Pour la première chronique du Noël des auteurs, je prête mon fauteuil à Nicolas Duplessier, auteur d’Eté pourri à Melun Plage. Il va nous parler de deux bouquins : L’homme aux yeux de napalm (Serge Brussolo) et Les fantômes du vieil hôtel (Cornelius Lehane).
Noël d’auteur
(Par Nicolas Duplessier)
Quand Frédéric m’a proposé d’écrire une chronique à l’occasion des fêtes de Noël, je n’ai pas longtemps hésité. Certes je n’ai pas son humour ni son talent de chroniqueur littéraire, mais je joue le jeu avec grand plaisir.
Depuis notre enfance, même si on ne croit plus au père Noël, on en garde une image de nostalgie. Quand j’étais gamin, il y avait une tradition dans la famille : après la dinde et la bûche, nous regardions un film en famille. Chaque année, moi et mes frères attendions ce moment. Il y avait un vidéoclub dans notre quartier et cela peut paraître incroyable à une époque où tout est accessible sur internet, mais j’adorais flâner dans les rayons pour dénicher LE film de Noël. Home Alone, Les Goonies, Retour vers le futur, Stand by me, Gremlins, Indiana Jones…
Que de super souvenirs pour toute ma génération.
Depuis j’ai grandi et en plus d’apprécier le visionnage d’un bon film à Noël, j’apprécie tout autant la lecture d’un bon livre, sans prise de tête, accompagné d’un verre de Laphroaig (je n’ai plus 8 ans). L’approche des fêtes de Noël me semble le moment propice pour se plonger ou se replonger dans d’excellents bouquins, pour en apprécier toute leur saveur et se sentir véritablement impliqué. Je vous propose donc le dérangeant L’Homme aux yeux de napalm du prolifique Serge Brussolo et Les fantômes du vieil hôtel de Cornelius Lehane.
L’Homme aux yeux de napalm est un roman riche à mi-chemin entre fantastique et SF, à la limite de l’horreur, tendance série B gore. Une intrigue qui cherche même à détruire (si, si) l’atmosphère chaleureuse et la mythologie de Noël. Oui c’est glauque. L’histoire est glauque. David, le personnage central du roman et auteur de romans de SF, écrit des histoires glauques et vit traqué jusque dans ses rêves par une “créature” qu’il a condamnée accidentellement à errer sous la forme de pères Noël grotesques. David vit alors, chaque nuit, une enfance parallèle dans une prison déguisée en fabrique de jouets… Brussolo n’épargne personne dans cette ambiance de Noël glauque (je vous ai dit que c’était glauque ?) et démonte, chapitre après chapitre, tout ce qui fait la magie de Noël.
Ames sensibles, s’abstenir.
Pour mon deuxième conseil lecture, j’ai hésité à vous parler de Nightfall de David Goodis, ou d’Entre deux verres de Lawrence Block, mais je voulais rester dans le thème Noël c’est pourquoi je me tourne vers Les fantômes du vieil hôtel de Cornelius Lehane.
D’abord parce que ce polar new-yorkais me fait penser au meilleur de mon maître, Lawrence Block.
Et puis parce que c’est un excellent bouquin avec son hôtel de luxe, son ambiance de fête et ses rues illuminées.
L’intrigue est simple, comme dans beaucoup de polars : le destin peut vous tomber dessus à n’importe quel moment. Vous pouvez être en train de bavarder tranquillement et, bim, tout d’un coup le destin vous écrase. Il vous arrive quelque chose de terrible et votre vie devient un cauchemar. Votre vie bascule. C’est d’ailleurs ce que j’aime dans le roman et le film noir, cela en est même souvent le principe. Comme on parle de roman noir, ce que j’aime par-dessus tout dans ce style ce sont ses personnages en apparence fades et feckless comme le disent les Américains (incapables). Alors pour le coup, j’ai adoré, Brian, le héros de Lehane et son côté gentil looser et le fait qu’il ne soit pas le chevalier typique dans sa belle armure. Lehane joue sur la fatalité, sur le destin qui vous tombe dessus, vous fait un croche-pied. Mais en dépit de la violence autour de lui, Brian parvient à conserver ce noyau de douceur qui renforce encore cette sympathie. Brian est surtout un type avec un manque marqué de confiance dans ses propres capacités, notamment en tant que père. Quelques-unes des meilleures scènes dans le livre sont celles où il interagit avec son fils.
Un très bon bouquin, bien écrit, et même si les romans avec une intrigue politique ne sont pas mes préférés, je salue l’excellent travail de l’auteur pour représenter la communauté irlandaise et le fonctionnement interne des syndicats.
Toutefois, son véritable atout reste le personnage principal.
Pour finir, si vous tenez quand même à mater un film le soir de Noël, un truc vraiment original, pourquoi pas Nightfall ? Ce film est une excellente adaptation du livre de Goodis par le Français Jacques Tourneur ; bien que s’affranchissant des grandes figures du style noir et du roman de David Goodis, ce classique tout en finesse doté d’une atmosphère inquiétante est à voir.
Pour la petite histoire, pour le film Pulp Fiction, Bruce Willis, avec son look de dur des années 50, s’est inspiré, à la demande de Tarantino, du rôle principal, Aldo Ray, pour construire son personnage de Butch. Et d’ailleurs, puisqu’on en parle, Brad Pitt dans Inglorious Basterds ne s’appelle-t-il pas Aldo Raine ?