Pour la Saint-Valentin, parlons mythologie japonaise et histoire d’amour. Je vais te raconter la geste d’Orihime et Hikoboshi, alias Vega et Altaïr.
Pourquoi une légende ? Parce que le corpus des mythes, légendes, contes et autres fariboles racontées autour d’un feu de camp forme la base de la littérature. Pour prendre une analogie de circonstance en cette journée dédiée à Cupidon, c’est comme la baise. Tu commences par l’oral avant de coucher. Par écrit ou dans un pieu, kif-kif.
Je te rappelle que l’Iliade, avant de devenir un livre de poche que tu achètes à la librairie du coin, était une chansonnette récitée par des aèdes qui se tripotaient la phorminx (terme qui ne signifie pas “bite” en grec mais désigne un instrument de musique).
Meurtres, intrigues politiques, guerre, amour, trahison, vengeance, chasse au trésor, quêtes initiatiques, monstres, super-héros… Tout est là, on n’a rien révolutionnée avec le passage à l’écrit. Et rien inventé de neuf depuis trois mille ans. L’Antigone de Sophocle pose les bases du polar, le mythe d’Icare celles de la SF, la fantasy n’en parlons pas tellement c’est évident, et cetera, et cetera.
Sur Un K à part, on cause littérature avec le plus grand sérieux, impossible donc de passer outre la tradition orale (ne serait-ce que pour placer des sous-entendus sur la fellation).
J’ai choisi la fête des étoiles, Tanabata de son petit nom nippon, parce qu’elle a lieu en juillet-août. Le hors sujet total en février, y a bon !
Je déconne, la vraie raison, c’est qu’elle a pour origine une belle histoire d’amour. Quoi de mieux en ce 14 février pour parler romance et sodomie ?
Tanabata remonte au VIIIe siècle et s’inspire de la fête chinoise Qīxī. Faut savoir qu’à l’époque, les Japonais pompaient beaucoup sur leur voisin continental. Ils n’ont pas attendu Hollywood pour inventer le remake…
Les festivités célèbrent la rencontre entre Orihime (Vega) et Hikoboshi (Goldorak Altaïr). D’après mes formidables connaissances en astronomie, ces deux étoiles se situent quelque part dans le ciel, là et là ou à peu près.
La légende d’Orihime et Hikoboshi
Orihime, comme son nom l’indique, est une déesse tisserande. En français, l’évidence saute moins aux yeux qu’en VO. Traduttore, traditore, on perd le kanji 織 commun à son nom et au verbe tisser. Mais passons sur ces passionnantes considérations linguistiques. En clair, elle s’appelle mademoiselle Tisserande.
Comme la Pénélope – celle d’Homère, pas celle de Fillon– elle remet sans cesse l’ouvrage sur le métier en attendant que quelqu’un invente la profession d’assistante parlementaire pour pouvoir se tourner les pouces et palper quand même un max d’oseille. Elle tissait la nuit, elle tissait le jour, elle tissait partout, elle tissait toujours. Au lit, debout, par terre, partout.
En cette époque immémoriale perdue dans les limbes du temps, on avait déjà inventé le cliché. Or donc, comme n’importe quelle pisseuse tisseuse, elle tombe folle amoureuse du premier gars qui passe. En l’occurrence, ô surprise à peine spoilée par le titre de l’histoire, Hikoboshi. Dans la vie, le gus est bouvier, genre de cow-boy qui ne tue pas d’Indiens.
Coup de foudre, septième ciel, des étoiles dans les yeux et les fesses, big (gang) bang et vas-y que je te défonce la voûte céleste ! L’Amour avec un grand A et des projections plein la figure.
Les joyeusetés copulatoires terminées, Jacquie et Michel Orimachin et Hikotruc se marient. The end.
Ou pas. Jusqu’ici il ne s’est rien passé de folichon, juste une mise en bouche avant que l’intrigue ne démarre pour de bon.
La vie des tourtereaux va tourner au drame. Sans quoi, pas de légende, pas de fête des étoiles, pas de bras ni de chocolat.
Les jeunes mariés, dans leur bulle d’amour, d’eau fraîche et d’escapades coquines à la Fistinière, glandent comme pas permis. Marasme du secteur de la confection, bestiaux qui traînent à droite à gauche, marchés financiers en chute libre… C’est la crise, le foin, le bazar. Tout fout le camp ma bonne dame et c’était mieux avant au temps du Maréchal. Le cauchemar d’un monde qui vit d’amour plutôt que de travail…
Les autres dieux gueulent. Oui, il faut remettre le monde En marche ! dit l’un. Oui, Orihime et Hikoboshi, c’est rien que des gros assistés, dit l’autre. Eh, c’est quoi le travail ? demande un troisième. Silence de mort… Personne n’est foutu de lui répondre, personne ne sait. Détourner les offrandes ne laisse pas des masses de temps pour s’échiner sur un vrai boulot.
En grattant un peu, on découvre que la vérité est tailleur (logique avec une tisserande pour héroïne). Derrière la version officielle se cache une “réalité beaucoup plus sordide” – j’ai pris JT LV2 au collège avec option théorie du complot. Orihime est une déesse et Hikoboshi un simple mortel. Ouille… Pas trop le genre de la maison les mariages mixtes. Bonjour la tache sur le CV d’avoir son beau sang immortel et sa divine foufoune salopés par un moins que rien d’humain. D’accord, Hikoboshi est de souche – comprendre con comme une branche – mais faut quand même pas déconner.
Les dieux défilent dans la chaumière du couple pour le ramener dans le droit chemin. Depuis “je vous demande de vous arrêter” jusqu’à la promesse d’une double ration de frites à la cantine céleste, chacun déploie des trésors d’inventivité – ou de bêtise, les mythologues restent divisés sur la question. En pure perte, ils tissent dans un violon, incapables de raisonner les amoureux.
Le père de la miss se dit qu’il est temps d’y remettre bon ordre. Il est le big boss, l’imperator maximus, rien moins que le Tout-Puissant Maître des Cieux bardé de majuscules. Ça va chier dans le ventilo !
Ni une ni deux ni π ni ainsi de suite, il convoque l’assemblée des dieux et des déesses. Après une formidable pignolade galactique, le panthéon au grand complet gicle et squirte dans l’éther. Splitch splatch, ainsi serait née la tradition du bukkake.
Là-dessus, le divin monarque sépare les tourtereaux de part et d’autre de la toute fraîche Voie Lactée. Plutôt un bon plan à une époque où on n’a pas encore inventé la propulsion en vitesse lumière.
Cœurs brisés, pleurs, sanglots longs, violons, langueur monotone… Notre petit couple doit se rabattre sur les joies du virtuel. Chaque soir, Hikoboshi envoie à sa dulcinée des photos de sa zigounette. La donzelle réplique à coups de vidéos pas racontables qui mettent en scène sa matrice, des concombres, des carottes, des aubergines et des pertes blanches – l’ancêtre de la macédoine de légumes.
Mais voilà, frustrés et tristounes, Hiko et Ori s’abîment dans la dépression. Ils ne bossent pas plus qu’avant. Le monde agonise.
L’auguste paternel, grand seigneur, finit par concéder à sa fille le droit de voir son jules une fois dans l’année, le 7e jour du 7e mois.
Sauf que la scoumoune se montre tenace envers les Roméo et Juliette stellaires. Le jour J des retrouvailles intergalactiques, chacun reste planté de son côté de Voie Lactée à cause d’un menu détail, une broutille, deux fois rien : pas de pont.
Quel suspens insoutenable, mes amis !…
Impossible de se rabattre sur la Porte des Étoiles, bloquée pour la 272e fois par les Goa’uld. Le téléporteur de L’Enterprise est kaputt comme dans un épisode sur deux. Quant à jeter rapidos trois planchettes en guise passerelle, personne de disponible pour s’en charger : Alec Guinness et MacGyver sont déjà fort occupés par un maousse chantier sur la rivière Kwaï. Alors que faire ? demanderait monsieur Manatane.
En panne d’idées lumineuses, le scénariste de la légende sort un bon vieux deus ex machina (un 49.3 littéraire pour les non-latinistes).
Un nuée de pies passait dans le coin pile à ce moment-là.
Ah bon ? Des pies dans l’espace ? Avec des petites combinaisons spatiales aux armes de la NASA, je suppose ? Je ne sais pas ce qu’il prend, le gars, mais je veux la même !… On ne s’attardera pas sur ce côté hollywoodien de la fin heureuse obligée, fût-ce au prix de la crédibilité. Au moins tu auras appris d’où vient l’expression “à pie end”.
Les piafs de l’espace, adeptes des pornstars Lego à leurs heures, s’emboîtent pour former un pont au-dessus de la Voie Lactée. Grâce à elles, nos amoureux pourront se rejoindre et s’emboîter à leur tour. S’ensuivent embrassades, craquage de slip, échanges de fluides corporels et pollution de la voûte céleste.
À raison d’un coup par an, ils n’ont pas dû vivre heureux. Ont-ils eu beaucoup d’enfants ? On n’en sait rien et on s’en tamponne le maki.
Depuis, on commémore Tanabata en leur honneur. On mange des nouilles pour se rappeler Orihime empêtrée dans le fil de son ouvrage ou de son tampon selon les versions. Le jour où tu parviens à tisser un kimono avec des spaghettis, merci de me prévenir.
D’après la légende, s’il pleut le jour de Tanabata, ceinture pour les deux fornicateurs. Les pies ne sortent pas par mauvais temps. Parce que c’est bien connu qu’il pleut dans l’espace et que ça perturbe les Pies Millenium. Auquel cas, les tourtereaux l’ont tous les deux bien profond au lieu d’Orihime seulement.