Les aventures du yautja, une saga qu’elle aurait pu être bien si en sept films elle ne s’était pas gaufrée les trois quarts du temps. On peut très bien vivre en n’ayant vu que le premier (Predator, 1987), à la limite le deuxième (Predator 2, 1990) et faire l’impasse sur le reste (Predators en 2010, The Predator en 2018, ainsi que les deux étronesques Alien vs. Predator). Quant à Prey qui sort en cette année 2022, des échos que j’en ai eus, il serait pas mal… ce qui me semble bien insuffisant pour une créature aussi iconique, la faute à la forêt (comme dans le premier, v’là l’originalité), au comble d’une violence trop camouflée (parce que Disney et on se demande comment des gens ont pu trouver que Mickey + Predator tenait la route comme équation des opposés) et à une absence de propos comme d’audace. Il s’annonce donc comme un film honnête mais pas impérissable que tout le monde aura oublié dans une paire d’années, voire une paire de mois.
En sept films, un seul aura été culte. Les autres, je ne sais pas s’ils saignent, mais on peut les tuer.
Predator
(John McTiernan, 1987)
On s’embarque dans du film d’action typique des années 80 ! Gros bras, pétoires tonitruantes, castagne et bons mots. Mais pas que. Sous ses airs de films ultra-bourrin, Predator est construit avec une grande maîtrise et s’offre une base thématique solide autour de la chasse, du rôle proie/chasseur que les protagonistes occupent tour à tour voire en même temps, des limites de la technologie et des enseignements de la guerre du Vietnam. Aussi bien les humains que le yautja s’appuient sur un armement lourd dernier cri (un peu comme les Américains dans la jungle vietnamienne), qui ne suffira ni aux uns ni à l’autre pour l’emporter. C’est même parce qu’ils se reposent trop dessus qu’ils se font latter. L’intelligence, l’ingéniosité et l’adaptation ont toujours régné en maîtresses sur les champs de bataille, autant de principes souvent oubliés depuis le tout-technologique hérités du positivisme et des deux guerres mondiales riches en débauche de matériel. Retour au dépouillement, donc, qui verra Schwarzie se battre à l’épieu et en slip. Avant de se voir évacué, en état de choc, par hélico (là encore, une image qui fait écho à l’aventure américaine au Vietnam).
Outre son action pétaradante, Predator, c’est aussi la mise en place d’une véritable tension. Pas évident de montrer un ennemi invisible, n’est-ce pas ? Eh bien McTiernan, à travers quelques mouvements de caméra, des plans de la silhouette floue dans les arbres et les réactions de ses personnages réussit à rendre sa créature présente quand bien même on ne la voit pas (avec le renfort de la bande son qui ajoute beaucoup à l’ambiance).
Pas décérébré pour deux sous, le film est un retour aux sources. Dans le décor de la jungle, l’homme est peu de chose… Dutch et ses hommes prennent d’abord l’avantage sur les guérilleros moitié grâce à leur entraînement moitié grâce à la technologie qui leur donne une puissance de feu infernale. Sauf que… le Predator dispose d’une technologie encore plus développée. Face à une bestiole dont le camouflage la rend invisible pour mieux les dégommer au rayon laser, ils peuvent ranger les pétoires. C’est d’ailleurs ce que fera Dutch qui l’affrontera finalement avec des armes d’un autre âge : l’arc et la lance (et l’esprit aussi, parce qu’il est malin).
Dans les deux cas, on a droit à des scènes d’anthologie. La première, lorsque Dutch et son équipe atomisent littéralement la jungle en déployant toute leur puissance de feu… pour rien. Le déluge de plomb de la cracheuse est resté dans toute les mémoires. La seconde scène est bien sûr celle du duel final, affrontement mano a mano entre deux combattants qui ont laissé tomber les attributs technologiques pour la pure bestialité.
Véritable monument du cinéma d’action des années 80, Predator allie l’ambiance oppressante de la jungle, la tension de la traque où les rôles de proies et de prédateurs alternent, et des scènes musclées inoubliables. Un must. Culte.
Pour l’anecdote, à défaut de gueule de porte-bonheur, Predator aura porté chance à son casting (parmi lequel on pleurera l’absence de JCVD, qui devait à l’origine incarner la créature). Jesse Ventura sera élu gouverneur du Minnesota en 1998, Schwarzenegger gouverneur de Californie en 2003 et le Predator président des USA en 2016.
Predator 2
(Stephen Hopkins, 1990)
Après la jungle, la chasse reprend en milieu urbain. Le résultat est une honnête série B d’action qui assure le taf. Et c’est tout. Il manque un peu de fond à cet opus pour se hisser au niveau de son prédécesseur qui jouait sur l’inversion permanente du rôle proie/chasseur, sur le dépouillement de son héros et traitait la jungle comme un environnement et un personnage à part entière. Ici la ville n’est qu’un décor.
M’enfin le film fonctionne, ce qui ne sera pas le cas des suivants, et offre le spectacle attendu du moment qu’on ne lui en demande pas plus. Avec en prime le clin d’œil final à Alien (qui devait déboucher quelques années plus tard sur les deux bouses AVP).
Predators
(Nimród Antal, 2010)
Le Predator, cette créature maudite de la science-fiction… Là où son pote Alien batifole dans une franchise plutôt glorieuse, au moins jusqu’aux daubesques Prometheus et Alien Covenant, Predie les griffes de la nuit est un laissé pour compte abandonné sur le bord d’une autoroute spatiale par des maîtres négligents. Une suite voit le jour en 1990, honnête série B sans plus. Ensuite, le grand néant pendant quinze ans, jusqu’aux lamentables Alien vs Predator. Un beau gâchis quand on pense que la bestiole chasseresse est pourtant une des plus intéressantes du bestiaire SF. Le yautja chasse pour le fun, le challenge et l’adrénaline, il incarne un reflet de l’humain, avec des choses à dire, bien plus que le xénomorphe qui se contente de buter des gens parce que.
La volonté de Nimród Antal était de rendre ses lettres de noblesse au guerrier déchu et d’offrir un film digne de ce nom au spectateur déçu. Le projet Predators remonte aux années 90 dans l’optique d’un schéma classique de suite – retour aux sources du 3 après un 2 moyen –, s’est perdu dans les limbes, pour ressortir en mode Alexandre Dumas (vingt ans après, donc), couvert de poussière, de râtures et bidouillages.
Predators appartient à cette catégorie de films qui font peur dès les cinq premières minutes et pas pour de bonnes raisons. On a tous en tête l’image du premier film avec Schwarzie et sa montagne de muscles. Voir débarquer Adrian Brody surprend (sauf si on a vu The Predatist). D’entrée, on le voit mal en super commando de la mort qui tue, mais bon, l’heure n’étant plus aux biceps stalloniens et arnoldiens, pourquoi pas. Y avait moyen de faire du contre-emploi, autant pour Brody,le pianiste transformé en machine de guerre, que dans la matière même de l’opposition avec la créature, avec une orientation vers une guerre des cerveaux plutôt que force brute. Rien de tout ça n’arrivera, il n’y aura que de la bagarre pas bien maligne.
Pas bien malin non plus le scénario. On retouve du premier la jungle, la fameuse cracheuse, héroïne d’une scène de mitraillage d’anthologie, et deux tonnes de pièges. Là, on se dit que la différence entre “revenir aux sources” et “copier/coller” échappe à certains scénaristes. Ce sera comme ça tout du long. Chaque référence au premier opus échoue, parce que trop appuyée comme telle, trop fan-service, trop déjà-vu-en-français-dans-le-texte, trop marquée flemme d’écriture. Et chaque fois que Predators tentera de suivre son propre chemin pour bâtir son identité, il se plantera itou, la faute à une écriture qui manque d’espace, phagocyté par le recyclage de Predator premier du nom.
Manque d’inspiration aussi de cet épisode au pluriel qui se contente de n’être qu’une télé-réalité avec un casting de candidats aussi bariolé et stéréotypé que possible. Le film démarre comme une mauvaise histoire drôle sur le mode “c’est un Américain, un Mexicain et un Russe dans la jungle”. La fine équipe sera aussi hétéroclite que possible, véritable concert des nations en pan-pan majeur. Les personnages sont aussi caricaturaux que possible : le Russe est un spetsnaz, le Japonais un yakuza (avec l’inévitable katana), le Mexicain bosse pour un baron de la drogue, l’Israëlienne pour le Mossad, le criminel américain porte bien sûr la tenue orange des prisonniers… Tous parlent anglais avec des accents à la Michel Leeb bien identifiables, avec en prime un bon vieux délit de sale gueule bien cliché. Le Mexicain est moustachu, le Japonais impassible et taciturne, le Russe ressemble à un ours… Bien sûr, personne ne remet en cause le fait que d’emblée Brody prenne le commandement des opérations, en vertu du leadership naturel (sic) américain dès lors qu’il s’agit de sauver tout le monde. On veut bien des étrangers mais seulement si c’est l’Oncle Sam qui commande.
Si la première demie-heure et la fin sont explosives, le milieu du film accuse une baisse de rythme flagrante pour ne pas dire qu’il est mou de la gâchette. Les personnages sont sous-exploités et meurent plus vite que leur ombre sans prendre le temps de les installer ni de les développer, ce qui gâche l’éternelle question “qui sera le prochain ?” et toute envie de s’intéresser à leur sort. Bien qu’au pluriel, les Predators ne m’ont pas paru tenir le haut de l’affiche et encore une fois, les prédateurs humains volent la vedette à ceux de l’espace. Et puis ce renouveau annoncé manque de nouveauté à trop repomper d’éléments du premier. J’attendais de l’innovation, ce n’est au fond qu’un remake et pas une vraie suite. Et si Adrian Brody s’en sort plutôt bien en chef de meute, on est quand même loin de l’imposant Schwarzie côté castagne. Perdu en route aussi le bon vieil humour à deux balles des eighties et ces phrases cinglantes qui ont fait la marque d’une époque. Une pointe de second degré aurait évité l’impression d’un film qui se prend un peu trop au sérieux. Et qui se prend aussi les pieds dans le tapis pour se ramasser en beauté.
The Predator
(Shane Black, 2018)
Film en roue libre totale. Essaye d’être drôle en casant des vannes toutes les trente secondes, ne parvient qu’à être lourdingue. Charcutage en règle d’un scénario déjà pas bien foufou, avec à la clé confusion du récit et incohérences à la pelle. CGI Amstrad. C’est même pas régressif ni décomplexé, c’est juste con.