La peau sur les os – Stephen King

La peau sur les os
Richard Bachman / Stephen King

J’ai Lu

Sorti sous le nom de Richard Bachman, La peau sur les os est le roman qui a valu à Stephen King de se voir démasqué, ce qui fait qu’on le trouve aussi publié sous son vrai nom, voire les deux.

Couverture roman La peau sur les os Stephen King Richard Bachman J'ai Lu

Bill Halleck représente aux yeux du monde le parfait exemple de la réussite : un cabinet d’avocat florissant, du pognon, une résidence secondaire, une femme, une fille, le sentiment d’être au-dessus des lois et les relations qu’il faut pour passer entre les gouttes en cas de pépin. Même quand il se prend pour Pierre Palmade et provoque un accident mortel, no problemo, il en ressort blanchi, sans une tache sur sa réputation ni une once de remords.
Sauf que voilà, la victime était une gitane et son paternel lance une malédiction sur Billy, qui voit commence à maigrir de jour en jour…
On passera sur la vision archaïque, fantasmée et caricaturale des gitans dans ce bouquin qui les représente comme des marginaux biclassés sorciers-voleurs de poules, teigneux et violents, tout droit sortis d’une féérie du Moyen Âge (ou d’un discours romophobe). La finesse légendaire de Stephen King est ce qu’elle est : une légende. Comme le père Noël ou la petite souris.

Grande qualité de ce roman, il est court. À l’époque, dans les années 80, Stevie savait encore réfréner sa logorrhée et ne se croyait pas obligé de détailler sur un chapitre entier la biographie complète et dispensable d’un personnage ultra secondaire dont le destin était expédié en deux lignes à la fin dudit chapitre.
Au rang des bonnes idées, les titres de chapitre affichent le poids de Bill Halleck, obèse au début et qui s’étiole peu à peu suite à sa malédiction à raison de deux kilos par jour. Raccord avec la brièveté du roman, qui rend bien la notion de compte à rebours et de temps limité.
Mais…
Ce temps, Bill Halleck ne le met pas à profit. Et King pas beaucoup plus. Mis à part l’amaigrissement progressif, son personnage n’évolue pas du tout au cours du roman. Il était un trou du cul au début, il restera jusqu’à la dernière ligne, son ultime geste ne relevant en rien du remords mais d’une bête fuite de la réalité et de ses responsabilités.
Avant ça, à mi-parcours, quand il retrouve la trace des gitans, il ne cherche pas à s’excuser, proposer une compensation, faire acte de contrition, ni quoi que ce soit qui témoignerait d’une prise de conscience et de regrets. Non, dans un premier temps, il se dédouane de ses responsabilités et ensuite, il envoie des gangsters avec pour mission de foutre la trouille au campement tzigane. Et puis après, il prévoit de buter sa femme parce qu’on n’est plus à ça près.
Bill Halleck n’a rien d’un anti-héros, c’est juste un connard.
C’est là le gros défaut du bouquin : l’idée initiale était bonne, mais sans qu’il y ait de direction valable pour la suite. Une trajectoire rédemptrice aurait prêté le flanc à la critique d’une évolution hyper classique et déjà vue mille fois. Le choix inverse de King fonctionne sur le plan de la narration et cadre avec la réalité où les Bill Halleck sont légion et se comporteraient à l’identique, mais ça ne marche pas côté lecteur. On n’éprouve ni empathie ni sympathie pour ce personnage détestable. À partir de là, King peut bien tenter ce qu’il veut, jamais le décompte des kilos et le supplice à petit feu vers une mort inéluctable ne donnent au destin d’Halleck un aspect tragique. S’il y a bien un suspense autour du y arrivera, y arrivera pas à se débarrasser de la malédiction, l’intensité dramatique pointe, elle, aux abonnés absents. Halleck n’en a rien à foutre de personne et par contrecoup, le lecteur s’en ballec d’Halleck.
Et on se retrouve au final avec un roman qui, s’il raconte une histoire, ne parle de rien, faute de thématique alors que la matière ne manquait pas autour de la justice, la vengeance, l’impunité, la responsabilité, la culpabilité, le remords, le rachat des fautes, etc. Le choix de King de conserver tout du long intacte la personnalité d’Halleck tourne à vide, puisqu’il n’occasionne pas davantage de réflexion autour des comportements et mentalités de ceux qui se croient à l’abri de tout parce qu’ils ont une situation, du blé et des relations.
La toute fin du roman se tire une balle dans le pied. Le genre de dénouement qui collerait dans une nouvelle à chute, beaucoup moins ici avec le glaive de l’injustice qui s’abat sur une victime innocente quand toutes les pages précédentes ne parlaient que de faire justice. Alors là aussi, ça fonctionne côté auteur en tant que mécanique d’écriture (une fin choc, un parallèle avec la mort de la gitane – autre victime innocente – au début), mais côté lecteur ce dénouement m’a semblé peu convaincant, bancal, hors-sujet, contradictoire, rien que de l’esbrouffe d’auteur content de lui en croyant frapper fort alors qu’il se contente d’un coup d’épée dans l’eau.

Un bon concept, un développement maladroit et voilà comment ce qui aurait pu être une excellente nouvelle a tourné au roman pas mauvais mais pas transcendant non plus. La peau sur les os se laisse lire et pas beaucoup plus, on reste sur sa faim. Peut mieux faire.

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