusqu’à l’adolescence. À manier avec précaution pour des adultes : vous pouvez vous en servir avec un pote très proche pour marquer un mélange de dérision et d’affection, avec une amie proche, votre maîtresse, votre grand-mère. On l’utilise le plus souvent avec le diminutif du proche.
    Dans les mangas et les animes, chan est souvent écrit/prononcé tan (たん) en se basant sur la prononciation enfantine.
  • Dono (殿)
    La cinquième roue du carrosse que je mentionne quand même, bien qu’elle ne soit plus usitée que dans des cas très particuliers (notes officielles). Il s’agit d’une ancienne particule réservée aux nobles dont le seul usage courant concerne les œuvres historiques (films, littérature).

À ces suffixes viennent s’ajouter les titres. De préférence, le titre a la priorité sur les suffixes mentionnés supra. Soit on l’utilise seul, soit il devient un suffixe accolé au nom de famille (ou au prénom si vous êtes le professeur Désiré grand voyant médium aux dons héréditaires qui ramènera ta femme comme un chien derrière son maître).
Je vous épargne la liste complète qui remplirait un botin. Sachez que le système est valable pour toute personne titrée ou gradée, que ce soit dans l’armée, chez les yakuzas (oyabun, kashira, aniki), au sein d’une entreprise (avec les composés de 長, chef)…
D’usage le plus fréquent :

  • Senpai (先輩)
    La relation senpai/kōhai marque l’ancienneté. Senpai s’utilise pour s’adresser à une personne plus expérimentée (collègue senior, élève plus que gradé que vous dans un art martial ou dans une classe supérieure à l’école…). Par contre, les vieux briscards ne sont pas tenus d’appeler les jeunots kōhai ; en pratique, on ne le fait même jamais.
  • Sensei (先生)
    S’utilise pour les personnes qui ont atteint un degré de maîtrise dans leur domaine qui leur permet d’exceller, d’être reconnu comme tel et/ou de transmettre leur savoir. Concerne les enseignants, les maîtres en arts martiaux, les artistes, les médecins et quelques professions parasites (avocats, politiciens, membres du clergé).
Publié le Catégories Nipponeries

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