Le pitch : une Américaine blonde et conne débarque dans une maison hantée au Japon.
Mon avis : ce film est Guizmo. Caca.
De quel Grudge parle-t-on au fait ? Oui, parce qu’en réalité, il y en a un paquet.
À l’origine, deux courts-métrages de 1998, 片隅 (Katasumi, litt. “dans un coin”) et 4444444444, que Shimizu Takashi considère comme les fondements de la franchise. En 2000, il sort en vidéo 呪怨 (Ju-on) et 呪怨 2 (Ju-on 2). On traduira ces titres par “malédiction” faute de mieux, parce que “la malédiction avec une connotation de rancune et de vengeance”, ça fait un peu long. Surfant sur la vague Ring, les deux films cartonnent au point qu’un troisième opus intitulé 呪怨 aussi voit le jour en 2003, cette fois au cinéma. Sa suite 呪怨 2 sort quelques mois plus tard. En 2009, s’ajoutent deux spin-off, 呪怨 白い老女 (Ju-on: Shiroi Rōjo, litt. “la vieille femme blanche) et 呪怨 黒い少女 (Ju-on: Kuroi Shōjo, litt. “la jeune fille noire). La saga est rebootée en 2014 avec 終わりの始まり (Ju-on: Owari no Hajimari, litt. “le début de la fin”) et sa suite l’année d’après 呪怨 -ザ・ファイナル- (Ju-on -Za Fainaru-, litt. “la fin”). En 2016, la franchise Ju-on rencontre celle de Ring dans le cross-over 貞子 vs 伽椰子 (Sadako bāsasu Kayako, litt. “Sadako contre Kayako). Voilà pour le versant nippon de la chose.
En cours de route, les Américains ont flairé le filon et décident de pondre un remake en 2004 sous le titre The Grudge (litt. “la rancune”). Cette daube aura droit à deux suites, une sur grand écran en 2006 et l’autre en vidéo en 2009, intitulées avec sobriété The Grudge 2 et The Grudge 3. En 2020 sort en DTV The Grudge, annoncé comme un reboot du remake de 2004 mais en fait non mais un peu quand même, ce machin hybride étant à la fois une suite, une préquelle, un spin-off et un remake du remake. La même année, Netflix diffuse la série JU-ON: Origins, dont le statut de préquelle est explicite à travers le titre.
Treize films et une série pour la franchise. Ou comment pondre, avec un seul titre (deux, si on compte la traduction américaine de 呪怨) quatorze fois la même histoire.
Aujourd’hui, il sera question du The Grudge de 2004, remake américain du 呪怨 de 2000. Pour une fois, plutôt qu’un vague tâcheron hollywoodien, les studios ont fait appel au maître d’œuvre original : Shimizu Takashi.
Il n’empêche que ce film est une erreur. Déjà, parce qu’en temps que remake, c’est du réchauffé. Américanisé en plus, c’est insipide. En plus, quand The Grudge sort, il a un train de retard sur Ring (1998), Dark Water (2002) et tout un tas de Ring-likes plus ou moins inspirés. Sans compter avant ça un paquet de films qui, sur des histoires différentes, présente ce même revenant (cf. par exemple la vogue des films sur Hanako-san dans la deuxième moitié des années 90). Bref, le yurei, ce fantôme aux cheveux d’encre et au teint de lait caillé a été vu, revu, rerevu et on n’en peut plus. The Grudge arrive trop tard.
Et en plus, il est mal foutu.
La pire idée de toutes, c’est d’avoir tenté l’hybridation en transposant des Américains au Japon plutôt que situer le remake aux States. Parce que là, mes aïeux, c’est la catastrophe culturelle !
La culture japonaise est ravalée au rang de couleur locale pittoresque. Cf. la scène de voyeurisme des Yankees dans le cimetière où un couple nippon rend hommage à un défunt : y plane tout le long une ambiance “ils sont bizarres, ces gens-là”.
Pour un film censé jouer la carte de l’exotisme, le cadre est à peine exploité. Tokyo n’est qu’un vague décor d’arrière-plan, les Japonais sont quasi absents d’un film censé se dérouler sur leur sol. Ne reste que les Américains, ce qui donne une teinte lambda à ce film, pareil à n’importe quel autre métrage d’horreur ricain. L’œuvre est d’une fadeur abyssale à l’image de son interprète principale (c’est une actrice ?). Sarah Michelle Gellar, comme à l’accoutumée, se révèle moins expressive qu’un sushi.
Ennuyeux, peu inspiré, pas effrayant, bancal, incapable d’exploiter le moindre bout d’idée, indigeste, indigent, indigne, ce film est un gros navet tout nase.