Comment le dire à la Nuit
Vincent Tassy
Chat noir
Dernière chronique liée au prix des Halliennales !
Comme on m’a posé la question, j’en profite pour signaler que l’ordre des chroniques n’a aucun rapport avec mon verdict. Celui-ci vient en dernier, parce que j’attendais la date de parution officielle pour poster la chronique. Juste une question de calendrier.
Si vous voulez tout savoir sur mon classement des cinq titres en lice :
1er) On ne parle pas du fight club.
2e) On ne parle pas du fight club.
3e) Ne pas croiser les effluves, c’est mal.
4e) Ne jamais nourrir un mogwaï après minuit.
5e) Kamoulox.
Or donc, Comment le dire à la Nuit… Ben pas en mime, déjà. Parce que la nuit, il fait noir, tu peux gesticuler tant que tu veux, elle ne verra pas ce que tu racontes.
Et moi, je ne sais pas comment le dire, du tout, du tout. Je dois être la dernière personne au monde qualifiée pour parler de ce bouquin.
L’ambiance est très gothique romantique. Gothique, ça me parle, même si au bout d’un moment on a fait le tour des manoirs perdus sur la lande brumeuse. Mais romantique… Le romantisme littéraire et moi, ça n’a jamais collé. Quand j’ai lu Les souffrances du jeune Werther, je n’avais qu’une envie : fumer Werther pour qu’il arrête de chouiner et que la mienne de souffrance prenne fin dans la seconde. Les Byron, Vigny, Stendhal et compagnie, c’est au-dessus de mes forces, je convulse au bout de trois lignes.
Côté références et forme, le roman lorgne par moments vers la poésie. Je suis le type le plus hermétique au monde à ce genre… Le Tupperware de la poésie ! Autant dire que voir débouler le nom de Saint-John Perse très tôt dans le roman ne m’a pas rassuré. Réveil d’un vieux traumatisme de khâgne… Le Johnny fait partie de ces gens dont je regrette qu’ils soient morts : on ne peut pas le retuer, c’est dommage, j’aurais bien aimé lui dévisser la tête et plus si affinités (sergent Hartman, si tu me lis…).
Autre référence, le théâtre. Je pense à l’Athalie de Racine, citée dans le second chapitre. Genre auquel je ne suis pas super réceptif non plus. (Oui, j’avoue, je suis un drôle de zèbre littéraire.) Les thématiques du théâtre, oui, très intéressantes. Mais je lâche au premier vers, parce que vers, justement. Dans quel monde les gens parviennent à être crédibles en alexandrins ? L’artifice est ainsi qu’il me sort du propos.
Enfin, Comment le dire à la Nuit raconte une histoire d’amour. J’ai la capacité émotionnelle d’une balle de golf. Imperméabilité pathologique aux sentiments. Le cœur n’est qu’une pompe.
Donc un bouquin pas du tout pour moi. Si tu considères que le public-cible est ici, moi je me situe là-bas, à 272 549 années-lumière.
Après, comme je dis toujours, qu’on aime ou pas un livre est une chose, qu’il soit bon ou mauvais en est une autre.
Comment le dire à la Nuit est un bon roman, bien écrit. Si tu aimes les ambiances gothiques, le courant romantique, la poésie élégiaque, les passions théâtrales, les histoires d’amour douloureuses et mélancoliques, tu trouveras le pack complet dans ce bouquin. Une somme littéraire, une bonne synthèse avec des références solides (peut-être un peu trop nombreuses et un peu trop présentes, drame éternel de l’ombre de la littérature classique).
Le mélange de Tassy est servi par une plume travaillée, empreinte de classicisme. Il n’y a que les toutes dernières pages à ne pas m’avoir convaincu. Elles ressemblent trop à un exercice de style. De l’esbroufe. Mais bon, mis à part cette poignée de feuillets, le reste est écrit en “normal” (on croise des mentions des Feux de l’amour, c’est dire si ça reste accessible et pas imbitable comme du Saint-John Perse).
Au final, les amateurs de romantisme et d’histoires d’amour au long cours trouveront leur compte avec Comment le dire à la Nuit. Les hurluberlus dans mon genre devront se rabattre sur une autre méthode pour s’adresser à la dame et lui susurrer des mots doux dans le creux de l’oreille.
Un mégaphone.