Comme quoi, il ne suffit pas de prendre deux créatures iconiques et les mettre ensemble pour obtenir un super film. La preuve avec le xénomorphe et le yautja, qui ne s’en sortaient pas trop mal de leur côté et dont les franchises sont parties en sucette depuis leur rencontre en 2004 dans cet étron intergalactique que fut Alien vs. Predator. À partir de là, engrenage fatal avec une suite, Aliens vs. Predator : Requiem sortie en 2007, qui a encore repoussé les limites du daubesque. Puis chaque créature est repartie de son côté continuer à enterrer sa saga dans les tréfonds du nasebroque : Predators (2010) était insipide, Prometheus (2012) à chier, Alien : Covenant (2017) merdique, The Predator (2018) foireux, Prey (2022) quelconque.
Alien vs. Predator
Paul W. S. Anderson (2004)
Le film part d’une idée pas débile. Enfin, pas trop. Les yautjas sont des chasseurs, ou plutôt des guerriers qui pratiquent la chasse, moitié comme loisir, moitié comme entraînement martial. Tout à fait le genre de culture où on imagine que le parcours du yautja ado vers l’âge adulte est émaillé de rites de passage autour de la guerre, la chasse, la survie. Les exemples abondent sur notre bonne vieille Terre dans nombre de tribus d’Afrique et d’Amérique du Nord et je ne doute pas qu’on en trouve au moins autant en Europe parmi les peuples celtes et germaniques de l’Antiquité. L’ἀγωγή spartiate se situe dans le même esprit.
Donc l’idée, c’est de mettre en scène une épreuve initiatique de yautjas qui doivent prouver leur valeur en affrontant des xénomorphes. Ça se tient.
Ils choisissent un lieu fermé. Ça se tient aussi, tant pour le lien avec la symbolique guerrière de l’arène que pour le renvoi au huis clos du premier Alien ou encore pour le côté pragmatique d’éviter la propagation d’une infection par les xénos si l’épreuve foire.
Le lieu choisi est une pyramide paumée sur Terre, en plein de l’Antarctique. Là ça se tient déjà moins pour ne pas dire que c’est tout à fait con. OK, la planète est peuplée de gens à fourrer dans la pyramide pour servir d’hôtes aux œufs aliens, donc je veux bien admettre le côté pratique pour l’intendance. Mais en termes scénaristiques, c’est tout pourri. On nous annonçait un affrontement Alien-Predator, on va se retrouver avec des humains sur les bras, humains qu’on a déjà vus battre aussi bien l’une que l’autre bestiole, ce qui ne présente donc aucune espèce d’intérêt. Sur ce postulat foireux, rien ne pouvait sortir de bon.
On peut zapper la première demie-heure du film, il ne s’y passe rien. La mise en place est aussi longue qu’ennuyeuse, constituée surtout de remplissage. Ni la situation ni les personnages n’y sont développés et on se demande pourquoi cette exposition traîne autant pour si peu. Chapeau pour les dialogues d’une rare platitude, ainsi que les péripéties renversantes d’originalité comme le village de pêcheurs mystérieusement décimés, le jumpscare à base de chat qui sort du placard (ici remplacé par un pingouin pour la couleur locale) et bien sûr, la tempête qui se lève pour bien isoler l’endroit, vu que l’Antarctique n’était déjà pas assez coupé du monde comme ça. Il y a toujours une tempête, c’est la péripétie de secours à deux ronds qui sert à ajouter une tension quand le cœur du scénario en est lui-même incapable. Comme la pyramide se situe 500 mètres sous terre, l’impact d’un ouragan sur la situation, voilà quoi…
Vu que l’essence même du film repose sur la confrontation de deux figures mythiques isssues d’Alien et Predator, films que tout le monde a vus ou au moins en a entendu parler, une question se pose : où est l’intérêt d’une telle intro qui ne présente rien qu’on ne sache déjà ? Ce premier tiers n’apporte rien à personne et ne construit rien de ses protagonistes, de son ambiance, de son univers.
Le reste de l’écriture est du même tonneau, tout en vide, prévisibilité et maladresse.
Comme il n’y a que deux, trois personnages du lot à occuper plus de place que les autres à l’écran, on sait tout de suite qui va mourir ou survivre, on ne s’attache donc à aucun protagoniste. La plupart sont des crétins finis, qui vont commettre toutes les âneries habituelles, en mode “tiens, ça fait quoi si j’appuie sur ce bouton ?”. N’est pas Ripley qui veut.
La pyramide ressemble à une Atlantide du pauvre, monument nanar d’une civilisation inconnue aztéco-égypto-cambodgienne qui a vécu dans l’Antarctique. Il y fait très, très sombre, au point qu’on n’y voit pas grand-chose, un comble pour un métrage censé en mettre plein la vue.
Première apparition des Predators… ben ça valait le coup d’attendre quinze ans… Look, armes, vision thermique, camouflage, les voilà ressortis de la naphtaline à l’identique. Un copier/coller, rien de nouveau. Aucun trait marquant qui leur donnerait une identité spécifique dans ce film (là où la saga Alien introduisait une reine dans Aliens et tentait dans les opus 3 et 4 de singulariser le xénomorphe en fonction de l’hôte dans lequel il avait éclos). L’alien, pareil, le même, si ce n’est que sa croissance est accélérée vitesse grand V sans la moindre justification : il ne lui faut plus que dix minutes pour traverser le stade oeuf-incubation-taille adulte.
Enfin dernier adversaire de ce grand tournoi, l’humain. Au vu de son omniprésence, j’aurais baptisé le film Human vs. Alien vs. Predator. Voire Human tout court quand on voit à quel point il relègue au second plan le casting extraterrestre. La pyramide étant le lieu d’une chasse initiatique pour les yautjas qui viennent y traquer ZE bestiole, le film aurait gagné à virer les humains, maillons faibles et sans intérêt. C’est ce que j’aurais fait : des aliens, des yautjas, point barre, et un film entier sans dialogue, tout à l’ambiance et au jeu du chat et de la souris.
Fiasco total donc sur les personnages, le casting, le décor, la lumière, l’ambiance, le cross-over… Ne restent d’Alien que la créature, le lieu clos et des scènes déjà vues, la tension en moins. Aura-t-on plus de chance avec le côté Predator ? L’original, avec toute sa bonhommie eighties ne faisait pas dans la dentelle et envoyait des pralines sur fond de vannes à deux balles tout en réussissant à proposer un jeu constant de renversement du rôle chasseur/proie. AVP, lui, est creux comme un trou de balle et se contente de fusillades sans style et de combats convenus. On est loin du passage d’anthologie à la “cracheuse” du premier Predator, déluge apocalyptique de fer et de feu en pleine jungle qui égratigne à peine l’ennemi, allusion évidente à la guerre du Vietnam. C’était spectaculaire et, sous ses faux airs de pur bourrinisme, intelligent. AVP n’est ni l’un ni l’autre.
Aliens vs. Predator : Requiem
Colin Strause & Greg Strause (2007)
Le seul argument de vente du film est la présence d’un hybride. Lequel n’a aucun foutu sens. Quand sort AVPR, l’alien avait déjà fait des ravages depuis cinq films, son mode de reproduction est archiconnu… et change ici comme ça, juste parce que c’est dans scénario. Pourquoi yautja + xénomorphe = Predalien alors que jusqu’ici humain + xénomorphe ≠ humalien ?
De base, avant même d’avoir commencé à le regarder, ça sent bon le film bancal sur un postulat aussi branlant… En vérité, ce Requiem dépassera toutes les attentes en matière de connerie.
On apprenait dans le premier AVP que les yautjas chassent les xénomorphes depuis la nuit des temps. Ils les connaissent donc très bien, à commencer par leur mode de reproduction, puisque toute l’architecture de la pyramide était conçue autour de leur façon si particulière de trouver des hôtes et de se glisser dedans. Mais, aussi bêtes que des humains, les yautjas avaient embarqué le corps d’un des leurs sans vérifier qu’il n’était pas infecté… avant de se faire savater comme des débutants. Bravo, les gars !
Côté humain, pas mieux. L’histoire se déroulant dans une petite ville américaine, on a droit à des personnages dont la moitié sont des gros beaufs cons comme des briques et l’autre moitié des ados crétins. Les comédiens sont à l’avenant. Loin d’un contexte spatial et avec une équipe pareille, AVPR tient moins de la SF que du slasher de seconde zone.
Enfin, ce n’est pas l’antagoniste qui rattrapera le niveau. À sa première apparition, le Predalien m’a valu une barre de rire. Autant les tentacules passent bien dans le look du Predator, autant là, Alien avec des dreadlocks… Juste non.
Ce qu’on appellera faute de mieux l’intrigue se résume à une succession de passages mous du genou et de scènes de déglingage aussi violentes que gratuites (et illisibles, la faute à un montage épileptique et un éclairage proche du néant pour une action qui se déroule bien sûr de nuit). Quelques apparitions éclairs de l’une ou l’autre créature, un mort par-ci, un autre par-là. Rien de bien construit dans ces attaques, on se contente d’ajouter un petit bâton au recensement des victimes. Entre deux embuscades, la vie américaine se poursuit, rivalités adolescentes, amourettes adolescentes, blondasse adolescente en soutif…
Le titre de cet improbable croisement entre Smallville et Resident Evil est bien trouvé, c’est un requiem pour le spectateur qui meurt d’ennui.
Tout oscille entre le néant et le quelconque. Histoire, personnages, BO, montage, affrontements… Pire que le précédent qui plaçait déjà la barre bien haut (ou bien bas selon comment on voit les choses). Loin de leurs débuts impressionnants, le Predator n’est plus qu’un chasseur furtif pas super compétent et l’Alien une vermine lambda.
Au final, Aliens vs Predator, avec sa petite-ville-infestée-de-monstres-qui-poursuivent-un-groupe-de-survivants, ressemble davantage à un film de zombie raté et ennuyeux.