Critiques express (19) Bestioles, bébêtes et créatures

Que serait l’imaginaire sans sa foultitude de bestioles et de monstres ? Bonne question, merci de l’avoir posée. Ceux qui veulent y répondre, prenez une feuille et suivez les consignes habituelles (4 heures, calculatrice interdite, tout ça, tout ça). Les autres, venez avec moi, on va plonger dans deux bouquins qui m’ont été offerts aux dernières Halliennales, à savoir Créatures (anthologie Imaginales 2018) et Grand Méchant Loup.com (Maxime Gillio & Wonder Jane). Pour arriver à un rythme ternaire que je préfère au binaire, j’ajoute au paquetage une autre anthologie des Imaginales, celle de 2015, Trolls & Licornes. Et tant qu’à être dans l’ère quaternaire, on rajoute une petite couche avec Les dragons de Karl Shuker et ça nous fait quatre à la suite (coucou Julien Lepers).

Pégase licorne

Créatures
Anthologie des Imaginales 2018
(dirigée par Stéphanie Nicot)
Mnémos

Couverture Créatures anthologie Imaginales 2018 Mnémos

Créatures, j’étais parti pour me lancer dans une chronique complète… quand je me suis rendu compte que je n’avais, au fond, pas grand-chose à raconter. Sauf à m’étaler sur chaque nouvelle, autant dire une contradiction dans les termes.
Dans l’ensemble, le recueil est bon. Varié, presque trop, vu que 99% des œuvres d’imaginaire produites depuis que le monde est monde se rattachent de près ou de loin au thème des créatures (que ce soit dans le sens de la bestiole ou de l’être créé). Bon point pour la variété… mais quand on enchaîne les nouvelles, on en vient à une impression de manque d’unité (donc mon conseil, lisez-en une par-ci par-là, pas tout le recueil d’une traite).
Mon tirage gagnant : La Machine différente (Jean-Laurent Del Socorro), En commençant par la faim (Anthelme Hauchecorne), Les Portes du monde (Élisabeth Vonarburg) et Une petite fleur (Olivier Gechter).
Seul texte que j’ai lâché en route, Légende du premier monde (Fabien Cerruti), qui tient plus de l’exposé que de la légende.
Intéressant dans l’ensemble, peut-être un poil trop léger pour moi qui aime bien sentir mes neurones surchauffer sous les questionnements. Affaire de goût et d’attentes de lecteur.

Couverture Les Dragons Karl Shuker Evergreen

Les Dragons, Histoire, mythes et représentations
Karl Shuker

Evergreen

Une trentaine de fiches pour faire le tour du sujet draconique, le tout illustré en abondance avec une centaine de dessins, peintures, gravures et photos. L’ouvrage a le bon goût de proposer un tour du monde complet, incluant l’Afrique, l’Asie, l’Océanie et l’Amérique précolombienne, sans se limiter aux éternelles tartes à la crème que sont le monde gréco-romain antique et l’Europe occidentale médiévale. Vouivre, Léviathan, wyverne, salamandre, lézard de Komodo, Quetzalcoatl, bunyip, et bien d’autres, toute la bande y passe. Soit un panorama assez complet au final, dont on regrettera tout de même qu’il se limite à une simple compilation de petits laïus juxtaposés sans réelle analyse d’ensemble.

Couverture Grand méchant loup com Maxime Gillio WonderJane

www.Grand Méchant Loup.com
Maxime Gillio & Wonder Jane
Bobidule

Ysengrin, le grand méchant loup ne fait plus peur à personne. L’ancienne terreur des contes en est devenue la victime, avant de glisser dans l’oubli. Jusqu’au jour où il se lance à l’assaut d’Internet…

Ouvrage collector s’il en est ! Le dernier Gillio qui manquait à ma collection ! Mon trésor ! Mon précieux !
Mes pilules, aussi, c’est l’heure…
Or donc, www.grandmechantloup.com, ouvrage jeunesse destiné aux 6-10 ans… et lecture qui a suscité beaucoup de réflexions pour l’adulte que je suis (même si certains en doutent à cause de mes T-shirts Goldorak, je fais partie des adultes, eh oui…).
Ce bouquin, c’est un peu comme si les Anciens rencontraient les Modernes, non pas pour se friter mais pour collaborer. Et c’est ainsi que le vieux croquemitaine lupin se met à la page du XXIe siècle par le biais d’Internet.
En filigrane, l’évolution des contes, toujours plus édulcorés. Un coup de Grimm, un coup de Disney, et hop, fini les histoires gore et le loup victorieux. Un roi des losers au pays des Bisounours, c’est tout ce qu’il en reste. (Évolution représentative du rapport que l’humanité entretient avec la nature et ses créatures. On voit le résultat aujourd’hui…)
Internet apparaît ici sous un jour trop souvent masqué par les mises en avant de ses pires dérives. Le web ne se limite pas aux buzz venteux, à la superficialité des réseaux sociaux, aux hectolitres de fiel déversés par des aigris planqués derrière leur écran. Certes, Ysengrin veut retrouver sa gloire perdue – et de la gloire à moindres frais, y a qu’à se baisser sur la toile pour en ramasser de pleines brassées – mais pas que. Internet, c’est aussi une tonne de connaissance et de savoir à la portée de tous, des tutos, des podcasts de vulgarisation, des forums d’entraide (avec une pensée émue pour mes maîtres en Photoshop, puisque c’est comme ça que j’ai appris). Un univers où les talents les plus improbables peuvent trouver preneur, parce qu’il y a toujours quelque part dans le monde quelqu’un qui s’intéresse aux mêmes choses que toi.
Dernier intérêt de ce bouquin et non des moindres, ouvrir grand la porte de l’imaginaire. Les liens avec d’autres œuvres et personnages sont nombreux, de Goupil le renard à Harry Potter, en passant par Dracula, la créature de Frankenstein ou encore Mr Hyde. Ce livre permet donc de poser des jalons pour les futures lectures de vos marmots, quand ils auront l’âge de s’attaquer à Stoker, Shelley, Stevenson.
Drôle, intelligent, bien illustré, what else? comme dirait ce bon George.

Trolls et licornes anthologie Imaginales 2015 dirigée par Jean-Claude Dunyach Mnemos

Trolls & Licornes
Anthologie des Imaginales 2015
(dirigée par Jean-Claude Dunyach)
Mnémos

Fun et bien fichue, cette anthologie s’ouvre sur une préface où les traits d’humour de Jean-Claude Dunyach abondent. Parmi les nouvelles, à boire et à manger, avec mention spéciale aux textes tordants de Lionel Davoust (Bienvenue à Magicland), de Silène Edgar (Le Troll médecin, d’après L’Amour médecin de Molière) et Raphaël Albert (Le Double Destin du Taquin, sous forme de poème). Hors nouvelles humoristiques, j’ai beaucoup aimé Les yeux du troll de Sophie Jomain, qui constitue une très belle invitation au voyage par le biais de l’imagination.

Publié le Catégories Critiques express

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