Ici s’achève le Noël des auteurs avec cette chronique de Marc Falvo, auteur de Série B. This is the end, comme dit la chanson, et va falloir que je me remette au turbin. En attendant, Roméo va nous conter l’histoire de Juliette.
Billet de Noël
(Par Marc Falvo)
14h03. Via Facebook et les autoroutes toujours plus encombrées de l’information, monsieur K à part himself, Fred K alias Le Bénévole, alias Yakuza pour les intimes, me fait une proposition que je ne peux pas refuser. D’ailleurs, j’accepte. Ecrire un billet sur le thème de Noël, because la période et tout ça, pour que vos futurs cadeaux enturbannés de rubans – on dit aussi enrubannés – rayonnent entre autres de mes conseils avisés.
14h04. Juste après avoir dit oui, je sèche – pourtant j’étais pas mouillé – sur lesdits – de Nantes – conseils. Bien sûr, ça pourrait être encore un bon moyen de vous fourguer ma camelote, car hélas mon frigo garde cette fâcheuse tendance à se vider lorsque je le ponctionne, mais ne croyez pas que je sois si vénal. L’esprit de Christmas coule en moi telle la rivière dans son lit ou l’urine dans celui d’un énurétique. Bref. La suite une minute plus tard.
14h06. Deux minutes plus tard, donc – ne jamais faire confiance à ma notion viciée du temps – je trouve une idée. Non sur un livre traitant de Noël mais sur un qu’on m’a offert, justement lors de cette période bénie d’amour et de partage. Celui dont je vais dare-dare vous causer, d’ailleurs à propos de dard, ça se pose un peu là.
Juliette Society, de Sasha Grey.
Trois solutions. Soit le nom de cette auteure ne vous dit rien et tant pis. Soit vous l’avez déjà vu quelque part mais pas sur un livre et vous rougissez de honte. Soit vous le connaissez et ça vous rend curieux… Sasha Grey – n’entretenant avec sa lointaine aïeule Denise qu’un furieux sexe à piles – n’a pas toujours écrit. Juliette Society est même son premier roman. Non, avant ça elle a expérimenté un autre genre de profondeur, partagé avec son autre aïeul une passion humide pour les scoubidous bidous, enfin comment dire. Bon. Voilà.
Comme le dit la quatrième de couv, Sasha Grey a été l’une des plus grandes stars du porno à Hollywood. Elle a tourné sa dernière bande – pléonasme – à vingt-et-un ans – âge légal de la majorité aux States, pour les amateurs d’ironie – avant de se tourner vers d’autres cieux. Un brin de cinoche habillé et de télévision, quelques orteils dans la mode puis donc ce forfait littéraire appartenant, ô surprise, à la catégorie Chaud Bouillant ou Mummy Porn, qui n’est pas du cul en bandelettes mais du froufrou facile pour ménagères frustrées…
Alors ?
Pourquoi diantre, dans un billet réveillonesque, vous parler d’icelle – de table ? Pourquoi ne pas vous aiguiller plutôt sur les énièmes aventures colorées de Dorian l’Explorateur ou le dernier thriller à la mode Illuminati-Serial killer-Téléréalité qui sera forcément une claque/une baffe/une pépite/rayez la mention inutile selon les médias spécialisés ? Pourquoi donc évoquer un bouquin porno pendant la période des dindes qu’on fourre et des bûches bien dures et…
Désolé, je m’égare.
Déjà parce que c’est drôle. Offrir ça au lieu des sempiternelles têtes de gondole, des livres de cuisine qu’on s’empresse d’oublier sur une étagère une fois les fêtes passées. Jouer sur la sobriété élégante de la couverture et l’emphase du résumé – qui ne résume à peu près rien – pour laisser au futur lecteur la totale surprise de ce qu’il y trouvera. This is fun, you know…
Et puis surtout, parce que c’est bien.
Of course – de Noël. Parce que, derrière la vitrine Roman porno sulfureux écrit par une ancienne star du fion, il y a juste un contenu. Et un contenant. Un fond certes assez bateau – les dérives du désir, notre rapport au sexe et au pouvoir – mais assaisonné avec soin, soutenu par une forme qui tient tout à fait la route, plus que la majorité de cette production centrée sur le stupre et la luxure, souvent écrite avec des moufles par un aveugle asthmatique.
Imaginez une sorte de Fight Club qui aurait copulé avec Eyes Wide Shut pendant un cours à la fac, lieu d’ailleurs de l’action puisqu’on y suit une étudiante en cinéma se laissant entraîner par sa voisine d’amphi dans une spirale sensuelle, charnelle, à la recherche de plaisirs interdits et surtout de cette fameuse Juliette Society, club très privé aussi connu et sujet à caution que la plupart des légendes urbaines, où on peut vivre ses fantasmes jusqu’à l’extrême limite. Tout ça agrémenté de réflexions acerbes sur le cul, les hommes, les femmes, la politique ou Internet. La différence entre Hitchcock et Godard. La taille idéale du pénis. La science des rêves.
Bref, laissez vite Sasha Grey vous brancher.
Bref bis, offrez Juliette Society.
Offrez un Noël mammaire.
(NdA : comme certains l’auront pigé, ma chronique entière a été rédigée dans l’unique but de placer cette vanne. En vous remerciant, bonsoir.)