Le sujet phare de ces jours-ci sur le oueb des Lettres, c’est la réédition des pamphlets de Céline par Gallimard. L’annonce m’en a touché une sans remuer l’autre. Je ne comptais pas dégoiser sur le sujet ici.
Malheureusement, j’ai des amis. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de torpiller ma vie sociale par tous les moyens imaginables (oublier les anniversaires, multiplier les remarques désobligeantes, nolifer sur World of Warcraft…). Mais non, certains s’accrochent, pire que des députés à leurs privilèges d’Ancien Régime.
Il est de notoriété publique que j’adore Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit. J’aurais du mal à prétendre le contraire, je les relis une fois par an. Je chroniquerai le Voyage dans pas long, parce que ça me démange depuis un bail.
Partant, d’aucuns ont estimé judicieux de me demander ce que je pensais de cette histoire de réédition. Ils voulaient mon avis ou plutôt la solution à ce faux problème. Sauf que je ne détiens pas la réponse à tout, faudrait plutôt s’adresser à Yoda ou Confucius. Et je ne suis pas Goebbels non plus, ce n’est pas à moi de leur fournir du prêt-à-penser.
Bon, j’ai fait un éphore, comme on dit à Sparte, histoire de pas les envoyer paître avec un bon vieux combo “Google est ton ami / Sers-toi de ton cerveau / Fatality dans ta face”.
J’ai cherché, j’ai lu, j’ai écouté, j’ai réfléchi.
La réponse la plus constructive à laquelle je parvienne est la suivante : je n’en rien mais alors rien à foutre.
Déjà, les bouquins concernés (Bagatelles pour un massacre, Mea Culpa, Les beaux draps, L’école des cadavres), je ne les achèterais pas s’ils étaient réédités. Je les ai déjà. Ouaip, y a pas que des titres reluisants dans ma bibliothèque… M’enfin, je les possède, je les ai lus, au moins je peux en parler en connaissance de cause. L’affaire du siècle, soit dit en passant. Trente francs chacun à leur sortie dans les années 30, m’ont coûté le même prix en francs modernes il y a vingt ans chez une bouquiniste (qui bizarrement a fait faillite en quelques mois…).
Est-il besoin de préciser que j’ai détesté ces bouquins ? Les discours de haine, l’anticeci, le celaphobe, je ne peux pas. J’ai beau être le dernier des connards quand je m’y mets, y a quand même des limites. Là, ces pamphlets les franchissent en battant tous les records de saut en longueur.
Sur le fond, on s’aventure très loin dans l’immonde. Sur la forme, Céline a fait bien mieux sur ses romans. A part les universitaires (qui les trouveront dans leur BU) et les antisémites notoires (qui se rabattront sur les versions pdf de la Toile), les pamphlets n’ont aucun intérêt pour un lecteur lambda (toi, moi, la majorité des lecteurs).
Aucun intérêt donc rien à foutre.
Après, tu te dis que l’annonce de Gallimard… Ah ben non en fait, c’était un pétard mouillé. A l’heure où je tape cet article, l’éditeur a fait machine arrière en reportant sine die son idée de génie (sic) au motif que le contexte ne permet pas d’“envisager sereinement” le projet. Eh oui, Toto, faudra patienter jusqu’au moment où on pourra publier “sereinement” des textes antisémites.
J’espère être mort ce jour-là.
On sait pertinemment que l’unique motif de cette réédition, c’est le pognon. Tout comme on sait que l’annonce fracassante ne sert que de test : si ça gueule, on range le projet en faisant semblant d’être désolé, et si ça passe on va pas se gêner pour te coller les pires textes de toute l’histoire des Lettres françaises en rayons.
‘Fin bref, au moment où Gallimarre a lâché sa bombe, l’idée posait un certain nombre de questions qui pouvaient sembler intéressantes sur le papier. Bon, deux minutes après, tu t’en servais comme PQ, parce que ces interrogations, tu les connais par cœur.
Jusqu’à quel point associer/dissocier l’artiste de l’œuvre ? Comment traiter ceux qui ont basculé du Côté obscur, les Céline, les Michael Jackson, les Marion Zimmer Bradley ? Faut-il tout rééditer d’un auteur, y compris ses pires bouses, ou planquer les cadavres dans un placard au risque de tronquer son œuvre prise dans sa globalité ?
L’inanité par excellence. Reposer encore et toujours les mêmes problématiques avec la même absence de réponse démontre leur insolubilité. Je ne comprends même pas qu’on en cause encore. Depuis le temps, il devrait être admis que la réponse universelle et parfaite n’existe pas. Je cherche toujours l’intérêt d’un débat qui ne peut mener à aucune conclusion.
Et quand je dis débat… hum… Entre des camps clivés à mort, qui n’écoutent pas ceux d’en face, se balancent des caricatures d’arguments, le tout monté en mayonnaise par l’emphase journalistique et l’épidermisme des réseaux sociaux, le débat, il termine très vite DTC. Polémique à fond les ballons, beaucoup de bruit pour rien puisqu’à la fin il ne peut en rester qu’un la baudruche se dégonfle comme tes fesses après une liposuccion.
Pseudo-débat donc rien à foutre.
Vent, blabla, buzz à deux ronds d’un côté comme de l’autre.
M’être penché sur la question aura au moins eu un mérite. Avant je m’en cognais comme pas permis, maintenant je sais pourquoi. Céline est toujours mon auteur préféré pour ses romans et celui que j’exècre le plus pour ses pamphlets. Un génie et un merdeux.
Pour bien faire, je laisse le mot de la fin à l’intéressé, qu’on n’aura pas trop entendu dans cette histoire. Trop occupé à être mort, sans doute.
“Ce monde n’est je vous l’assure qu’une immense entreprise à se foutre du monde !”