Ajourd’hui sort en prévente la toute dernière forteresse Lego : le château des Chevaliers du Lion (10305), sur lequel on reviendra d’ici quelque temps quand je l’aurai construit.
À cette occasion, je me suis lancé dans la reconstitution de la toute première forteresse Lego : The Yellow Castle (375).
Sortie en 1978 sous le numéro 375, ressortie en 1981 sous la référence 6075, la mythique (?) boîte Lego intitulée “The Yellow Castle” propose de construire, comme son nom l’indique, un château jaune – degré zéro de l’imagination, degré inifini de la pertinence – parce que c’est bien connu qu’au Moyen Âge, on bâtissait des donjons couleur canari avec des pont-levis rouge vif. Ce set tourne aujourd’hui entre 150 et 300 euros, selon qu’il soit complet ou pas et selon l’état des pièces.
Il ne les vaut pas du tout.
Mais des gens l’achètent quand même à ce prix (et c’est moi qu’on traite de fou…).
Exception faite de certaines pièces des figurines (casques à visière, tabards et boucliers à autocollants) plus fabriquées depuis quarante ans, difficiles à dénicher et qui représentent les trois quarts de la valeur du lot, TOUTES les pièces du bâtiment sauf une demi-douzaine (par ailleurs faciles à trouver à pas cher ou à remplacer par des briques contemporaines approchantes) sont encore fabriquées de nos jours : ce sont les plus basiques du catalogue, les plus courantes, les moins chères.
Ce qui fait que le château lui-même, en vrai, il coûte même pas 30 balles à reconstruire.
Les accessoires des figurines, c’est une autre chanson, bien sûr, mais on peut les remplacer par d’autres, il en est sorti assez dans la gamme Castle pendant les années 80-90 pour trouver des suppléants. Et avec les moyens contemporains qui ne sont plus ceux de 1978, imprimer des autocollants maison est à la portée de tout le monde.
Je comprends qu’un collectionneur puisse vouloir reconstruire ce château à l’identique, avec les pièces d’origine. Parce qu’il y a toute une quête de briques autour, un cheminement pour amasser un à un les éléments, des pincements au cœur quand on doit casser sa tirelire pour une pièce rarissime, des sauts de joie quand on dégote telle ou telle brique manquante au fin fond d’un lot de brocante acheté trois fifrelins. Mais si vous êtes juste nostalgique, allez sur Bricklink, faites votre marché des briques de base, et remplacez les figurines et les pièces rares hors de prix avec les moyens du bord ou d’autres plus abordables. Claquer deux, trois cent boules juste pour dire de l’avoir, comme ça, c’est juste con.
Ce château-fort aussi jaune que le sous-marin des Beatles, je l’ai reconstitué quasi intégralement (manque juste quelques accessoires de figurines), tout en briques d’époque aussi vieilles que moi par-dessus le marché, parce que monsieur aime les défis (et surtout parce que monsieur les avait, les vieilles briques).
Valeur de ce que vous voyez sur la photo en tête d’article auprès des collectionneurs : 250 balles.
Ça m’en a coûté 7.
Donc là, après causé une attaque aux puristes avec mon sabre-laser anachronique, je viens de faire tomber en syncope la frange élitiste des AFOL, celle qui trouve que les Lego chers, c’est bien, comme ça tout le monde n’y a pas accès – ça aussi, dans le genre très con, ça se pose là…
Pour en remettre une couche aux puristes : j’en resterai là avec ce château et tant pis pour la poignée de stickers, le chevalier et une paire de boucliers manquants.
Je me dis que tôt ou tard je finirai par tomber sur le complément. Je vais pas claquer des sommes délirantes là-dedans. Parce que pour moi, ce château n’a rien de mythique : je ne l’ai jamais eu.
Mon mythe à moi, c’est le 6080, plus ou moins le même en gris et agencé différemment. C’est celui-là que j’avais quand j’étais petit, avec lequel il y a un lien affectif et nostalgique. Alors qu’il n’est pas si terrible avec le recul, mais je l’aimais bien et je l’aime toujours (sauf que je ne l’ai plus).
Alors le prodige de ce château jaune à 7 euros – l’affaire du siècle, n’ayons pas peur des mots –, je le dois à ma mère qui a ses habitudes dans une solderie où elle est connue comme le loup blanc. Et par contrecoup mon intérêt pour les Lego aussi, vu qu’elle jette toujours un œil pour en trouver quand elle y fait ses courses et demande toujours s’il n’y en aurait pas qui traîneraient dans un coin.
À sa dernière virée, elle en raflé un plein seau pour trente balles, avec beaucoup de bleu dedans (Lego Espace années 80), beaucoup de jaune donc, pas mal de minifigs et d’accessoires, le tout en parfait état de conservation, à se demander si quelqu’un avait un jour joué avec et s’ils n’avaient pas été conservés dans un sarcophage étanche depuis plus de trente ans.
En triant ce lot en vrac, j’ai identifié la plupart des boîtes d’origine, juste de mémoire (j’avais les mêmes pour la plupart, facile de les reconnaître). Et même sans l’avoir eu, je connaissais l’existence du château jaune. Alors à force de voir défiler des briques jaunes, des tabards à stickers, d’autres briques jaunes, des hallebardes et des casques gris clair, encore des briques jaunes, dont la manivelle du pont-levis, pièce la plus spécifique du bâtiment, je me suis dit qu’à vue de pif, il devait y avoir l’essentiel pour le reconstituer (soit un petit quart du seau de briques, d’où l’estimation du coût à 7 euros).
Direction le oueb pour trouver les instructions de montage. Vache ! J’avais pas mis le pif dans une notice old school depuis vingt-cinq ans. C’est autre chose que les manuels de maintenant avec douze mille numéros, où à chaque étape, tu mets juste une ou deux briques, trois maximum, avec le travail mâché parce qu’on t’indique lesquelles juste au-dessus de l’assemblage. Là, en vingt pages, douze étapes, les instructions sont pliées. Aujourd’hui le même manuel serait épais comme un annuaire.
Ben il a été long, ce montage, parce que tout en petites briques 1×1, 1×2 et 1×3. À coup de vingt ou trente par étape. On te dit pas lesquelles et on t’indique pas où avec des grosses flèches. Faut regarder et comparer le numéro où tu es arrivé avec le précédent pour savoir quoi mettre à quel endroit. Eh ben la construction est carrément plus stimulante que les modèles de maintenant où on s’emmerde à suivre un chemin trop balisé et trop simpliste !
Y avait presque toutes les briques dans le seau de vrac, à une vingtaine près, sur les sept cents que comptait la boîte. Et devinez quoi ! Les briques de complément pêchées dans mon stock sont tout autant d’origine, juste elles proviennent d’un autre château jaune, dont j’avais récupéré quelques bribes sur une brocante il y a trois ans (autre affaire du siècle : un plein carton de Lego années 80 pour dix balles, ça revenait à un centime la brique). D’où les deux drapeaux sur ma reconstitution, un dans chaque lot.
Avant de me lancer dans l’opération Médiéviste sous LSD (nan parce que des couleurs pétantes pareilles, voilà quoi) , je pensais juste construire le bousin histoire de voir à quoi ressemblerait ce “mythe” et le démonter après. C’était quoi, ce bruit ? Ah, c’est encore les puristes qui tombent de leur chaise…
Je vais le garder. Parce qu’il était bien fun à monter. Avec une petite tension sur la fin à voir le nombre de briques diminuer et à me demander si j’en aurais assez pour réaliser la reconstitution tout en pièces d’origine. Et puis, parce que même s’il a un nom à la con, il a de la gueule, ce château jaune.
Bon alors par contre, il a aussi pas mal de défauts. Les portes du fond ne montent pas à hauteur de l’arche et laissent un jour énorme. Le pont-levis, sous lequel on peut limite glisser une figurine quand il est relevé, ne ferme donc rien. Pas de herse (dans le 6080, y en avait une !). Des meurtrières mais pas d’archers. Un chemin de ronde et des tours sans accès pour y monter. L’édifice dans son ensemble est court sur pattes et gagnerait à être relevé d’une hauteur de brique. Donc désolé si je donne l’impression de m’acharner sur les puristes pétrifiés dans leur gardiennage du temple, mais je vais le customiser. Ou peut-être refaire en gris une version croisée du 375 et du 6080.