Quel est le point commun entre Jericho, les X-Men, Dune, Der Wanderer über dem Nebelmeer, Gandalf et Le Petit Baigneur ?
En fait, il y en a deux. Primo, ce formidable sens de l’humour que le monde entier m’envie. Secundo, toutes ces références appartiennent à une série photoshopesque inspirée par Et tu entendras le bruit de l’eau, en passe de battre Felicity Atcock pour le record du plus grand nombre de détournements sur ce blog.
Après avoir martyrisé la couverture pire qu’un chrétien au IIe siècle, j’enfonce le clou et, tel un Torquemada littéraire, soumet Sophie Jomain à la question.
D’un commun accord (comme le livre éponyme), Sophie* et moi avons décidé de zapper la question rituelle de présentation, qui aurait fait redite avec l’entretien sur Les Étoiles de Noss Head. En version courte, Sophie était archéologue avant de devenir romancière. En version longue, lisez ladite interview.
(*NDLR : le prénom n’a pas été modifié.)
Un K à part : Tu as sorti le mois dernier l’excellent Et tu entendras le bruit de l’eau. De quoi ça parle ? (Et quand je dis “ça”, le pronom renvoie à ton livre, pas à celui de Stephen King.)
Sophie Jomain : Marion est journaliste people. Elle réalise la vacuité de sa vie, de sa désormais incapacité à se passionner pour un travail auquel elle a tout donné. Cinq mois sabbatiques, c’est le temps qu’elle se donne pour partir à la (re ?) conquête d’elle-même. Elle s’isole dans un écolodge du Marquenterre, en Baie de Somme, et retrouve l’équilibre en photographiant la faune et la flore, renouant avec la nature et les envies de projets. Une rencontre avec Ben, zoologiste, changera ses inspirations et la guidera vers un avenir qu’elle n’aurait même pas imaginé.
K : Et tu entendras le bruit de l’eau se déroule en baie de Somme. Par une étrange coïncidence, tu habites un petit village de la Somme, New York*. Pourquoi le choix de ce lieu étrange, humide, marécageux et plein de grisaille, genre de Dagobah où Yoda parlerait picard ?
(*NDLR : le nom a été modifié.)
SJ : Ah ah ! La baie de Somme m’a adoptée. J’y habite depuis juillet 2012 et je crois que je ne la quitterais pour rien au monde (à moins que Fred d’un K à part déménage, hein !). J’ai tout de suite adoré l’endroit, et je ne l’ai pas trouvé plus humide que de là d’où je venais (sept ans en Haute-Saône, didiou, ça laisse des traces de pluie). Et puis, je voulais un coin de nature au bord de la mer, un lieu insolite, sauvage et paisible. Et voilà !
K : Je n’ai pas prévu de déménager dans l’immédiat, sauf si une colocation avec Angelina Jolie se met en place. Je te tiendrai au jus pour que tu aies le temps de préparer tes cartons.
Et tu entendras le bruit de l’eau, c’est l’histoire de la remise en question de Marion Verrier, qui s’est perdue dans sa vie de Fendie Miller. Entre un boulot qui ne lui plaît plus, des relations superficielles et une insatisfaction XXL devant le vide de son existence, j’ai beaucoup pensé à Facebook (réseau social où les gens sont contents le vendredi parce qu’ils arrêtent de travailler, dépriment le lundi à cause de la reprise et passent la semaine à poster des proverbes à deux ronds sur l’amitié).
Fendie Miller, symbole d’une société où personne n’est épanoui ? Voire d’une société où ça se plaint beaucoup, mais où peu nombreux sont ceux qui sautent le pas comme Marion ?
SJ : Je crois que tu as vu juste. Combien est-on à désirer changer de cap, de vie, d’habitudes sans s’en donner les moyens ? L’histoire de Marion, c’est un peu le courage que nous aimerions tous avoir. Tout plaquer et recommencer autre chose. En mieux.
En fait, j’ai dit un jour que Marion Verrier n’avait rien à voir avec moi, mais quand j’y regarde de plus près, je sais que c’est faux. Je travaillais dans une grande boîte (Nokia France), j’ai tout plaqué pour devenir archéologue. Puis je suis devenue archéologue, et j’ai tout plaqué pour devenir mère, ce qui m’a conduite à l’écriture. Quand j’y pense, je ne regrette rien et suis plutôt fière des caps passés. Est-ce qu’un jour je plaquerai l’écriture pour autre chose ? Peut-être, j’avoue que ça me ressemble de vouloir tout changer. Bref, oui, tu as raison, l’histoire de Marion, c’est ça : le courage de s’inventer une autre vie et de dire merde à la routine qui nous étouffe.
K : D’après ce que tu dis en fin d’ouvrage, où tu évoques des doutes, des incertitudes et le côté “vacillant” d’un style d’écriture “nouveau” pour toi, ce bouquin aura donc été une remise en question en tant qu’auteure (et quelque part une sacrée mise en abyme) ?
SJ : Et donc, par cette question, tu viens de confirmer ce à quoi j’ai répondu juste au-dessus ! Oui, d’une certaine façon, c’est une mise en abyme. Je me lance vers autre chose, m’en donne les moyens, mais sans assurance aucune. Dans l’écriture, changer de style et de genre, c’est un peu comme faire du funambulisme sans filet. Mais qu’importe. Je suis de celles qui essaient coûte que coûte. Et si je n’y arrive pas, je passe à autre chose. Mais bon… pour le coup, je me souhaite le meilleur, hein !
K : C’est ce que je te souhaite aussi.
Du changement, donc, mais quand même une patte Jomain qu’on retrouve dans le bouquin. Au hasard… Felicity Atcock prenait pas mal de douches. Marion Verrier explose le compteur ! Une voire deux par chapitre ! Et parfois des bains en plus ! Cette manie de l’ablution, c’est un TOC ? un traumatisme dans ton enfance ?
SJ : Ben, tu vois, je fais aussi partie de ces gens qui se lavent tous les jours, sans exception. Du coup, dans la vie de mes personnages, il y a des douches ! En revanche, le bain est un fantasme, je n’ai pas de baignoire !
K : D’autres projets dans la même veine “Jomain néo-style” ?
SJ : Oui, mon cher ! Je viens de soumettre une note d’intention pour un sujet qui m’est très personnel. Je croise les doigts !
Sinon, le premier spin-off de Noss Head commencera à prendre forme dans quelques semaines pour une publication en mars 2020 chez Rebelle Éditions !
K : Le mot de la fin, qui fera office de dernière goutte avant que le vase ne déborde…
SJ : Pince-me et Pince-moi sont sur un bateau. Pince-me tombe à l’eau, qui est-ce qui reste ? Merci, master K, pour cette chouette interview !