Adeline, deux qui la tiennent, trois qui la… bouquinent. (Note pour ceux qui ont pensé à un autre verbe, je rappelle qu’on est sur un blog sérieux ici, tout dans la classe et dans l’élégance.)
En attendant de voir à Atrebatia si Adeline Dias goûte mes traits d’esprit et mon art de la rime, retour sur une de mes emplettes de Mon’s Livre : Perception, le premier tome de la trilogie Esprits Infinis.
Esprits Infinis
T.1 Perception
Adeline Dias
Rebelle
De quoi parle ce roman ?
D’esprit.
D’infini.
Et de perception.
Tada !
Les X-Men sont parmi nous. Ils s’appellent Psis et ont, comme leur nom l’indique, des super-pouvoirs psychiques. Un de ces super-gus, Antoine, rencontre, Lou, une super-nénette qui s’ignore et va découvrir cet univers hors-norme ainsi que son propre pouvoir.
Tada ![1]
Du fantastique avec de la romance dedans… ou de la romance avec du fantastique dedans… Ça dépend par quel bout on le prend, comme dirait Stormy Daniels avant de tourner une scène de gangbang.
La romance, faut reconnaître, pas ma tasse de thé. J’ai toujours préféré le café de toute façon. M’est arrivé d’en chroniquer une paire sur le blog (par exemple, Cherche jeune femme avisée de Sophie Jomain). En vrai, j’en ai lu un peu plus. Eh oui, ça peut surprendre. Joies des comités de lecture, bêta-lectures et corrections de manuscrits… Neuf fois sur dix, mon cerveau s’est liquéfié avant de s’écouler par mes orbites, mes yeux ayant fondu juste avant et libéré le passage. Les amourettes nunuches rédigées en style collège ont encore de beaux jours devant elles…
De temps en temps, une bonne pioche avec un auteur qui ne se contente pas de regards bovins enamourés et de maladresses stylistiques mais offre une intrigue construite, des dialogues sensés, une forme travaillée et des personnages plus épais qu’une carte à jouer.
Mais bon, même bien écrite, la romance n’est pas un genre qui évoque quoi que ce soit en moi. Autant demander sa pointure à un cul-de-jatte.
On parle d’un univers à 12000 milliards d’années-lumière du mien. Ma vie sentimentale, c’est une tragédie grecque, on y croise plus de cadavres[2] que de fins heureuses. Un jour, j’en ferai peut-être un roman mais avant, la tounga je claquerai mes économies en bourse. Boosté par mon best-seller, le cours de l’action Kleenex grimpera en flèche à la vitesse d’un ICBM[3] et Midas glissera une main dans mon caleçon.[4]
Bref, avec un passif comme le mien, la romance, j’évite d’y mettre les pieds. Parce que si l’histoire finit mal, mes pires souvenirs remontent. Et si elle se termine bien, ben pareil, vu que ça me renvoie par effet de décalage à tout ce que j’ai perdu.
Alors tant qu’à remuer le couteau dans la plaie, je préfère investir mon énergie à réviser la méthode japonaise du seppuku.[5]
Pas de repos ni de happy end pour les braves.
Tout ça pour dire que je suis le moins qualifié pour parler romance (ou peut-être qu’à ma façon, je le suis trop) et que cet avis vaut ce qu’il vaut.[6]
Or donc, Perception, liquéfaction des yeux ou pas ?
Non.
On va commencer par la question qui fâche : ce à quoi je n’ai pas accroché.
Les réactions des personnages m’ont laissé perplexe. Chacun ne réagit qu’en fonction de l’impulsion du moment, de ses instincts, de ses sentiments. Jamais une réaction rationnelle, comme si se servir de son cerveau pour prendre une décision intelligente était le pire crime possible. On dirait des gamins de douze ans, pas des adultes. Paraît qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités… Y a de quoi faire dans son froc, et une double couche, en les voyant œuvrer. Les pouvoirs les plus puissants aux mains des gens les plus irresponsables… Effrayant…
Antoine, par exemple, j’ai eu très vite envie de lui taillader le corps des pieds à la tête et de le recouvrir de sel pour que ça pique un max, avant de le crucifier, lui ouvrir le bide et regarder ses boyaux dévaler tout en mangeant des noix de cajou. J’aime bien les noix de cajou.
Après, les personnages à fleur de peau et aux réactions épidermiques sont un parti pris d’écriture courant dans le fantastique contemporain donc why not? Mais je reste sur le bord de la route, à regarder s’agiter les protagonistes sans comprendre, parce que ces actes échappent à ma raison. Pas le genre de personnages auxquels je peux m’identifier. Affaire de goût, c’est très subjectif.
Maintenant, le glop.
Pour son cadre et son intrigue, Dias a le bon goût d’entrer direct dans le vif du sujet. Pas d’exposition à rallonge sur cinquante pages pour présenter les personnages, un par un, dans des scènes pépères, avant une rupture qui les plongerait enfin dans l’intrigue. Pas davantage d’exposé interminable pour poser l’univers dans ses moindres détails. Procédés soporifiques au possible…
Là non, ça démarre vite et tant mieux. Avec en prime une bonne maîtrise de la construction des scènes. Chacune apporte quelque chose à l’histoire, aux personnages et à l’univers. Tout se bâtit au fur et à mesure, sans placard en mode Wikipedia. Un roman n’est pas une compilation de notices biographiques et de fiches contextuelles entrecoupées de passages narratifs, Dias l’a bien compris.
Choix intéressant, elle jongle avec les protagonistes et alterne les points de vue. Maîtrisé, le procédé fonctionne et offre au lecteur une vue d’ensemble plus construite qu’un bête narrateur posé là à tout mater de loin.
Ce qui m’a emballé dans Perception, c’est l’univers. Sauf que je ne vais pas pouvoir m’étaler des masses sur le sujet sans spoiler à mort.
Les pouvoirs psychiques, bonne idée. Grand fan de Philip K. Dick (on en croise plein ses nouvelles) et de Stephen King (Carrie, Charlie, Loulou), j’ai accroché. Ça change de la magie “classique” et encore plus de l’opposition éculée entre vampires et garous. Oui, opposition, parce que les Psis ne sont pas tous copains. Divisés en clans, ils cohabitent entre surveillance mutuelle, neutralité, hostilité, alliances… Et ils ne sont pas seuls, d’autres créatures se tapissent dans l’ombre (mais non, cette phrase n’est pas un cliché, si ?). Ça m’a rappelé la grande époque de Vampire : La Mascarade, du temps où les buveurs de sang étaient encore pris au sérieux (personne ne sera étonné d’apprendre que je jouais Malkavien).
Au final…
[ ] Pas mon genre de lecture mais une découverte intéressante.
[ ] Une découverte intéressante mais pas mon genre de lecture.
Je laisse à chacun le soin de cocher la bonne réponse (plusieurs choix possibles, vous avez quatre heures, l’usage de la calculatrice est autorisé sous réserve de m’expliquer à quoi elle va pouvoir vous servir).
Même s’il s’agit de ma première romance fantastique stricto sensu, j’ai dû endurer un paquet de bouquins en fantastique contemporain et urban fantasy, pas estampillés romance mais avec un gugusse et une donzelle qui roucoulent tout pareil. Je connais un peu le truc, quoi. Et je peux te dire que j’ai eu l’occasion de pleurer du sang plus souvent qu’à mon tour sur certains ouvrages…
Là non, mes yeux sont intacts et je n’ai eu pas besoin d’égorger quelqu’un pour me renflouer en hémoglobine (j’ai une conception assez personnelle de la transfusion).
Perception est un roman qui propose un univers attractif, une plume et des choix d’écriture au-dessus de la moyenne. Du bon boulot et un bon titre pour les amateurs/trices du genre.
[1] Si tu préfères les quatrièmes de couverture plus académiques, Google est ton ami.
[2] Cherche pas de métaphore pour parler de rupture, le terme est à prendre au sens le plus littéral.
[3] C’est un genre de flèche explosive à longue portée (Google… ami… tu connais la chanson).
[4] En clair, je vais me faire des couilles en or.
[5] En langue vulgaire, on dit hara-kiri mais putain de bordel de merde, ça me ferait trop mal au fion d’être vulgaire.
[6] Oui, je sais, j’aurais juste pu dire en intro “cet avis vaut ce qu’il vaut”. On connaît mon amour de la concision : je la prends, je la retourne contre le mur et je lui surine les reins à coups de stylet.
(Bonus track : l’interview d’Adeline Dias.)
« Antoine, par exemple, j’ai eu très vite envie de lui taillader le corps des pieds à la tête et de le recouvrir de sel pour que ça pique un max, avant de le crucifier, lui ouvrir le bide et regarder ses boyaux dévaler tout en mangeant des noix de cajou. »
Et là je viens de me prendre un fou rire… 😀
Je suis le fils caché de Torquemada et Benny Hill. 😀