Quand j’avais parlé de reprendre la peinture, je m’inquiétais pas trop du matériau de base, à savoir les figurines, vu que j’en ai encore un pacson hérité de mes vertes années. Côté peinture, la situation se présentait plutôt pas mal, mon frère m’ayant refilé une cinquantaine de pots. Sauf que ça s’est pas tout à fait passé comme prévu…
La quête démarre sous de bons auspices : dans un premier temps, je remets la main chez ma mère sur quelques pots Citadel, les tout premiers que j’avais achetés à la fin du siècle dernier (parmi lesquels l’orange et le blanc sur la photo ci-dessus). Déjà à l’époque, Games Workshop avait la manie de changer des trucs dans sa gamme sans qu’on sache trop pourquoi ni ce que cette nouveauté pouvait bien apporter de révolutionnaire. Les pots ronds des années 80 sont devenus hexagonaux la décennie suivante. Tout change, rien ne change… ‘Fin bon, cette demi-douzaine de rescapés des temps jadis était dans un parfait état de conservation, stockée à l’abri de la lumière, de la chaleur, du froid, de l’humidité, de la sécheresse, de l’air, des zombies… Les pots d’antan fermaient hermétiquement, ceci explique cela.
On n’en dira pas autant de la gamme qui a suivi (1998-2012). Des pots plus petits, plus larges, qui restent hexagonaux, forme très wargame classique dans l’esprit (mais dépourvue de sens pour Warhammer Battle et 40K qui n’utilisent pas d’hexagones). Les pots de mon frangin sont issus de cette gamme. Ils étaient tous secs. L’âge a pu jouer, mais pas que, mes pots antérieurs ayant, eux, survécu sans encombre. La charnière à l’arrière du couvercle est loin de représenter le top en matière d’hermétisme, ça n’a pas dû aider. M’est avis qu’il a dû aussi y avoir un problème de stockage. Parce secs, TOUS, ça fait beaucoup quand même pour une cinquantaine de pots, y compris des neufs jamais ouverts. Z’ont dû être gardés trop longtemps trop près d’un radiateur, vu l’uniformité de dessèchement du lot. Certains présentaient même des craquelures comme une terre aride au fin fond du Sahel !
Deux, trois pots, je les aurais balancés et rachetés. Une cinquantaine, ça faisait mal au cul (et au portefeuille). J’ai donc farfouillé sur le Net et potassé tous les tutos sur le sujet avant de me lancer dans une opération sauvetage de la dernière chance.
J’ai d’abord tenté avec de l’eau (qui est pour rappel un des composants principaux de la peinture acrylique). Sans surprise, ça n’a rien changé. L’astuce ne marche que pour des peintures qui en sont au tout premier stade de séchage, quand elles deviennent un peu plus épaisses qu’elles ne devraient.
Deuxième essai, le médium, dans un pot seul, dans un autre combiné avec de l’eau. Pas mieux. Cette méthode fonctionne quand la peinture devient visqueuse voire pâteuse mais pas au-delà.
Je suis donc passé à l’artillerie lourde : l’alcool isopropylique. Pour ceux qui se poseraient la question, c’est pas parce que c’est de l’alcool que ça marche avec tous les alcools. Avec de la picole (alcool éthylique), vous obtiendrez zéro résultat, n’espérez pas raviver vos acryliques moribonds à coups de pastis. L’isotruc a le mérite de ne pas coûter cher – j’ai eu un litre pour 7 balles sur Amazon – mais le gros défaut d’être très volatil, très inflammable, glacial au toucher et de schlinguer comme pas permis. Autant dire pièce aérée, gants et masque de rigueur pour manipuler le produit. J’ai testé pur et combiné à 50/50 avec de l’eau.
D’après les tutos, on en met à la goutte. Vu l’état de mes pots, j’ai dû y aller à la giclée.
D’après les tutos, le produit agit en quelques minutes. Perso, dans les cinq minutes, la mixture en était toujours au même point. Un mois après aussi. Si vous vous attendez à ce que l’alcool dissolve gentiment le bloc de pigments pour donner un liquide homogène, vous risquez d’attendre longtemps.
D’après les tutos, quand le produit commence à agir, t’as plus qu’à secouer pendant cinq minutes et le plus gros du travail sera fait. Non. En tout cas, pas avec des peintures dans l’état des miennes. Un quart d’heure à agiter le pot avec pour seul résultat d’avoir mal au bras.
D’après les tutos, quand le produit commence à agir (bis), à défaut de secouer, si ça suffit pas, faut touiller avec un cure-dents. Bah moi, quand j’ai essayé de planter un cure-dents, il s’est pété. J’ai dû baratter avec un vieux Bic. Et au lieu des cinq minutes à malaxer, on tournait plutôt entre quinze et trente.
Bilan des courses : un bide.
Certains pots – un quart environ – sont HS pour de bon. Les plus arides, ceux qu’étaient craquelés, où les pigments formaient un bloc à la fois compact et caoutchouteux. Tu peux bien agiter ta touillette pendant une heure, tout ce que tu obtiens, c’est une flotte colorée pleine de petites particules qui surnagent, pas utilisable sur une fig même en lavis sous peine de la saloper, un paquet de grumeaux glaireux, et l’essentiel des pigments qui forment toujours un agglomérat type chewing-gum bon pour la poubelle.
Les trois quarts des pots, je suis parvenu à obtenir quelque chose qui ressemble à de la peinture niveau consistance, fluidité, pouvoir couvrant… mais avec le même problème de mini agrégats de pigments. Même en secouant comme un dératé et en touillant comme un forcené pendant des plombes, il reste plus ou moins de résidus. Peut-être qu’on pourrait les filtrer avec une passoire à thé, mais bon, même en virant le plus gros, m’est avis qu’il s’en trouverait toujours pour passer à travers les mailles du filet.
Alors ça fait chier, mais étant donné l’état des pots au départ, j’espérais pas un miracle non plus.
Pas le flop absolu, cela dit.
J’ai gardé les pots et ils finiront quand même par servir. Pour du soclage. Sur de la pâte texturée, du sable, du gravier, les bouloches de pigments se confondent dans la masse, ni vu ni connu. L’astuce permet de recycler ces peintures du temps jadis sans taper dans les beaux pots tout neufs que j’ai dû racheter (à savoir la gamme en cours depuis 2012, avec des pots qui sont aux mêmes dimensions que leurs prédécesseurs mais à nouveau arrondis comme dans les années 80, pourvus d’un couvercle encore plus merdique, parce que bombé, ce qui rend l’empilement casse-gueule, et un changement complet de la nomenclature des couleurs avec des noms encore plus à coucher dehors et moins parlants que jamais).
Sauvetage foireux pour les figurines et le porte-monnaie, donc, mais comme on pourra en faire quelque chose pour les socles, tout n’est pas perdu.