Le Syndrome Copernic
Henri Lœvenbruck
Chronique par Denis Albot
Quand Frédéric m’a sollicité pour parler d’un livre que je conseillerais pour les vacances, je sortais d’une série de déconvenues littéraires qui, par un heureux hasard, venait de s’achever grâce à la lecture du Syndrome Copernic d’Henri Lœvenbruck.
Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un ouvrage destiné à être lu au bord de la mer, les doigts de pieds en éventail et les lèvres dans un Cuba Libre, ce roman m’a tellement accroché que je n’ai pas hésité à le choisir comme coup de cœur de l’été pour Un K à part !
Premier chapitre et on est direct dans l’ambiance : un attentat à la Défense qui fait plus de 1000 morts. Bon, j’avais prévenu : on n’est pas dans la gaudriole… Un millier de morts donc et un seul survivant, le narrateur. Les circonstances de sa survie sont des plus singulières. Vigo Ravel, c’est son nom, est schizophrène. Il entend des voix et juste avant que la tour ne soit réduite en cendres, ces voix l’avertissent de ce qui va se produire. Il prend la fuite.
Cet événement encourage Vigo à se poser des questions. Il s’en pose beaucoup, le gaillard. Sur son passé qu’il a oublié, sur sa maladie, sur l’homme en général (homo sapiens) et son avenir, etc. Mais désormais, une question supplante toutes les autres : si, comme on le lui répète depuis plus de quinze ans, les voix qu’il entend ne sont que le fruit de son cerveau malade, comment ont-elle été capables de l’avertir d’un danger bien réel ? Si ça c’est pas de la question métaphysique qui décolle le scalp, je ne sais pas ce que c’est !
La suite des événements va lui en faire voir de toutes les couleurs. Et au lecteur aussi. Ça va à cent à l’heure. Les chapitres font parfois à peine plus d’une page. C’est dense, fouillé, hyper-documenté sans pour autant être didactique. Pour qui l’ignorerait, Lœvenbruck est à l’origine de la Ligue de l’imaginaire qui regroupe quelques-uns des plus grands noms du thriller français. Evidemment, ici, on est dans un univers assez proche de Thilliez ou Chattam mais curieusement, si j’ai beaucoup de mal avec ce dernier et suis nostalgique du style fouillé du Thilliez des débuts, j’ai été aussitôt embarqué par ce récit à la première personne. L’histoire s’y prête d’ailleurs puisqu’on découvre en même temps que le narrateur toutes les galères qui lui tombent dessus. On le voit évoluer aussi, se reconstruire page après page. On en apprend beaucoup sur la schizophrénie et sur le fonctionnement du cerveau en général. Moi qui suis une quiche dans les descriptions, je suis toujours fasciné par cette faculté qu’ont certains auteurs à nous décrire un sentiment, une ambiance ou un lieu avec une précision telle qu’on plonge aussitôt. J’ai presque ressenti les symptômes de Vigo. Les nausées, la migraine, les vertiges, annonçant une crise. Renseignements pris sur l’auteur, j’ai découvert qu’il avait fait ses armes dans la fantasy. Ceci explique sans doute cela. Pour être capable de créer de toutes pièces un monde qui n’existe pas, il faut savoir, en quelques mots, donner une image précise au lecteur de ce qu’on veut lui décrire.
Au fil des pages (plus de 500 tout de même en version Poche) je me suis imaginé une adaptation au cinéma, un blockbuster hollywoodien avec un Doug Liman ou un John McTiernan aux manettes. Et dans le rôle de Vigo Ravel ? Hum… Pas évident. Peut-être Heath Ledger ou Jeremy Renner… Et ne pas oublier les seconds rôles. Mais difficile de parler d’eux sans spoiler, ce qui serait dommage.
On pourrait s’attendre à un méga-twist final qui nous laisse sur le cul et être déçu que l’auteur ne nous l’offre pas. La révélation du pourquoi et du comment est progressive. La mémoire ne revient pas en une fraction de seconde à notre “héros” et c’est avec lui que l’on découvre son histoire, jusqu’à connaître la vérité. Une vérité terrifiante, peut-être pas si fictive que ça. Il est ici parfois difficile de démêler le réel du fictif et c’est, à mon sens, ce qui fait la force d’un très bon thriller.
(Chronique réalisée dans le cadre des auteurs en vacances.)