SFFF, y voir plus clair… ou pas
Précision liminaire, cette série d’articles sur la SFFF n’est qu’une somme de remarques en vrac sur le thème de l’imaginaire, pas une thèse rigoureuse avec un plan carré en vingt-sept sous-parties. Des pistes de réflexion, pas de vérités absolues, je suis toujours parti du principe que l’imaginaire était un domaine mouvant et libre, pas le royaume du “il faut”, “on doit”, “c’est comme ça qu’on fait/pense/dit et pas autrement”.
(Pour dissiper toute ambiguïté, précisons aussi qu’il sera question de littérature de genre, pas de la Société française de fist-fucking.)
La littérature de genre, j’en avais causé à propos du Sharko de Franck Thilliez. C’est une littérature que j’adore, une grosse partie de ma bibliothèque est consacrée à la science-fiction, au polar, à la fantasy, au fantastique, au thriller, à l’érotisme…
Plus le temps passe, plus la notion me casse les bonbons. “De genre”, l’art de reconnaître une spécificité tout en rejetant les intéressés hors de la littérature tout court, la grande, celle avec la majuscule. Note que côté genre, la contradiction a encore de beaux jours devant elle aussi. Combien d’auteurs se sentent frustrés, ostracisés, marginalisés… tout en revendiquant “je ne fais pas de la littérature, je fais du [nom du genre]”.
Tout ce qui est “de genre” porte cette contradiction, constitutive des contre-cultures. Même si la littérature de genre appartient à la culture de masse vu l’ampleur de son audience, elle reste une contre-culture dans son opposition à une vision élitiste des lettres telle que définie par une intelligentsia snobinarde, une poignée d’auteurs et universitaires coincés de la rondelle.
Sujet de réflexion qui déborde des bouquins (le cinéma de genre, même combat), sujet de discussion récurrent dans les salons du livre, où je me lance souvent dans une comparaison avec le metal. Parce que sur ce versant de la musique, la problématique est identique (tic-tic).
Ce n’est pas en forgeant qu’on devient métalleux
Au-delà de l’analogie bien pratique, le metal a le bon goût de cadrer pile avec le sujet. En témoignent moult jaquettes de disques très marquées horreur-épouvante-fantastique et des sources d’inspiration pour partie issues de la littérature SFFF (mythe de Cthulhu, Elric, Conan…).
Des gars et des nénettes qui revendiquent de faire comme les autres, de la musique, de la vraie, pas du bruit décérébré. Mais en même temps, non, pas comme les autres, parce que musique extrême, donc à part. Contradictoire assumée, avec autant d’ouverture que de repli : “acceptez-nous comme on est et allez tous vous faire foutre”.
La trajectoire de certains groupes est magique. Passé un certain seuil d’audience, ta production se voit considérée comme commerciale, trop mainstream, plus assez underground. Pourtant, tu joues la même chose… Faut donc que ça marche mais pas trop.
Parmi le public, on trouvera une petite minorité élitiste de puristes autoproclamés, qui décide de ce qui est metal ou pas, glop ou caca boudin… soit exactement le même travers que certains du camp d’en face, qui proclament que le metal n’est pas de la musique.
Là-dessus, si tu as envie de te prendre le chou, amuse-toi à dresser un tableau-graphique-organigramme des sous-genres du metal. Nan, je déconne, ne t’aventure surtout pas là-dedans, malheureux, tu vas mourir ! Le foisonnement est tel qu’il confine au délire. Au bout d’un moment, faut arrêter de vouloir coller des étiquettes partout. En plus des étiquettes si pointues qu’elles finissent par recouvrir un nombre d’œuvres trop restreint pour prétendre à former un genre. Un minimum de volume est requis pour représenter quelque chose, sinon la notion de genre ne rime plus à rien. Ça en arrive même au point où tu tombes sur des groupes dont le genre musical est, je te le donne en mille, [nom-du-groupe]-metal. Leur style, c’est donc de jouer du eux-mêmes. Ok, merci de l’info, ça m’avance beaucoup.
En SFFF, pareil, tu trouveras les mêmes puristes pour te parler de la “vraie” SF, guerroyer entre fans de Star Wars et de Star Trek, balancer sur un ton catégorique que telle branche de la fantasy c’est ça et pas autre chose, encenser un bouquin sorti en douze exemplaires photocopiés par l’auteur avant de le descendre sitôt qu’il rentre dans le circuit de l’édition traditionnel…
Sur le point du classement, la parallèle vaut pour la fantasy qui multiplie à l’envi les subdivisions. Le résultat diffère un peu – au lieu d’avoir un sous-genre par titre ou auteur, chaque œuvre peut se caser dans au moins trois sous-genres – mais l’idée globale du surétiquetage est identique.
Metal et SFFF, la même folie douce engendrée par une totale liberté d’imagination… et la même folie furieuse quand on s’aventure dans le débile.
Or donc, la SFFF. Branche du “de genre” relevant de l’imaginaire, elle couvre la science-fiction, le fantastique et la fantasy.
En principe, je suis censé commencer par définir les trois genres. Je m’en garderai bien. Depuis des millénaires qu’on écrit, on n’a jamais été foutu de pondre une définition de la littérature en général. Ou alors si, mais elle change à chaque siècle. Autant dire que les genres particuliers, je ne vois pas trop comment on pourrait les catégoriser clairement sur une base aussi branlante. Personne n’est d’accord sur les définitions… parce que personne n’est capable d’en donner qui soient claires et absolues. Normal, les genres évoluent. Toute définition ne vaut qu’à l’instant T qu’elle prend en compte. “Prétendre donner une définition d’un genre, même d’un point de vue théorique, c’est présenter comme unique un instantané de la production d’une époque donnée, quand celle-ci a déjà été tamisée par le temps.” (Christian Vandendorpe, Pouvoirs du héros et rationalité dans le fantastique et la science-fiction)
En route pour ce joyeux bordel…
Le bric-à-brac de l’imaginaire :
SFFF (2) Science-friction ;
SFFF (3) Plastique fantastique ;
SFFF (4) Fantasy.