En avril dernier, un corbeau a pointé le bec dans mon jardin. Le modèle XXL assez grand pour me picorer le genou sans avoir à se dresser sur ses pattes. Un Grand Corbeau de son nom vernaculaire, ou Corvus corax de son nom scientifique, hérésie mélangeant grec, latin et redondance. Corvus signifie corbeau dans la langue de Pline, corax veut dire pareil dans celle de Pausanias. Il s’agit donc d’un corbeau corbeau dit grand corbeau et, si on ne peut pas nier une cohérence d’ensemble, faut quand même admettre qu’on a connu les ornithologues plus imaginatifs en matière de nommage d’espèces.
Or donc maître Corbeau a débarqué un soir, tranquille. A repéré les lieux. S’est ensuite installé avec femme et enfants. A nettoyé à lui seul le cerisier de la moitié de ses fruits… et l’autre moitié, il l’a disputée aux merles. Nous, on en a eu quatre – cerises, pas merles – à se mettre sous la dent, pas plus.
Au gré des semaines, une vingtaine d’autres corvidés – corneilles noires et choucas des tours – ont suivi le mouvement et pris leurs petites habitudes chez moi et à l’entour, ce qui fait qu’aujourd’hui je possède ma propre d’escadrille d’oiseaux de malheur (et une réputation de nécromancien sataniste auprès des voisins).
Jusqu’alors, je ne m’étais jamais préoccupé de ce qui se tramait dans le jardin. L’arrivée de ce squatteur au sombre plumage représente un cas d’école d’incident déclencheur. Je me suis intéressé à lui, parce que oiseau mal aimé par excellence et ça nous fait un point commun. En plus, les grands corbeaux sont rares dans ma région où on croise plutôt des freux, et les trucs pas communs, on aime bien ça ici : avec deux autistes dans nos murs, les atypiques sont la marque de fabrique de la maison K à part, la bien nommée.
Au-delà de son cas, je me suis penché sur la riche vie aviaire qui s’épanouit juste là sous ma fenêtre, pleine de moineaux, mésanges, rouges-gorges, merles, étourneaux, chouettes, chauve-souris (qui sont des mammifères mais on s’en fout du moment que ça vole), grives, troglodytes, pigeons, tourterelles… Et une horde sauvage de corvidés qui foutent les jetons à tout le voisinage quand ils volent en cercle et en croassant au-dessus de la maison. Et ça, ça n’a pas de prix.
Guide des oiseaux
Richard Fitter et Francis Roux (dir.)
Sélection du Reader’s Digest
Avoir des piafs dans son jardin, c’est bien. Les reconnaître, c’est mieux. En observant ceux qui zonent chez moi, je me suis rendu compte que sorti des noms archiconnus, j’étais une bille en oiseaux et infichu de nommer la moitié d’entre eux. Ou alors, dans certains cas, je connaissais le nom pour l’avoir croisé dans tel ou tel roman, mais sans l’associer à une image plus précise que “volatile avec un bec, des ailes et des plumes”.
Coup de bol, ma mère a remis la main sur un Guide des oiseaux qui traînait depuis des lustres dans les tréfonds de sa bibliothèque. Je lui ai taxé, parce que je suis un fils indigne. Je peux désormais identifier chaque espèce qui squatte arbres, haies et buissons derrière chez moi.
Or donc, ce guide n’est pas tout jeune, il date de 1971. Depuis un demi-siècle, certaines informations ne sont plus tout à fait à jour, avec des espèces disparues ou en passe de l’être (quand j’étais gamin, il y a trente ans, on croisait plein d’hirondelles au printemps dans mon quartier, aujourd’hui il en reste zéro) et des aires de répartition géographique modifiées par le changement climatique et/ou l’extension de l’occupation humaine sur les zones naturelles et sauvages.
Il n’en reste pas moins un excellent ouvrage, à la fois complet et synthétique, très lourd aussi (pas loin d’un kilo cinq pour cinq cents pages) et bourré de superbes illustrations. Le choix du dessin plutôt que de la photographie donne un cachet particulier, old school, dans la lignée des histoires naturelles à la Buffon ou Linné. Le rendu a fière allure, davantage qu’un bête texte noir sur blanc accompagné d’une photo lambda (si c’est pour acheter ce genre de guide basique, autant imprimer des pages Wikipedia).
Alors attention, ce Guide des oiseaux n’est pas universel. Le titre oublie de mentionner qu’il ne couvre que l’Europe occidentale et encore pas dans son ensemble. On parle ici des cuicuis de France, Belgique, Suisse et Luxembourg.
Au menu :
– Le gros morceau encyclopédique des espèces (250 pages), avec pour chacune illustration, carte de localisation, topo bref pour présenter l’engin.
– Une vingtaine de pages consacrées à l’identification (couleur, taille, bec, ailes, façon de se déplacer au sol et en vol…).
– Dans les 150 pages d’articles divers, variés et bien fichus (anatomie, plumes, vol, migrations, chant, vie sociale, nid…) qui apportent une grosse valeur ajoutée : on n’apprend pas qu’à reconnaître les oiseaux, mais à les connaître tout court.
Donc un très bon ouvrage de référence, on le trouve encore en brocante ou d’occasion sur le web à très bas prix.
Ils sont choux, nos pioupious ! ^^
@Anjlic : Yep ! On a les oiseaux les plus choux et les plus flippants du quartier. 😀