Le village des ténèbres – David Coulon

David Coulon, on le connaît grâce à la série TV dérivée d’Un gars, une Fille, dans laquelle il joue avec Jessica Biel, Un Coulon, une Biel. On se souvient aussi de sa récente candidature à la présidence de la République, très coluchienne dans l’esprit. “Coulon ensemble”, ça c’était du slogan – et une promesse facile à tenir. Enfin, il y a six mois, on l’a aperçu traînant ses guêtres dans les parages de ce blog à l’occasion du Noël des auteurs.
Parce que oui, le bonhomme n’est pas que la cible de mes jeux de mots consternants, il est aussi auteur. Et un bon.

Le village des ténèbres
David Coulon
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Couverture Le village des ténèbres David Coulon

Le village des ténèbres… Un titre qui ne paie pas de mine. Je me méfie toujours des trucs “des ténèbres”, “de la mort”, “des ombres” qui neuf fois sur dix relèvent du nanar livresque.
Coup de bol, celui-ci était le dixième. Pavé de 500 pages lu d’une traite, dur de lever le pif et de retrouver la lumière.
Le David aura donc torpillé ce qui s’annonçait comme une grosse nuit de sommeil en l’amputant de moitié. Il m’achève en ne me rendant pas la chronique facile : pas évident de parler de ce roman sans en spoiler tout ou partie.

Alors Le village des ténèbres, c’est l’histoire de… ben l’histoire de toi qui me lis, en train de cliquer sur l’image un peu plus haut pour zyeuter la quatrième. Tant qu’à la retaper de mes petites mimines… C’est donc cette histoire-là.
Une communauté de femmes vit en autarcie dans un coin paumé où les gens ont une fâcheuse tendance à disparaître. Personne n’a l’air vraiment au courant de quoi que ce soit de précis, mais tout le bled chie dans son froc à la seule évocation de ce qui se passe au fin fond de la forêt.
Le récit se positionne quelque part entre les fantaisies triangulo-bermudéennes, la légende des Amazones (les guerrières de la mythologie grecque, pas des vendeuses en ligne) et Le Village de M. Night Shyamalan, avec en arrière-plan du folklore médiéval à base de succube. Là-dessus, tu ajoutes une sauce omerta, une pincée de manœuvre capitaliste et c’est parti pour un tour ! De fil en aiguille viendront se greffer de l’Histoire, des machinations, des manipulations et une giga dose de folie.

Le village des ténèbres est le roman du pétage de plomb, un condensé de démence humaine. Chacun des éléments de ce thriller horrifique résonne dans la réalité, tant dans l’actualité immédiate que dans des événements historiques plus ou moins récents.
Les communautés isolées qui partent en vrille sont légion dans le cinéma d’horreur (La colline a des yeux, Détour mortel, La maison des mille morts…). On en dira autant des expériences de groupe menées IRL, comme celle de Milgram au début des années 60, celle de Stanford en 1971 ou encore la troisième vague en 1967. Dans la série jusqu’au-boutistes perdus entre ignorance et folie, les exemples abondent de soldats japonais qui ont continué la guerre dans leur coin après 1945 en bande ou en solo. Les derniers à avoir “suivi les ordres” (et paumé la moitié de leur santé mentale) ont déposé les armes en 1974… Et si tu préfères les exemples plus proches de nous, pas mal de mouvements sectaires proposent des séjours à la campagne, pour un lavage de cerveau dans un cadre champêtre et bucolique.
En clair, l’être humain possède une faculté à déconner assez phénoménale, suffit de le placer dans la “bonne” situation. Or, chaque personnage du Village des ténèbres est humain. Je te laisse compléter le syllogisme…
Entre tortionnaires qui basculent dans la démence sadique et victimes qui se réfugient dans un monde d’hallucinations pour se protéger, personne n’a les yeux en face des trous. Note que la plupart ne sont pas aidés et que ce roman pose souvent au lecteur la question du choix, l’éternel “comment j’aurais réagi ?”. Très pertinent ici. Idem la question globale : jusqu’où peut-on aller pour la “bonne cause” ?

Le village des ténèbres, ce n’est pas que du psychologique, y a de l’action, comme dirait San-Antonio, avec un côté survival très marqué. Le roman est riche de péripéties, rebondissements, scènes marquantes et révélations. Dans un premier temps, on sent bien où l’auteur veut nous emmener : au sein (c’est le cas de le dire) de cette communauté de recluses. Prévisible ? Là oui, mais faut bien pour entrer dans le vif du sujet. Et après, t’inquiète, quand on s’enfonce dans l’horreur, on ne sait plus où on va. Attention, l’auteur ne se livre pas à du n’importe quoi confus et incohérent, il te balade, certes, mais dans un récit construit.
Bien écrit en plus, le récit, dans un style propre, efficace et précis. Très rythmé grâce à des chapitres courts et percutants. Peu de temps morts : même quand un personnage s’embarque dans une longue explication, on reste accroché au texte. Les longueurs sont rarissimes – je pense aux discours de Ma’ qui ont tendance à se répéter et à ne pas dire grand-chose qui ne soit déjà expliqué par ailleurs. Ce petit point mis à part, la quasi-totalité des cinq cents pages scotchent et faut lutter pour poser le bouquin en route. Moi, j’ai perdu et tout lu sans m’arrêter. David 1, Goliath Fred 0.

Roman noir et glauque, Le village des ténèbres propose une virée pas piquée des vers au pays des cinglés. Mais les pires là-dedans, ce sont encore les gens sains d’esprit.
Pas déçu du voyage, je compte remettre le couvert avec d’autres bouquins du père Coulon.

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