On m’avait dit “lis Esparbec, tu verras, c’est bien”. Je suis venu, j’ai lu, je n’ai pas du tout été emballé (dans le cul).
Pour ne pas trop fatiguer mon corps usé par les ans, on oublie le plan canonique en trois parties. Deux, c’est bien aussi : grand un, trois avis rapides sur des titres sortis chez La Musardine ; grand deux, pourquoi bof ?
Monsieur est servi
Monsieur a peut-être été servi, perso, j’attends toujours. Seul point positif : l’expérience de lecture concorde avec le thème. L’ennui.
Une bourgeoise (encore…) s’ennuie. Elle va donc s’occuper en forniquant à droite à gauche. Enfin, plutôt à droite à droite, vu le milieu social. Son mari, bien ennuyé par les frasques de son épouse, se venge sur la bonne. Une soubrette troussée par son patron, comme c’est original… Personnage aussi ennuyeux que contradictoire d’allumeuse rebelle et soumise (?).
C’est long, mais long. Même Madame Bovary à côté, c’est du Michael Bay.
La pharmacienne
Le plus décontracté des trois que j’ai lus, celui où je me suis le moins ennuyé, même si, au bout d’un moment, ça devient long (mais pas dur). Une espèce de pièce de vaudeville bourgeois, avec une pharmacienne qui tient davantage de la charretière. Succession de scènes de sucettes et de pétages de rondelles sous des auspices incestueux, suivant le rythme convenu des films X. Quand le bouquin est sorti en 2002, l’idée sortait peut-être un peu des sentiers battus. À l’heure actuelle où le porno en vidéo déborde de MILFs et de stepmoms/dads/sons/daugters qui s’enfilent en famille, le texte en touche une sans remuer l’autre.
La partie la plus intéressante du livre est sa postface, où Esparbec expose sa vision de la littérature pornographique. Intéressante, même si assez loin de la réalité de ses textes. Pour quelqu’un qui prône le “refus de la gaudriole”, il n’y a que ça, de la gaudriole, dans La pharmacienne.
La jument
Une bourgeoise qui pourrait s’appeler Lady Chatterley se lance dans l’équitation. Roman long, ennuyeux et plein de déjà vu. La thématique cavalière a déjà été traitée à l’envi par le porno, Esparbec n’y apporte rien dans ce roman. Quant au thème de la bourgeoise coincée dressée pour devenir une assoiffée de sexe qui se prête à tous les fantasmes, il se confond pour ainsi dire avec la pornographie. On pourrait presque définir le genre sur cette base : la métamorphose d’une oie blanche en nymphomane soumise.
La jument, ce sera donc du cliché à foison : cavalcade à oilpé dans la prairie, agitation moite dans le foin, fornication avec les garçons d’écurie et le directeur du centre équestre.
Ni fait ni à faire.
Esparbec, on m’en avait tartiné une couche de dithyrambe épaisse comme un bukkake. Note pour plus tard : arrêter d’écouter “on”.
Excitation zéro. Lecture mécanique. Tu branches le pilote automatique le temps d’arriver au bout. Juste parce que tu n’aimes pas lâcher les bouquins en route. Au prix que ça coûte…
Les pages les plus intéressantes se trouvent en annexe de La pharmacienne. Dans la postface, Esparbec énonce son rapport à la pornographie et la littérature.
Extrait :
“L’écriture que je préconise est le contraire du style PORNO, et tout aussi bien le contraire de l’ÉCRITURE LITTERAIRE. Refus du baroque, de toute surcharge expressionniste, du second degré, de l’humour, de la gaudriole, qui sont autant d’échappatoires. Toute métaphore est bannie, les adjectifs sont concrets, les descriptions sont méticuleuses sans être délayées ; ce que je souhaite obtenir, une écriture transparente supprimant tout écran contre le lecteur, réduit à l’état de voyeur, et les scènes décrites. Autant que possible l’auteur, par une sorte d’ascèse du style, doit S’EFFACER, se rendre invisible, ne jamais s’autoriser la moindre coquetterie qui rappelle sa présence au lecteur, se rapprocher autant que possible du degré zéro de l’écriture prôné par Roland Barthes pour, d’une part, ne pas gêner le voyeur, et de l’autre, supprimer ce qui si vite se démode : le “style”.”
Les trois titres chroniqués, c’est tout à fait ça et son contraire. Esparbec, quoi qu’il s’en défende, a un style, avec ses choix de vocabulaire et ses partis pris d’écriture. Bannir les métaphores, que beaucoup d’auteurs confondent avec des comparaisons sous LSD, ok. Éliminer les périphrases, les termes pseudo-poétiques et appeler une chatte une chatte, ok. Le gars fait ça très bien et ses textes ont le mérite de ne pas planer à dix mille dans l’éther. Trop bien, même. Parce qu’il ne reste que de la description quasi clinique, sans charge érotique. Tu vas me dire qu’Esparbec refuse d’être étiqueté auteur d’érotisme et se revendique pornographe. Certes. Mais sa façon de raconter le cul laisse froid. On lit ça comme on regarderait un documentaire sur la reproduction des zébus. On est posé là, pas impliqué, même comme voyeur. On s’ennuie.
À trop en enlever, il ne reste rien qu’une langue hyper classique, espèce de version modernisée des auteurs de la seconde moitié du XIXe siècle. Les descriptions “méticuleuses”, comme la pomme, y en a. Y compris hors scène de cul, sauf que ce n’est pas ce qu’on vient chercher dans la littérature porno.
Si je comprends qu’Esparbec soit gavé des exercices de style qui surchargent certains récits X au point de les déconnecter de leur propos – du cul bête et méchant – il aboutit à l’excès inverse. Ce n’était pas possible de trouver un juste milieu entre trop et rien ?
Plus loin dans la postface, le bonhomme compare deux pornographies, “la vraie, la pure” (la sienne, on l’aura compris) et celle “qui s’étale sur les murs, celle des cinémas pornos, des sex-shops, des tristes clubs échangistes, des partouzes de minitel, des fast-sexs en tout genre”. J’ignore de quand date cette postface qui en est encore au Minitel… Toujours est-il que je ne vois pas dans les textes d’Esparbec de différences fondamentales. La théorie qu’il développe est bien jolie, mais il y a un monde avec la réalité de ses bouquins.
On y trouve la même chose que dans les films X produits à la chaîne. Les mêmes fantasmes, les mêmes clichés, les mêmes personnages et surtout les mêmes procédés. Je pense par exemple au scénario, prétexte pour que chaque scène tourne au coït. Rombière, fuite d’eau, plombier, pif paf pouf. La version X du fameux “une porte, un monstre, un trésor” qu’ont connu tous les rôlistes à une époque.
En vidéo, le concept ne me dérange pas. Personne n’est dupe. Ni le spectateur, ni les acteurs, ni le réalisateur. Le genre ne cherche pas à te vendre une histoire. D’ailleurs, il n’essaye même plus de faire semblant d’en raconter. Cf. la prédominance du gonzo, où le X s’est affranchi de la volonté de ressembler au cinéma traditionnel, pour trouver sa propre expression. Chez Esparbec, je tique. L’histoire relève du même prétexte, avec le même enchaînement attendu de scènes de fion, MAIS en essayant de se camoufler sous un masque de littérature classique.
Esparbec “préconise le contraire du style porno, et tout aussi bien le contraire de l’écriture littéraire”, mais il ne fait que ça, du style porno et de l’écriture littéraire.
Je suis totalement d’accord avec ce qui est dit au dessus.
Malheureusement, les éditons la Musardine ont du mal à se détacher de leur idole. Si vous ne rentrez pas dans les cases du style Esparbec, vous n’avez aucune chance de voir votre manuscrit coquin publié chez eux. A suivre…
Je suis moi aussi parfaitement en accord avec ce qui est écrit plus haut.
Je rajouterait ceci: Esparbec a fini par avoir un rôle négatif sur le milieu de l’érotisme en France. Il a été imposé comme un modèle du genre, et depuis régulièrement des gens pensent sincèrement bien faire sans comprendre qu’il est très daté tant dans les fantasmes (qui sont très années 70: pension de jeune filles, milieu bourgeois, avec femmes très soumise, etc…) que dans la pratique (l’écriture).
Effectivement, dans les années 70-80 (où il a commencé à écrire; les livres des années 2000 ne sont que des reprises réarrangés de ses récits pré-2000) la style « du cul pour du cul, et sortir de la métaphore pétée » était novatrice (et, soyons honnête, permettait d’éditer rapidement tout un tas de bouquins). Mais de nos jours, après l’explosion de la pornographie, la limite de la démarche apparait clairement. C’est plat, répétitif, lourd, dégueu par moment, et surtout, ça fait pas bander.
Esparbec se plaignait que la pornographie n’est pas considérer comme un genre littéraire comme les autres, capable de générer de bon livre. Mais il a tout fait pour pourrir la situation tant dans le rôle de l’écrivain que de l’éditeur: il n’a considérer les livres porno qu’on lui proposait uniquement comme des produit de marché; il a bataillé par que tous ses écrivains abandonne tout style dans la rédaction; a découragé le mélange du porno avec d’autre genre (polar, fantastique, etc…); et à confondu ses fantasmes avec les règles du genre (l’écriture de voyeur et les longues descriptions de sexe digne d’un charcutier).
Il n’y a qu’à voir l’indigence plus ou moins grande de ce qu’a publié et publie encore la Musardine pour voir les problèmes qu’Esparbec à fait naitre.
@V (César ^^ ) : le cas d’Esparbec est représentatif de la mentalité française en matière de littérature. Très staliniste dans l’âme : il y UN modèle unique hors duquel rien n’est valable. Ça vaut pour l’éternelle (et débile) opposition « grande Littérature » versus littérature de genre, tout comme ça vaut pour chaque genre (ici, le modèle Esparbec imposé en littérature érotique). Là-dessus, on rajoute une couche (très française aussi) de culte de l’homme providentiel qui va sauver (sic) le pays (les Napoléon, les Pétain…) ou présider aux destinées d’un genre (Esparbec). Le tout donne quelque chose de bien cadré, une belle case bien propre et surtout très ennuyeuse, avec des productions bien formatées (le catalogue de la Musardine, c’est pour l’essentiel plus ou moins le même bouquin, avec les mêmes schémas, décliné sous 300 titres différents). Le porno français manque de fantaisie, un comble pour un des genres qui s’y prête le plus. Mais bon, maintenant que le gars Esparbec a cassé sa pipe et qu’il y a depuis quelques années pas mal d’autres façons d’écrire qui pointent le bout du nez ici et là (par le biais de l’auto-édition notamment), on va peut-être enfin sortir de ce modèle dépassé.
Je rajouterais même que dans le cas de la Musardine il s’agit de singer une attitude que l’on perçoit dans le milieu littéraire classique. Entre ça et l’érotisme d’Esparbec qui repose énormément sur les différences de pouvoirs, je trouve la situation très ironique pour des gens qui se réclame de 68 et pensent combattre « la littérature bourgeoise » (et tient, encore un topos du milieu littéraire français).
Également, le style est très important dans un genre comme le porno. Non pas pour éviter de nommer le sexe, mais pour rajouter de la levure. Si on prend » trois filles de leur mère » on peut trouver (c’est mon cas) le récits dégueulasse et imbranlabe dans les pratiques décrites. Mais force est de constater que la plume de Pierre Louys fait que, au moins, le style fait plaisir, voir rire par certains très d’esprit (hors sexe). En bref, le style fait que l’expérience n’est pas uniquement mauvaise, même si très perturbante.
A contrario dans « les biscuitières »d’ Esparbec, on n’est juste face à un catalogue de scène de cul sans logique, et dès que l’on tombe sur une qui nous rebutte, on ferme le bouquin, complétement écœuré (1).
On verra comment la situation évolue, mais j’ai peu d’espoir pour la Musardine. Elle est au mains d’une gérontocratie gourouisée, obsédée par les enseignement du maitre. Même s’il est vrai que les nouveaux modes d’édition, et l’existence de site de littérature érotique ouvrent de nouvelles portes.
(PS: Il serait peut être intéressant de continuer la discution via boite mail. Vous avez mon adresse).
(1) soit dite en passant, je trouve plus que détestable la façon qu’à Esparbec de traiter les gens qui n’apprécie pas son imaginaire de , je cite, « peines à jouir ».
Mais bien sûr! Si je suis dégouté par lire le récit d’une fille qui se fait enculer par un chien après s’être fait chier dessus, c’est que je suis un coincé du cul.
Je sais que je donne l’impression de gueuler pour de la moral, et d’appeler à la censure (ce qui n’est pas mon souhait), mais ce genre de commentaires de la part d’Esparbec sont révélateurs de sa façon de se voir comme le pape du genre.
C’est bien toute la différence entre un auteur comme Pierre Louÿs, qui écrit de la littérature, et un gratte-papier comme Esparbec, qui pond juste des rédactions : le style.
La papauté Esparbec, on finira bien par en sortir maintenant qu’il a cassé sa pipe, c’est juste une question de temps.
(C’est le même V qu’il y a quelques semaines)
Je me suis relu la Pharmacienne, et j’ai également pu mettre la mimine sur La Jument.
Mes opinions sur ces ouvrages sont inversées par rapport aux vôtres.
Si La Jument ne fut pas ma meilleure lecture de l’année, j’ai quand même apprécier « l’exubérance » du bouquin. Bon ça reste un Esparbec avec ses défauts, et l’ennui vient assez vite. Néanmoins il y a quand même une certaine variété dans les scènes, même si la logique fait souvent défaut et que les clichés ne sont pas non plus très loin.
A contrario j’ai trouvé la Pharmacienne plus chiant. Je crois que c’est dû au fait qu’Esparbec essai d’appliquer ses préceptes d’écriture. Le résultat c’est un récit qui se veut « réaliste » mais qui ne peut l’être dû au manque de psychologie des personnage (la pharmacienne qui parle comme une poissonnière); qui se veut centrer sur le sexe, et de ce fait devient un simple et fade parcours de pétage de rondelles; et qui par les leçon d’écriture qu’il veut donner devient pétant.
L’ancrage réaliste et l’obsession pour une sexualité tournant autour du viol ne faisant que rendre les scènes d’inceste encore plus malsaines qu’elle ne le sont.
Esparbec se vante d’être un industriel capable de proposer diverse scènes de sexe, mais dans les faits il ne peut toutes les traiter que sous le prisme de la violence sexuelle (la scène homo est révélatrice de cela: un des protagoniste est renvoyé à la féminité).