Oh que j’avais peur de voir ce film !
Le thème du rapt d’enfants, je ne suis pas fan. Pas que le sujet me mette mal à l’aise, je déteste les gosses. Juste que neuf fois sur dix, on tombe dans le pathos à outrance, les passages tire-larmes appuyés, les scènes déchirantes vues et revues. Bref, le thème rêvé pour donner dans les facilités d’écriture et de mise en scène.
Bonne nouvelle, Prisoners fait preuve une grande retenue. Et une grande retenue implique une grande responsabilité force. De pathos outrancier point. Gravité, tension, douleur, on trouve tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un thème pareil, mais le trait n’est jamais forcé et le ton sonne juste. Beaucoup de choses ne sont pas montrées, parce que la seule suggestion suffit dès lors qu’on sait jouer sur la mise en scène. Hors champ, ombres, bruits, évocation verbale, Denis Villeneuve utilise toute la panoplie du “comment dire quelque chose sans le faire apparaître crûment ?” et ça marche. Au lieu d’un tape-à-l’œil outrancier, on y gagne une ambiance, une réelle tension dramatique. De ce fait, je n’ai pas vu le temps passer, pas mal pour un film aussi long (deux heures et demie quand même, le machin). À plus forte raison avec un rythme assez lent (mais pas ennuyeux) sans tomber dans les facilités habituelles pour réveiller le spectateur (pan-pan la fusillade, boum l’explosion, tagada la poursuite endiablée, pouet-pouet le plan nichons…).
Le film esquive les écueils scénaristiques faciles sur lesquels je ne vais pas m’étendre sous peine de spoiler comme un furieux. Disons que ce n’est pas juste une énième histoire de pédophile sur l’air de “si on pondait un scénar cliché sur un sujet d’actualité”. Il y a une excellente écriture derrière.
La fin, je veux dire la toute fin de la dernière minute du film, peut sembler abrupte, limite tronquée. Mais de mon point de vue, Denis Villeneuve a eu raison de s’arrêter pile à cet instant. Il aurait montré quoi de plus ? Rien qu’on ne devine. Bien foutu en plus ce final avec le jeu sur les lumières qui s’éteignent une à une jusqu’à ce que… Une dernière dose de suspens bienvenue.
Rien à redire sur l’interprétation de Jake Gyllenhaal et encore moins sur celle de Hugh Jackman. Comme quoi tout arrive et le gars Hugh, qui depuis des années me courait sur le haricot en Wolverine, a grimpé en flèche dans mon estime. D’autant que j’ai appris qu’il avait tourné il y a quelques années dans une pub pour la bière Asahi : un type qui se vend aux Japonais ne peut pas être foncièrement mauvais.