Après la virée médiévale consacrée à des ouvrages universitaires pas forcément accessible au quidam, on repart en tournée, cette fois sous l’angle de la vulgarisation pour la jeunesse.
La vie privée des hommes
Pierre Miquel (dir.)
Hachette
La collection La vie privée des hommes, qui a fait le bonheur de moult écoliers et collégiens dans les années 80-90, fournit une tripotée de titres sur la période médiévale en ayant en plus le bon goût de ne pas se limiter à l’Europe occidentale, puisqu’elle inclut la Scandinavie et le monde arabo-musulman. Elle s’offre aussi des excroissances dont on parlera une autre fois, puisqu’elles sortent de la définition du Moyen Âge comme étant une période européenne, mais qui permettent d’avoir une vue de ce qui passe hors de l’Europe (civilisations mésoaméricaines et grands empires africains). Quelques grands absents tout de même à noter, comme l’Europe de l’Est et le monde byzantin.
Au temps des royaumes barbares
Patrick Périn & Pierre Forni
Un pied dans l’Antiquité – on démarre au IVe siècle – l’autre dans le haut Moyen Âge, c’est parti pour un grand écart au cours d’une époque qui voit se mélanger romanité et culture germanique dans un joyeux méli-mélo de castagne permanente.
La vision globale du sujet, qui employait encore des termes comme “invasions barbares”, est aujourd’hui un peu ancienne. Le détail n’en reste pas moins pertinent dans l’ensemble. Migrations, coutumes, évangélisation, vie quotidienne des villageois et citadins, des paysans, des artisans et marchands, tout est passé en revue pour brosser le portrait de cette période charnière qui se cherche entre Antiquité et Moyen Âge, paganisme et christianisme, héritage romain et apports germaniques.
À noter que si Charlemagne et le IXe siècle sont cités sur la couverture, à l’intérieur la borne est quant à elle placée au VIIIe et les Carolingiens ne sont évoqués que sur une page comme marquant un tournant vers la suite et plus trop dans l’esprit “royaumes barbares”.
Au temps des Vikings
Louis-René Nougier
Un des titres plus intéressants de la collection ! Les Romains, les Grecs, les Égyptiens, les chevaliers, les guerres napoléoniennes, tout le monde en a entendu parler. Les Vikings aussi, vous me direz, mais à la différence des autres sujets, ils sont pas mal expédiés dans l’enseignement, limités à leurs raids et en prime affublés dans l’imaginaire collectif d’une vision fantasmée héritée du cinéma, de la BD et de l’historiographie old school du XIXe, laquelle ne correspond en rien à la réalité. D’où l’intérêt de ce volume qui présente les Vikings in situ, dans leur vie quotidienne, avec une civilisation riche et développée, loin de l’image de bourrins portant des casques à cornes. Alors bourrins, ils l’étaient, certes, en témoignent leurs virées de pillage, mais pas que. Et qui ne l’était pas à l’époque, en ces temps rudes et âpres ?
On va ici les découvrir marchands, explorateurs, artisans, et en apprendre beaucoup sur leur vie quotidienne (fêtes, rites, habitat, lois…), tout ça sans casques à cornes, puisqu’ils n’en ont jamais portés.
Aux premiers siècles de l’Islam
Mokhtar Moktefi
Encore un volume intéressant pour sortir des traditionnels chevaliers, moines et paysans d’Europe occidentale, et de l’éternelle Poitiers en 732 qui en fait fantasmer beaucoup sur la base de pas grand-chose (localisation incertaine, effectifs incertains, même la date n’est pas sûre, v’là la bataille marquante). Ce tome nous propose autre chose que la vision d’Épinal d’un monde arabo-musulman tout en chameaux et cimeterres. On y croise des commerçants qui négocient de l’Espagne à la Chine, des savants, des médecins, des astronomes d’une autre tenue que leurs homologues européens, des palais et mosquées qui ont plus de gueule que les gros machins massifs en style roman, et une société qui parvient à composer avec l’ensemble de ses composantes ethniques, religieuses et culturelles. Parmi l’héritage que nous ont laissé ces premiers siècles de l’Islam, on citera le mot alcool et le zéro, ce qu’on aura su faire fructifier sur le temps long de l’Histoire en produisant du Beaujolais qui pique et des présidents de la Ve République.
Au temps des chevaliers et des châteaux-forts
Pierre Miquel
Le tome central de la collection sur le sujet médiéval, c’est lui. Au menu, du classique, comme annoncé dans le titre : des chevaliers et des châteaux, mais aussi des moines et des cathédrales, des paysans et des famines. Et là, tu sens tout de suite qu’il y a un groupe social pour lequel la vie est plus dure que les autres.
Si ce volume est sans doute un des plus beaux de la collection côté illustrations, le texte ressort à l’occasion quelques erreurs sorties tout droit de l’historiographie parfois fantaisiste du XIXe siècle (i.e. la mention d’huile bouillante lors des sièges alors que cet usage n’est pas attesté).
À l’abri des châteaux du Moyen Âge
Régine Pernoud & Philippe Brochard
Élément central de la période médiévale, le château méritait un tome dédié. Sa construction, ses habitants, la vie au quotidien en ses murs et alentours, et bien sûr un gros morceau consacré à la castagne, autour de la chevalerie, de l’entraînement martial et de la guerre de siège. Ce tome fait le tour du sujet castral, avec une présentation un peu différente des autres, l’illustration principale de chaque thème étant un document d’époque (miniature, tableau, enluminure…), et un style graphique modernisé pour le reste, plus froid que d’habitude.
Au temps des grandes découvertes
Pierre Miquel
À cheval sur le Moyen Âge et la période moderne, l’ère des grandes découvertes croise celle de la Renaissance. Si la fourchette annoncée est le siècle qui court entre 1450 et 1550, force est de constater que le contenu évacue la première moitié pour se concentrer essentiellement sur la seconde. On est donc plutôt sur du 1492-1550.
Des Celtes aux chevaliers du Moyen Âge
Giovanni Caselli
Balayer vingt siècles d’histoire du Ve avant JC au XVe, v’là le plan ambitieux.
Pas d’intro, donc on restera avec cette grande interrogation : pourquoi les Celtes ? L’Histoire ne les a pas attendus pour démarrer. D’ailleurs, les Celtes eux-mêmes n’ont pas attendu le Ve siècle pour commencer à exister. On ne peut même pas dire que ce choix relèverait d’une vision de roman national historique autour du fantasme de nos ancêtres les Gaulois, puisqu’on trouve dans ce volume des chapitres sur les Vikings, Byzance et les Arabes, sans qu’il soit fait de lien direct avec l’histoire de France.
Enfin, si vous cherchez la version synthétique de tous les tomes dont je viens de parler, elle est là. Très rapide, forcément. Couvrir 2000 ans en moins de cinquante pages, faut pas espérer entrer dans le détail. Mais ça donne au moins un bon aperçu très général de cette période aux bornes mystérieuses que l’auteur a choisi d’aborder.
La vie au Moyen Âge
Giovanni Caselli
Larousse
Face à Hachette, Larousse alignait aussi des ouvrages de vulgarisation illustrés à destination du jeune public. Les deux se valent dans leurs lignes générales, puisqu’elles ont à peu près le même genre de présentation et certains auteurs en commun. C’est au niveau du contenu que se fait la différence et largement en faveur de Hachette. Chez Larousse, on reste quand même plus sur du simpliste, de l’image d’Épinal et du traditionnel, là où Hachette est un peu plus moderne dans son approche et davantage en phase avec l’historiographie de son temps.
Ici, la différence joue aussi sur le nombre de thèmes, moins nombreux mais traités chacun sur quatre pages au lieu de deux chez Jules-de-chez-Smith-en-face. Le résultat est un peu plus bordélique avec des thèmes qui s’enchaînent sans progression et des regroupements parfois hasardeux (i.e. le premier chapitre traite à la fois de la chevalerie, de la féodalité et des croisades, trois éléments qui ont certes un point de convergence mais ne se recouvrent pas du tout comme s’ils formaient un tout). Discutable aussi, le choix des bornes chronologiques qui évacuent le haut Moyen Âge pour commencer au XIe siècle. Rien à redire par contre du travail d’illustration, qui est superbe.
Donc pour une première approche d’un jeune lecteur d’école primaire, ça faisait le taf, au-delà La vie privée des hommes était un meilleur choix.