L’Illusionniste est un de ces films qui laissent mi-figue mi-raisin. On passe un bon moment et on n’en sort pas déçu, mais… l’éternel “mais” qui fâche… on se aussi dit que le résultat aurait pu, à deux fois rien, être bien meilleur.
Nous sommes à la charnière du XIXe et du XXe siècle à Vienne, capitale de l’empire austro-hongrois, sous le règne de François-Joseph Ier. L’illusionniste Eisenheim (Edward Norton) y recroise la route de son amour de jeunesse la duchesse Sophie von Täschen (Jessica Biel), sauf que pas de bol, elle est déjà promise au prince héritier (Rufus Sewell), un type pas commode même pour les critères de l’époque.
On est donc sur du très classique du début à la fin.
Une histoire de prestidigitateur, on s’attend à ce que tout ce qui nous est raconté ne soit que pipeau et poudre aux yeux, avec un bon gros twist des familles, c’est ce qu’on aura. Au détail près qu’on devine le pot aux roses en temps réel tant l’astuce est évidente parce que basique et en plus soulignée à grand renfort de gros plan sur tel ou tel détail. La révélation finale fait pshit, c’est pas Usual Suspects…
L’histoire d’amour, déjà vue aussi. Ils s’aiment depuis tout petit en dépit de l’interdiction parentale, se perdent de vue, se retrouvent, s’aiment toujours comme au premier jour. Lui est fils d’ébéniste, elle duchesse, tralala habituel sur les différences sociales qui rendent leur union impossible. Plus l’éternel prétendant adverse, ici un tout-puissant prince bien bourrin qui aurait gagné à un portrait plus fin et nuancé, parce que là dans le genre méchant caricatural, on le croirait sorti d’un Disney.
Les personnages souffrent de toute façon de problèmes d’écriture et d’emploi. Quand Eisenheim joue les roublards – ce qui colle avec son métier –, on n’y croit qu’à moitié vu que la plupart du temps il nous est présenté avec un sérieux papal à la limite de la gravité tragique. Quant aux moments dramatiques, Norton se contente de faire sa tête de Droopy : son deuil, on n’y croit pas une seconde. L’écriture trop simpliste de son personnage, qui se limite à un super magicien amoureux, associée à la mise en place d’un plan pas très élaboré, qui en plus se déroule sans accroc, ne permet pas à Norton de déployer grand-chose de ses capacités d’acteur.
La duchesse est sous-exploitée et reste avant une princesse à sauver comme dans les contes de fées. Une participation un peu plus active à la machination qui sous-tend l’intrigue n’aurait pas été de trop. Vu la façon dont elle nous est présentée durant son enfance – désobéissante, audacieuse, dynamique, courageuse, autant de qualités qu’elle a conservées –, on l’aurait vue davantage partie prenante de tout le bazar qui la concerne au premier chef.
Reste l’inspecteur Uhl (Paul Giamatti), qui se prénomme Walter et pas Hank (dommage…). Sans conteste le protagoniste le mieux écrit et le plus intéressant. Fils de boucher, il comprend Eisenheim pour être issu du même milieu social. Il gravite dans les hautes sphères tout en étant conscient de ne rien représenter aux yeux de la haute noblesse, un monde dont il restera toujours à l’écart même avec les deux pieds dedans jusqu’au cou. Le seul du lot à avoir un cas de conscience : coincé entre sa loyauté à la monarchie, son ambition de gravir les échelons et son sens de la justice.
À l’arrivée, L’Illusionniste fonctionne comme divertissement et n’a rien d’un mauvais film. Mais il se contente de se classer dans la catégorie “sympa”, cette espèce de ventre mou qui veut tout dire et rien.
Ça se laisse regarder, sans surprise malheureusement, ce qui est dommage pour une intrigue reposant sur une machination censée être retorse. On se laisse embarquer par la reconstitution du cadre historique et l’ambiance répressive de la très autoritaire monarchie austro-hongroise. Mais le tout ne transporte pas et n’ébahit pas, faute de rebondissements, profondeur et complexité.
On le compare souvent (en mal) au Prestige de Nolan sorti lui aussi en 2006. Pour avoir les deux à l’époque et les avoir revus coup sur coup il y a pas long, L’Illusionniste n’en mérite pas tant, vu que Le Prestige est à peine moins prévisible dans son astuce… laquelle repose sur une grosse facilité d’écriture. Je ne crois pas que l’un soit meilleur ou pire que l’autre. C’est le drame des histoires de magiciens : on sait que tout est du flanc, suffit d’être attentif pour deviner le pot-aux-roses.
Perso, je garde quand même une préférence pour L’Illusionniste. J’adore Norton (Fight Club et American History X, voilà quoi) et tout simplistes que soient son personnage et celui de la duchesse, ils me donnent quand même plus envie de m’intéresser à leur sort que les deux magiciens du Prestige qui sont des connards finis tout le long du film.