Trick’r Treat est une curiosité du circuit de distribution. Tourné en 2007, ce film passe les deux années qui suivent à faire le tour des festivals de cinéma sans trouver de distributeur. Pour le moins étrange avec un nom qui aide un peu – Bryan “Usual Suspects” Singer – comme producteur et un accueil critique positif lors des projections festivalières. Là où des bouses finies auront trouvé le chemin des salles obscures, Trick’r Treat devra se contenter d’une sortie DVD en 2009.
Alors c’est quoi ce Trick’r Treat ? Un film d’horreur qui se passe pendant la nuit d’Halloween. La narration est non-linéaire, avec différents segments racontant chacun leur petite histoire pour former un tout qui prend son sens à la fin. C’est un peu Les Contes de la Crypte mais avec en plus du liant entre les épisodes.
Un film d’horreur inventif, ça faisait un bail que je n’en avais plus vu ! Enfin, inventif, n’allons pas jusque là. Le concept du film à sketches a déjà été utilisé moult fois et le cadre de la nuit d’Halloween encore plus. Donc quelque part, rien de nouveau sous le soleil la pleine lune. Mais Trick’r Treat a la gros avantage de se démarquer dans le genre. Déjà, point de slasher convenu ou de resucée de La Nuit des Masques de John Carpenter. Surtout, on tient là vrai bijou de construction scénaristique. Et c’est bien dommage qu’il n’ait pas bénéficié d’une sortie sur grand écran. Trick’r Treat est le genre de film qui aurait permis à l’horreur de se débarrasser de l’étiquette “sous-genre crétin pour public décérébré”.
Quatre histoires (plus une intro et une conclusion, comme une bonne dissert’) dont les éléments se croisent au propre comme au figuré. Le jeu consiste à repérer les détails qui les relient les unes aux autres au-delà de la figure récurrente de Sam, fils improbable d’un épouvantail et d’une citrouille. Quelque part entre Pulp Fiction, Usual Suspects, Creepshow et Les Contes de la Crypte. C’est très bien foutu. L’excellence des décors et de la photographie créent une vraie ambiance qui rend aussi bien l’aspect festif d’Halloween que le Côté Obscur. L’abondance de références (contes, films) est un vrai régal sans tomber dans le défaut tarantinesque de l’étalage autocélébratoire estampillé “regardez l’étendue de ma culture”.
Film parfait alors ? Eh non. Si l’habillage et la construction brillent comme le reflet de la lune sur la lame du tueur masqué qui se tient juste derrière vous, le contenu pèche un peu. En soi, les histoires racontées restent classiques, prévisibles dans leur dénouement. Chacune fonctionnant avec les mêmes ficelles que Les Contes de la Crypte, dès lors qu’on en a vu un paquet comme c’est mon cas, suspense et révélations tombent à plat.
Beaucoup d’éléments renvoient à la célébration de l’Halloween américain, donc parlants pour le public indigène et moins pour le spectateur étranger. Le personnage de Sam fait écho à la fête celtique originelle, mais on en sait trop peu sur lui. Faut deviner tout seul que son prénom est une version raccourcie de Samain. Il a pour fonction de rappeler la tradition à ceux qui ne la respectent pas. Sauf que règles et tradition sont à peine explicitées et à la va-vite quand c’est le cas. Se déguiser, d’accord. Mais pourquoi ? Réponse dans Supernatural saison 4 épisode 7. Comment le déguisement en créatures monstrueuse en est arrivé à des Blanche-Neige, Superman et infirmières sexy en latex ? Mystère. Jack-O’-Lantern, les citrouilles et pourquoi on ne doit pas éteindre les bougies avant minuit ? On sait pas. “Parce que ça porte malheur”, j’appelle pas ça une explication. Le racket institutionnalisé à base de “trick or treat aboule les bonbons ou je te colle une boule de feu dans les gencives” ? Le cœur du film – au point d’en constituer le titre ! – aurait gagné à développer la notion d’offrande propitiatoire et de prophylaxie.
Bref, suivre des règles qui ne sont jamais expliquées, c’est quand même pas simple. Alors certes, quelque part, cette absence renvoie à une réalité : aujourd’hui, la plupart des gens qui célèbrent Halloween n’ont aucune idée du sens originel des symboles et traditions associés à cette fête. Mais aller jusqu’à en faire l’économie totale, c’était excessif. Un film sur les règles d’Halloween, à un moment, il faut les énoncer.
Au final, excellent exercice de style, avec un léger bémol sur le fond qui n’a pas la profondeur de la forme.