Deux familles rivales mettent un patelin en coupe réglée tout en se faisant la guéguerre. Arrive un type en poncho fumant le cigarillo qui va bosser pour l’un puis l’autre camp, et surtout pour sa propre pomme, semant au passage encore plus la zizanie et raflant des paquets de pognon.
Avant d’être un remake du Yojimbo de Kurosawa, Pour une poignée de dollars est d’abord un plagiat qui retranscrit le film de Kurosawa dans le contexte du western. Bonne nouvelle, c’est un très bon film. Mauvaise nouvelle, parce que c’est un très bon film, il a eu du succès, et parce qu’il a eu du succès, l’indélicatesse de Leone lui a valu un procès, perdu au profit de Kurosawa. C’était bien tenté, vu qu’à l’époque le cinéma japonais sortait peu de ses frontières. Sauf que voilà, pris en flagrant délit… Notez que Leone s’en sort à bon compte en devant céder une partie des droits de son film à Kurosawa, ce n’est pas cher payé quand on sait combien ce dernier connaît de gens capable de se servir d’un katana pour régler le conflit à l’ancienne.
Si Leone atteint le comble de la honte sur son inspiration scénaristique, il est plus inspiré pour le reste en réalisant le premier western spaghetti de l’histoire du cinéma, mariage au poil de fion des choix de plan et de cadrage, de l’utilisation de la BO, d’une ambiance d’amoralité, de violence et de crasse, et d’un casting de trognes fortes en gueule dans tous les sens du terme.
Clint Eastwood y incarne un opportuniste sympathique. Avec ses yeux plissés de mec ébloui par le soleil sous le rebord de son chapeau et son petit rictus narquois, il passe la moitié de son temps à mâchouiller des cigarillos et l’autre moitié à dézinguer des gens. Quasi monolithique, il parvient, avec le minimum, à être en phase avec son personnage et en imposer un maximum.
L’histoire est une succession de retournements de veste de sa part. Là où Dernier Recours, remake de Pour une poignée de dollars, fera quelques raccourcis où on se perd, on suit ici pas à pas toutes les manigances de Clint en se demandant quelle nouvelle fantaisie il va bien pouvoir inventer. L’humour noir est omniprésent, surtout dans les dialogues où les phrases incisives et pince-sans-rire préfigurent les répliques culte de Le Bon, la Brute et le Truand. Pas de blabla inutile qui flinguerait le rythme du film, les personnages sont dans l’ensemble peu loquaces, ils ne parlent que pour faire avancer l’intrigue ou se balancer des piques. Pas de temps mort, donc, et les fusillades sont assez fréquentes pour apporter leur dose d’action… et de morts, parce que la vache, c’est l’hécatombe.
La galerie de personnages ne se compose pour ainsi dire que de “gueules”. Rien que leur tronche fait qu’on se souvient d’eux et ils arrivent à prendre corps en quelques plans et quelques phrases. Clit, mi-héros, mi-antihéros, a en face de lui un méchant à sa mesure – interprétation hallucinée comme toujours de Gian Maria Volonte – et toute une batterie de seconds couteaux qui tiennent une place indispensable dans le film (tavernier, fossoyeur, chefs des deux bandes…).
C’est un must et ça n’a pas pris une ride.