Cette semaine, Un K à Part était en déplacement. Plutôt que m’envoler pour une destination surfaite genre Los Angeles ou Dubaï, j’ai préféré jouer à fond la carte de l’exotisme : Dunkerque.
J’aime bien la ville de Jean Bart. Accueil princier, état d’esprit pas prise de tête, flopée de têtes sympathiques que je prends plaisir à retrouver (les Anne, Delphine, Régis, Guillaume, Fred…).
Zappons le récit des vacances en mode rédaction de CE1. J’y allais aussi pour des motifs littéraires.
Jeudi, auditorium Bizet, soirée consacrée au thème de la différence. Si l’autisme est au cœur du sujet, le fond déborde largement et vaut pour toutes les formes de différence… et de rejet, les deux ayant le malheur d’aller très souvent de pair.
La salle est pleine à craquer. L’assistance colle au thème : on croise de tout, personne ne ressemble à son voisin. Hommes, femmes, enfants… handicapés ou non… issus d’un large spectre social… les chevelus tatoués côtoient les costards-cravates… je repense aussi à Yves Lequin et La mosaïque France… Tout mis bout à bout, je me dis que je vais encore bien rigoler quand les candidats à la présidentielle évoqueront dans les jours à venir une espèce de Français-type, idéal, éthéré… et à mille années-lumière de la réalité.
Avant même que le spectacle ne commence, l’événement est déjà une réussite : un échantillon humain aussi hétérogène que possible sur la même longueur d’onde. Humanité, diversité, unité. Ça ferait une belle devise (en tout cas dans les premiers temps, avant qu’elle ne soit récupérée et vidée de sa substance).
Au menu, entre deux groupes de musicos, On n’est pas des légumes (moches), une saynète écrite par Maxime Gillio et interprétée par une troupe d’enfants qui s’en sortent très bien. Le même Gillio, des trémolos dans la voix – et on le comprend, sa fille joue le topinambour dans la scène – assure l’animation de la conférence qui suit. Interviennent des gens du public, un prof de théâtre dont j’ai oublié le nom (mille z’excuses), l’association Ecoute ton Cœur et Hugo Horiot, comédien et auteur. Les propos sont aussi intéressants qu’effrayants.
Pendant que certains notables déblatèrent à la télé sur des valeurs aussi creuses que les casseroles qu’ils traînent, des anonymes se battent pour qu’elles fassent sens. Enfin, ils luttent surtout pour que leurs gosses aient droit à une vraie place.
Là encore, je vais bien rigoler (ou grincer des dents) quand les donneurs de leçons au plus haut niveau évoqueront la patrie des droits de l’homme, l’égalité, la fraternité… La France a su faire fructifier l’héritage grec, à commencer par la démocratie de l’exclusion, l’ostracisme et la pratique du bouc-émissaire. Le cas de l’autisme vaut pour toutes les formes de différence, handicap, sexe, couleur, look ou n’importe quoi qui ne rentre pas dans le moule du vernis social acceptable. Y a longtemps qu’on a coupé le courant aux Lumières. La honte…
Une fois la conf’ achevée, Horiot (L’empereur, c’est moi) et Gillio (Ma fille voulait mettre son doigt dans le nez des autres) sortent les stylos et attaquent la séance de dédicace qui clôt l’événement.
Une soirée belle et bonne. Il y a du καλὸς κἀγαθός plein le potager, suffit d’ouvrir les yeux.
(PS : pour celles et ceux qui auraient manqué l’ interview de Gillio sur Ma fille…)
(PPS : merci au Siècle d’Or pour l’accueil royal de deux convives tardifs là où d’autres nous auraient claqué la porte au nez sous prétexte qu’“on ferme, fallait arriver plus tôt”.)
Vendredi, épisode 2 avec la soirée de lancement du nouveau roman de Ludovic Bertin, Le jour de ma mort. (Tant qu’à continuer les rappels d’entretiens : j’en parlais là.)
Séance de dédicace à L’Oscar, ambiance bonne franquette de rigueur. Rinçage de gosier dans la joie et la bonne humeur. On n’arrête plus Bertin qui signe à tour de bras. Une quarantaine d’exemplaires de son petit dernier, une quinzaine des précédents (La Lettre de Dunkerque et SOS Corsaire), il n’a pas perdu sa soirée.
C’est le genre d’auteur comme j’aime. Franc du collier, chaleureux, humble, proche de ses lecteurs.
On se retrouve à aller boire un coup dans un des innombrables bistrots de Dunkerque. De fil en aiguille et de bière en bière, on atterrit à La Pilotine pour un épisode 2 bis. A la porte, on nous demande d’entrer rapidos parce que des personnalités sont attendues. Ah ?… Les frères Bogdanov. Oh !… Sur le coup, on trouve la blague très drôle. En fait, c’était vrai. Cinq minutes plus tard, les deux frangins débarquent dans leur combinaison argentée. Sur le moment, je me suis demandé si je n’avais pas légèrement abusé de la gnôle, mais non. Ils étaient là, en chair et en os !
L’anecdote se pose là niveau surréalisme, mais je ne la mentionne pas que pour le pittoresque des soirées dunkerquoises. Déjà, Igor et Grichka Bogdanov ont publié pas mal de bouquins, donc les évoquer dans le cadre d’un périple littéraire n’a rien d’extravagant. Je ne vais pas m’étendre faute de les avoir lus.
Surtout, les Bogdanoff, pour moi, c’est Temps X. Une émission née en 1979 dans la foulée du boom Star Wars, dédiée à la science et à la SF. Ce n’est pas pour rien si la science-fiction a toujours fait partie de mes genres de prédilection. Quand on a été élevé à La Quatrième Dimension et Au-delà du réel… Pour le coup, tomber sur les deux frérots de façon aussi fortuite colle bien à ces deux titres. Un vieux rêve de gosse qui se réalise !
Une virée que je ne suis pas près d’oublier, riche en rencontres, échanges, dédicaces et bières. Merci Dunkerque, je reviendrai !