L’histoire en version courte : deux représentants en montres se font virer et décrochent un stage chez Google. Ils ont la quarantaine “donc” ne connaissent rien à l’informatique – postulat déjà sujet à caution – et font figure d’ancêtres au milieu des autres stagiaires à peine sortis de leur crèche.
Bon ben, une grosse bouse, ce film est juste mauvais de bout en bout.
Énième buddy movie organisé autour du tandem Owen Wilson-Vince Vaughn, qui vont se retrouver à la tête de l’éternel groupe de bras cassés, parias, losers, foireux qu’ils transformeront, ô surprise, en une équipe de battants invincibles. La fin de cette histoire déjà vue mille fois est courue d’avance et le déroulement de ce qu’on appellera faute de mieux “l’intrigue” formaté à un point qui frise l’indécence. Schéma habituel avec déclencheur, quête, foirade initiale puis le triptyque ascension-chute-rédemption menant à l’inévitable happy-end. Là-dessus se greffent les tartes à la crème habituelles : romance forcée, doutes existentiels, discours éculé sur le thème “on forme une équipe”, j’en passe et des pires.
En fait, le même canevas qu’une comédie romantique : un type se fait larguer, il rencontre une nana, elle le repousse, il la séduit quand même, ils s’aiment dans une suite de plans sans dialogues au resto, à la plage, au parc d’attrations avec violons à fond les manettes en arrière-plan, ils rompent, ils recollent les morceaux, se marient et ont beaucoup d’enfants. On ne peut pas coller davantage au manuel du petit scénariste en mal d’originalité.
Les Stagiaires partage aussi avec les comédies romantiques de n’avoir de comique que le genre auquel il se rattache. Je n’ai pas ri une seule seconde, au mieux j’ai dû sourire deux fois. Un comble en deux heures. Parce qu’en plus, c’est long. Si long que pour maintenir l’attention du spectateur, il a fallu recourir à l’artifice du plan nichon, la rustine pour camoufler l’essoufflement du rythme et l’embourbement du scénario. Dans tous les mauvais films, on en trouve un pile à la moitié. Ici, ça ne rate pas : au bout d’une heure, on a droit à la virée dans une boîte de strip-tease avec des nibards comme s’il en pleuvait. Sauf que la scène s’éternise au point de devenir embarrassante et, loin de faire frétiller le spectateur, celui-ci a hâte qu’elle se termine.
Je ne m’apesantirai pas sur les personnages, véritables caricatures d’archétypes qui mériteraient une réécriture complète.
Forme à chier, comique zéro et le fond, pas mieux. Deux heures de spot publicitaire à la gloire de Google. Pas à une démarche pernicieuse près, le film n’essaie pas tant de nous vendre les produits Google que la mentalité Google. Un univers idyllique régi par la “googlitude”, où les “nooglers” doivent se forger leur propre destinée. Un peu comme ces sectes dont le discours abonde en néologismes compréhensibles par leurs seuls adeptes pour mieux les couper du monde extérieur. Un univers idyllique plein de vélos multicolores, saunas, salles de repos futuristes, bouffe gratuite… quelque part entre l’imaginaire bariolé d’un gosse de quatre ans et Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. Ne cherchez pas de second degré, il brille par son absence dans cette Jérusalem Céleste virtuelle. Google est présenté comme une entreprise parfaite (qu’elle vire 95% de ses stagiaires n’émeut personne), la seule capable d’offrir à la grande famille de ses larbins employés le rêve américain 2.0 des années 2010. Rien que ça.
Le meilleur exemple en est le personnage de Dana Sims qui bosse Google, mange Google, dort Google, pense Google. Hors Google, point de salut ! Elle dit elle-même que sortie de la boîte, sa vie s’apparente à un fiasco personnel complet. Pire qu’un échec : un néant intersidéral qui ne lui titille pas une seconde la conscience. Sa vie est vide, elle s’en fout, elle a Google. Affligeant…
On ne peut pas dire que la matière manquait, on la voit même esquissée à plusieurs reprises mais jamais au grand jamais exploitée. J’ai passé tout le film à attendre le moment où il basculerait dans la parodie ou la satire sociale. Le film n’aurait pas été plus original pour autant, la critique du monde de l’entreprise n’ayant rien d’un thème novateur, mais son propos aurait pu être pertinent et percutant. À l’heure où on a atteint les dérives du capitalisme crèvent le plafond, où on parle de crise à tout bout de champ, où chaque année on nous dit qu’on en verra le bout dans trois, quatre ans (ça dure quand même depuis un demi-siècle…), où on nous ressort à l’envi la “priorité de l’emploi” aussi bien pour ceux qui n’en ont pas (merci Lapalisse) que pour ceux qui en ont un mais qui se demande combien de temps ils parviendront à le conserver… Ce ne sont pas les problématiques qui manquent quand on case une comédie dans une entreprise. Même la thématique du stage – la version moderne du servage – tombe dans le vide complet. Le film énonce sans trembler des genoux que vous ferez partie des 95% de gens qui n’auront rien. Sans état d’âme, normal. Et tout le monde est content, bonjour la soumission et bienvenue dans un monde de merde revu et corrigé en conte de fée à la Disney.