Osez 20 histoires de sexe partout sauf dans un lit – La Musardine

Osez 20 histoires de sexe partout sauf dans un lit
La Musardine

Couverture Osez 20 histoires de sexe partout sauf dans un lit La Musardine

Première fois que je mets le nez – enfin, quand je dis le nez… – dans la collection “Osez 20 histoires” de La Musardine, via un bouquin offert à je ne sais plus quelle occasion, sans doute un cadeau lors d’une commande sur le site de l’éditeur.

Il s’agit d’un recueil de nouvelles, parce que vingt histoires format roman pèseraient dans les 8000 pages et ça ne tiendrait nulle part sauf dans une brouette (thaïlandaise).
Bon ben ça n’ose pas des masses en fait.
Côté cul, on reste dans le gentil, le pépère, l’érotique, pas de quoi craquer son caleçon d’excitation. Exception faite de l’intro de Stéphane Rose qui se lâche plein pot dans les bureaux de la maison d’édition et où on croise une meuf avec un toner d’imprimante dans la chatte et un stick de colle carré dans le fion. Quelques fantaisies du côté d’Ice-Cream de Rita, qui se déroule dans un camion de glace et offre quelques moments de bravoure au goût de Mr Freeze, le bien-nommé glaçon friandise. À part ça, tant dans les pratiques mises en scène que dans leurs descriptions, ne vous attendez pas à de l’extravagant genre double fist jusqu’à l’épaule. C’est conventionnel comme un missionaire du samedi soir dans le noir.
Côté lieux autres que le le traditionnel plumard, on est plutôt dans le classique aussi. Les trains, les bagnoles, l’hosto… Où sont les lieux foufous ? (Ouais, on sait, dans ton cul.) À dos de dragon, dans une station spatiale, au sommet d’un volcan ? Une paire de textes sortent quand même du lot sur le sujet, comme le glacier ambulant que je viens de mentionner. Ou encore Les raisins du désir de Tanith qui réussit à transformer ce qui aurait pu n’être qu’un coup lambda dans une cave en festival des sens grâce à une excellente utilisation de son contexte (une dégustation de vin). Où est-ce qu’on peut baiser ? d’Adrien Carel s’en sort bien aussi en jouant sur la multiplicité des lieux, servie par un récit dynamique et plein d’humour.
Côté style, on va pas s’enflammer non plus. Classique aussi la plupart du temps, scolaire en une paire d’occasions. Quelconque. Trop propre, trop littéraire, pas inventif. En termes stylistiques, on n’ose rien. Les plumes gagneraient à être mieux taillées.
Côté narration, tout cela est très conventionnel : toujours par deux ils vont, comme disait l’autre, et les vingt histoires de sexe sont avant tout vingt histoires de couple ailleurs que dans leur piaule. Que celui-ci soit légitime ou pas ne change rien à l’affaire. Le sexe à trois, quatre, dix, douze ou en solo brille par son absence, alors qu’une histoire de masturbation à coups de Bad Dragon en haut d’une grande roue ou une partouze sur le radeau de la Méduse n’auraient pas dépareillé. Contexte comme personnages, l’ensemble est très blanc, très hétéro, très petit-bourgeois, très prénoms d’un autre temps et bien de chez nous (Josiane, Sébastien, Laurent, Sandrine, Émilie, Yves… à croire que le calendrier catholique fait partie des figures imposées). Manque un peu de diversité qui n’est présente qu’à dose homéopathique. Par contre, on a du bon gros cliché de temps en temps. Y a un amant italien ! Je savais même pas que ça se pratiquait encore, je croyais l’espèce éteinte depuis les années 80.
Tout ce qu’on pourra faire après le passage en revue de ces quatre côtés, c’est tracer un carré, comme la partie du même nom. Par quelque bout qu’on le prenne, ce recueil manque de folie. Pourtant, il s’appelle “Osez”. Ben faites-le, osez !

En ressortent :
Partout sauf dans un lit de Stéphane Rose, parce que c’est du cul, du vrai. Un texte barré, mais qui ne se contente pas d’un délire qui part en sucette, parce que maîtrisé, avec en prime une chute (oui, parce que les nouvelles permettent ça aussi : conclure sur une chute qui claque).
Où est-ce qu’on peut baiser ? d’Adrien Carel, qui joue la carte comique du coup sans cesse remis par un couple chaque fois dérangé par ce fameux bal des casse-pieds chanté en son temps par Miou-Miou et Jean Rochefort. Pêchu, marrant, bien fichu sans se prendre au sérieux.
Les raisins du désir de Tanith, qui parvient à poser une vraie ambiance intimiste et à y inscrire une scène très olé-olé sans que le récit ne vire au gros rouge qui tache.
Ice-cream de Rita, parce que dès qu’il est question d’introduire des trucs improbables dans des orifices – ici des esquimaux et je ne parle pas des habitants du Groenland –, je suis client, ayant une tendance marquée à confondre Dorcel et Bozo, sexe et spectacle de cirque.
– Carton rouge pour Le couloir interdit d’Émilie Doucin, dont on se demande encore comment un tel récit à la Brazzers peut être publié de nos jours, avec une meuf coincée par son beau-père dans un placard et vas-y que je te mets en scène du viol et de l’inceste qui ne disent pas leur nom (mais le murmurent quand même très, très fort).

Au final, on a, comme marqué sur la couverture, 20 histoires de sexe partout sauf dans un lit. Même pas, en fait, je viens de recompter, j’en trouve 21, l’intro de Stéphane Rose étant elle-même une histoire, une des meilleures en plus (pas très sympa pour lui de ne pas l’avoir compté dans le total). Au propre comme au figuré, le compte n’y est pas.
Après, est-ce que ça valait le coup d’écrire “Osez…” aussi gros pour le peu d’audace qu’on croise en deux cent cinquante pages ? Je crois pas, non.
Alors ça se laisse lire sans déplaisir, le recueil n’est pas indigne et même correct. Mais il n’est que ça, correct. Trop. Pas magique. Alors que pourtant, le magicien ose.
Ou alors on n’a pas la même définition du verbe oser.

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