Les premiers mots de cette histoire furent “salut amigo”. Ouille ! Déjà, le gars bibi no babar español, autant dire que la conversation s’annonçait comme un dialogue de sourds. Ou de muets plutôt. Et cette voix…
Patrick Mc Spare.
Notre dernière rencontre en date devait être l’occasion d’une interview pépère avec Harley King. Ouais, pépère, on en recausera… Ou non, tiens, vaut mieux taire cet épisode. Disons juste que depuis ce jour, Palm Springs ressemble à l’Alsaka de Terrain Miné après le passage de Steven Seagal. Un grand trou au beau milieu de la Californie. Entre nous, on en rigole encore avec Patrick, les locaux moins.
Or donc le gars Patrick me parle d’un voyage interdimensionnel dans une réalité alternative de dark fantasy post-apocalyptique. Dark et post-apo, ça sentait moyen le voyage d’agrément et les vacances reposantes. Il me dit de pas m’inquiéter, que c’est du jeunesse, que ça s’appelle Totem Tom, un nom rigolo, comme une visite au palais des T si cher à Lipton.
Convaincu par sa bonhomie, je me laisse embarquer. Une fois à destination, je lui demande le nom de ce patelin “rieur” où on vient de débouler.
Necropolis.
Tout un programme…
Totem Tom
T.1 Necropolis
Patrick McSpare
Gulf stream
Quatrième :
Tom, adolescent de l’East End de Londres, se retrouve sur une terre ravagée et désolée. Cauchemar… ou réalité ? Ce paysage apocalyptique lui semble inconcevable, mais les cavaliers noirs qui le prennent en chasse sont pourtant faits de chair et d’os. Trop de questions sans réponses se bousculent dans sa tête. Doit-il se fier à ce mystérieux Styx, et à sa bande d’adolescents armés jusqu’aux dents l’emmènent sur leurs véhicules de métal hurlant ? Quels secrets cache cette ville en ruine subissant le joug d’un monstre terrifiant ? Qu’est-ce qui a conduit Tom sur la “terre des morts” ? Entre rythme d’enfer et révélations, accompagné de la belle Aystri, de Tristan et de Ghul, Tom doit accomplir une périlleuse mission qui lui révèlera la vérité sur ses origines.
Totem Tom, c’est d’abord un univers et une ambiance. Dans un monde ravagé, les démons ont pris le contrôle de la planète et quelques irréductibles résistent encore et toujours à l’envahisseur. À l’arrivée, on se retrouve avec une combinaison de post-apo et de dark fantasy, genre de virée à la Maximilian Rockatansky sur fond de mythologie celtique. J’aime bien l’idée. Une apocalypse mythique, c’est pas nouveau, on pense à saint Jean et ses Révélations ou au Ragnarök’n’roll germano-scandinave. Mais justement, ces récits datent un peu. Quant au récent, il tourne souvent autour de catastrophes sans lien avec la fantasy. Dézinguer la Terre à coups d’aliens, d’hiver nucléaire, de zombies, de désastre écologique, de pandémie, vu et revu, lu et relu, voire vécu et revécu pour les deux derniers. Fi de la panoplie classique, ici, ce sont les Fomoré qui s’y collent. Ces Fomoré si chers à Mc Spare, puisqu’on les a croisés dans des sagas comme Les Haut Conteurs et Les Héritiers de l’Aube, jusqu’à Harley King où ils sont mentionnés au détour d’un paragraphe. Totem Tom se pose d’ailleurs en héritier des Héritiers. En effet (du logis), certains personnages présents dans la série “de l’Aube” reviennent dans cette trilogie marquée par le crépuscule, à commencer par le fameux Tom.
D’une certaine façon, Totem Tom forme le nœud où se rejoignent pas mal de titres de la biblio de Mc Spare. Le concept, auquel s’ajoute l’ambiance dark, en fait un peu sa Tour sombre à lui. D’ailleurs, quand on y réfléchit bien… Comme Superman et Clark Kent, personne n’a jamais vu Stephen King et Patrick Mc Spare ensemble dans la même cabine téléphonique. Piètres camouflages, les lunettes de l’un et la tignasse ébouriffée de l’autre ne trompent personne : les deux cocos se ressemblent comme deux gouttes d’eau. En tout cas, moi, si je retire mes lorgnons, leurs photos mises côte à côte deviennent deux taches floues identiques à 100%. Stephen Spare et Patrick Mc King sont LA MÊME PERSONNE !
Après cette démonstration aussi brillante qu’irréfutable, revenons-en à nos moutons et à nos totems.
Comme sur un plateau de cinéma, le maître mot de Necropolis est “action”. De l’action, il y a en à foison avec un déluge d’aventures non-stop du début à la fin. Du ciné aussi, tant pour la mise en scène très visuelle que pour les clins d’œil. On pense bien sûr à Mad Max pour l’atmosphère de fin du monde, les véhicules customisés ou encore la bande d’ados qui ne dépareillerait pas dans Au-delà du dôme du tonnerre.
Hors grand écran, les références – qui dépassent ce simple statut pour devenir des éléments constitutifs de l’univers – vont des Tuatha dé Danann à Jack l’Éventreur en passant par Merlin, avec en prime un parfum de Lovecraft. Autant dire du bouquin riche comme j’aime ! Avec pour résultat un croisement quasi-total des genres, entre mythologie, fantasy, post-apo, anticipation, aventure, western, épouvante (dans les limites d’un roman jeunesse, on ne parle pas d’horreur gore), voyage dans le temps, éléments historiques… Pari fou, très risqué, qui aurait pu virer à l’infâme gloubiboulga à vouloir mélanger trop d’ingrédients. Mais l’ensemble fonctionne et on a vite fait de se laisser embarquer dans ce voyage improbable… et d’arriver à la dernière page.
L’histoire reste à suivre avec beaucoup de questions sans réponse, mais rien que de très logique : si c’est pour cramer toutes ses munitions dès le premier tome, autant écrire un unitaire, pas une série. On referme le roman sur un “oh le [juron au choix du lecteur] !”, la dernière phrase posant un méga cliffhanger de la mort qui tue. Je ne suis pas fan des cliffhangers, mais bon, Totem Tom a été annoncé d’emblée comme une trilogie, le procédé se justifie pour accrocher le lecteur et le pousser à enchaîner sur le tome 2.
Necropolis pose de solides bases pour démarrer la trilogie sur les chapeaux de roue. L’univers est original, le mélange des genres fonctionne, pile ce que j’attendais de cette lecture, qui m’a donné envie de poursuivre l’aventure avec Tom dans le volume suivant, Ex nihilo (z’enfants – référence que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître).