Il porte des lunettes d’intello, des tatouages de biker et, en bandoulière, un sacré sens de l’humour. Il est aussi romancier, on lui doit Été pourri à Melun Plage (collection Parabellum de L’Atelier Mosésu).
Son nom n’est ni Bond-James-Bond ni Légion.
Voici Nicolas Duplessier.
Un K à part – Présente-toi en quelques mots, ainsi que ton parcours d’auteur. Qui est Nicolas Duplessier ? Qu’est-ce qui l’a amené à écrire et à publier ? Et pourquoi je parle de lui à la troisième personne ? (La dernière, t’es pas obligé de répondre.)
Nicolas Duplessier – Nicolas Duplessier est un type peu fréquentable, voilà ce que j’ai à dire. Blague à part, c’est ma passion pour le cinéma qui m’a tourné vers l’écriture. Mon rêve d’ado était de devenir réalisateur (rien que ça !) puis, plus tard, écrivain de cinéma. Comme je n’avais aucune adresse de producteur de cinéma et que, de toute façon, il n’allait pas lire mon scenario, j’ai décidé de faire un livre. L’idée est simple : je fais un best-seller, le producteur est impressionné, achète les droits et j’adapte mon propre bouquin. Concernant le fait que tu parles de moi à la troisième personne, je pense que cela vient du fait que tu es un grand malade.
K – Après ta vie, ton œuvre. Question que je ne poserais pas à Balzac, moitié parce qu’il a été hyper prolifique, moitié parce qu’il est mort et que je ne suis pas spirite. Avec toi, un seul roman, on devrait voir le bout de la réponse avant la nuit. Parle-nous d’Été pourri à Melun Plage.
ND – J’aime les romans réalistes avec un chouïa de critique sociale. J’aime les auteurs comme Harry Crews, Ellroy, Ken Brunen, Lawrence Block ou encore Robin Cook ou Goodis. J’aime le cinéma, apprécie, comme un bon whisky, le travail de cinéastes comme Guillaume Nicloux, Éric Valette ou Julien Leclercq.
Ça n’engage que moi, mais je pense qu’Été pourri à Melun plage est un polar dans la veine du hard-boiled américain. Un bon vieux polar “sans flic”, comme j’aime dans le cinéma ou la littérature. D’ailleurs, dans mon travail d’écriture, que ce soit pour ce roman, pour le prochain ou pour les nouvelles que je suis en train d’écrire, j’ai plaisir à “citer” mes références. Par exemple, si j’écris une scène de baston, je vois Charles Bronson dans Le justicier de New-York, alors j’essaye de retranscrire ça en images, si je dois me documenter sur un sujet, je ne vais pas uniquement sur Wikipedia, si je dois écrire une scène hot, je me documente sur YouPorn. J’aime aller au fond des choses.
Pour revenir à Été pourri à Melun plage, le bouquin est sorti il y a plus de six mois et j’ai l’impression que ça fait des années. C’est assez curieux la relation que j’ai avec ce livre – je ne sais pas si cela fait la même chose pour tous les auteurs – mais j’ai l’impression qu’il n’est plus à moi. Son écriture m’a accompagné pendant des années, j’y pensais tout le temps et maintenant, je le regarde comme on regarde un vieux pote que l’on n’aurait pas vu depuis des lustres. “Ah oui salut, ça va bon allez on se fait une bouffe à l’occase” (tout en sachant tous les deux que cela n’arrivera jamais).
K – J’interviewais tantôt Marc Falvo sur D’occase, l’histoire d’un mec qui vient de sortir un livre et découvre à quoi ressemble le quotidien d’un auteur publié. Depuis la sortie de ton roman, tu as assuré pas mal de salons et de dédicaces. Verdict ? Ça correspondait à ce que tu imaginais de l’envers du décor ? La rencontre avec le public, ça représente quoi pour toi ? (Question bête, on n’a jamais vu un auteur se tirer une balle dans le pied en disant que c’était une corvée de se coltiner des pignoufs chaque week-end.)
ND – J’étais au restaurant vendredi soir et rôdais autour du buffet chinois quand j’ai entendu une fille dire à sa copine “tu as vu ? c’est Nicolas Duplessier, c’est un auteur”.
C’est sympa même si ça manque quand même de groupies dans ma fan base.
J’aurais dû choisir Led Zeppelin comme métier.
Et j’attends toujours le coup de fil d’un producteur pour m’acheter les droits !
K – Il y a quelque temps déjà, tu évoquais sur ta page Facebook l’envie folle d’une adaptation avec Guillaume Canet dans le rôle de Florian ou à la réa. Quand j’avais chroniqué ton bouquin, j’avais parlé d’une patte tarantinesque sur certaines scènes. Pour le Noël des auteurs, tu m’avais sorti un papier qui démarrait sur la tradition du film en famille. Tu ne serais pas un tout petit peu drogué de cinéma ?
ND – J’entretiens une relation particulière avec le cinéma. Si je te disais le dernier film que j’ai vu DANS un cinéma, tu pourrais être surpris. En fait, hormis quelques films “récents” – c’est-à-dire sortis dans les dix dernières années – je suis resté bloqué dans les années 90. Tout ce que j’aime date de cette époque, de mes années lycée où j’allais au cinéma chaque mercredi après-midi, des années Vidéo Futur où chaque week-end je louais deux ou trois films. Pour te donner une idée de mes goûts, si je liste les films que j’ai regardés, sur les quinze derniers, voilà ce qu’il en ressort : La manière forte avec Michael J. Fox et James Woods, Lost Highway, deux Harry Callahan (The Enforcer et The Dead Pool) et un film récent, Detour de Christopher Smith.
K – Tant qu’on en est à parler images qui bougent, tu as une chaîne YouTube. Voilà l’occasion de présenter ce versant de tes activités et d’en faire la pub, lâche-toi (enfin pas trop, y a des gens qui nous regardent).
ND – J’aime lire et donner mon avis. Mes enfants sont ados et passent plus de temps sur YouTube qu’à regarder la télé (ou faire leurs devoirs d’ailleurs) et ce sont eux qui m’ont donné l’idée de faire ma chaîne.
J’essaye de faire un truc original et de sortir des petites vidéos régulierement.
C’est du taf !
K – Alors ça fait quelques mois maintenant que ton roman est sorti, il est temps d’arriver à la question fatidique du “prochain bouquin”. Qui ? Ah ben non, ça on a la réponse, on sait que c’est toi. C’en est où ? De quoi ça parlera ?
ND – Je bosse sur ce second roman depuis 2015 et pense en être à 70% de l’écriture. Cela prend du temps à mûrir. Les premières idées me sont venues en regardant le film Double Indemnity de Billy Wilder et à partir de là j’ai développé un début d’intrigue. Toutefois ce point de départ ne fait pas un polar alors j’attends “qu’il se passe quelque chose” dans ma vie, des trucs qui m’attirent l’œil, que je me dise “en voilà une bonne idée tiens”, j’absorbe tout ce qui passe autour de moi, je pense à des “actions” que j’ai envie de mélanger avec mon point départ et le thème de mon roman. Bref, si je n’ai pas d’inspiration, je ne me force pas à écrire. Cela prendra le temps qu’il faudra.
En plus, je n’ai jamais cherché à publier à tout prix. La sortie de Été pourri à Melun plage a été un enchaînement de circonstances qui a fait que le manuscrit qui traînait depuis des années dans les méandres de mon PC est devenu un vrai livre.
K – J’ai pour habitude de laisser le mot de la fin à mes invités. Pas par politesse, juste par flemme de me creuser le citron pour conclure. Une petite citation de film pour la route ?
ND – Comme tu me laisses le choix, je termine sur un dialogue du film Sleepers (pour moi l’un des GRANDS films des années 90) :
« Tiens je savais pas que t’aimais les pigeons.
— Oh tu sais moi j’aime tout ce qui sait fermer sa gueule. »