In Nomine Satanis / Magna Veritas – Croc

À la charnière des années 80-90 sort un jeu de rôle qui propose rien moins que participer à l’affrontement millénaire entre Dieu et Satan : In Nomine Satanis / Magna Veritas, INS/MV pour les intimes. Ce JdR de Croc – donc irrévérencieux – édité chez Idéojeux (ex-Siroz qui deviendra plus tard Asmodée, mais on n’est pas là pour un historique de l’entreprise) a pas mal cartonné en son temps.

In Nomine Satanis Magna Veritas Croc Siroz jeu de rôle

1ère édition

INS/MV est le seul jeu dont je possède deux éditions, la première et la deuxième.
Or donc, la première édition (1989-1990) se présente sous la forme d’une boîte noire contenant trois livrets à couverture souple de la même couleur : un pour les anges, un pour les démons et des scénarios regroupés dans le Maleficarum Daemonis. On est sur du tirage professionnel à petit budget. Nonobstant un certain nombre de coquilles et un aspect “photocopie” puisque tout est en noir et blanc – ce qui a au moins le mérite de coller à la thématique –, c’est assez correct pour ne pas ressembler à du taf d’amateur bricolé dans un garage – au moins au regard des critères de l’époque – mais pas très luxueux et pas toujours très joli.
On nage ici dans un monde binaire : le Bien contre le Mal, on choisit son camp pour combattre l’autre et c’est marre. Pas de manichéisme, même si on pourrait le pensait de prime abord : les deux ont tendance à employer les mêmes méthodes de bourrin. Les joueurs ne servent pas directement leur grand patron, mais un Archange ou un Prince-démon. Selon le supérieur choisi, la philosophie et les pouvoirs varient.
Le système de jeu est on ne peut plus accessible et se base sur l’utilisation de trois dés classiques à six faces, ce qui donne un D666 dans le ton.
L’ambiance est clairement orientée second degré et humour noir, en témoignent les nouvelles qui émaillent les règles, de bonne qualité pour la plupart d’entre elles.
Ça, c’était le projet.
Sauf que, à vouloir faire simple, le jeu a tourné au simpliste. Faut bien reconnaître qu’entre les mains d’ados, fallait pas s’attendre à autre chose que, au pire, du bourrinage pur et simple, au mieux, des enquêtes pas toujours palpitantes à mille années-lumière de l’affrontement apocalyptique attendu et assez répétitives parce que c’est toujours un peu les mêmes magouilles. Alors y a moyen d’y jouer avec intelligence en s’orientant, je pense surtout aux démons, sur la discorde, la tentation, la séduction, bref le mal en finesse tout en discours enjôleur, mais l’ambiance hyper second degré et certaines lacunes du jeu poussent quand même au foutoir ultraviolent à grands coups de sacrifices rituels (ou, pour l’autre camp, à régler les problèmes la Bible dans une main, le lance-flammes dans l’autre).
Le gros défaut du jeu, c’est son vide abyssal en termes de background. Dans cette boîte de base, faut se contenter d’un très vague aperçu de la situation et de la liste des chefs de chaque camp. Rien sur toutes les autres figures qui gravitent autour, alors que les hiérarchies céleste et démoniaque se sont pas mal développées au gré des siècles, idem pour les servants humains (clergé, sectes, satanistes…) qui brillent par leur quasi absence. En prime, on est sur de la vision ultra basique de la religion limitée au seul catholicisme. Où sont les protestants ? les orthodoxes ? les autres courants ? Il y avait pourtant de quoi faire dans le camp chrétien en termes de variété. Tout ça sonne donc assez creux faute de contexte et de profondeur dans l’univers proposé. Et manque de bol, les suppléments de la gamme ne creuseront pas trop dans cette direction et partiront dans tous les sens à ajouter du vaudou, des Vikings, des panthéons païens (celte, grec, égyptien), des pouvoirs psychiques…

Il n’en reste pas moins qu’In Nomine Satanis / Magna Veritas reste une mine d’excellents souvenirs, plus pour la marrade pendant les parties que pour leur contenu intrinsèque. Au collège-lycée, on jouait les week-ends et vacances scolaires, ces dernières étant l’occasion de véritables marathons de JdR, à enchaîner les parties sur plusieurs jeux ou à se lancer dans des campagnes ambitieuses étalées sur une dizaine de jours. Et justement, quand tu ne voulais pas voir ta belle campagne torpillée par les idées débiles des joueurs et leur faculté à déconner dans les grandes largeurs, le mieux était de commencer les vacances sur un INS/MV qui permettait au groupe de se défouler et d’évacuer au maximum son trop-plein de nawak. C’était nimp, c’était fun.

2ème édition

On change de standing éditorial avec un bouquin à couverture cartonnée rigide et une mise en page plus travaillée. L’ambiance d’humour noir glisse vers le glauque et le trash, ce qui oriente davantage le jeu vers du bourrin cracra. On peut oublier pour de bon toute tentative d’être un peu fin. Les nouvelles donnent le la : l’idée est moins d’être irrévérencieux pour le second degré que de choquer pour choquer.
Au rang des plus, l’ouvrage démarre sur une mise en contexte avec du background… limité à une quinzaine de pages. C’est peu mais mieux que rien.
Les règles restent grosso modo les mêmes, toujours aussi faciles à assimiler (une douzaine de pages pour tout couvrir). Idem la création des personnages – chaque camp dispose de 12-15 pages pour la création des personnages, plus cinquante pages de pouvoir divers et variés –, toujours aussi simple elle aussi.
Au rang des moins, on se demande à quoi sert cette seconde édition qui propose in fine la même chose que la première. Un peu de background en plus, certes, mais rien de plus étoffé sur ce qui est propre à chaque camp (hiérarchie, fonctionnement, objectifs, alliés et serviteurs, relations internes entre les différents clans). Quant aux autres factions mineures (psioniques, Vikings, vaudou), ce n’est avec deux pages pour en parler sans rien en dire qu’on en fera quelque chose.
Pourquoi je l’ai achetée reste un mystère…

Scriptarium Veritas

Supplément compatible avec les deux premières éditions, inutile pour les suivantes, le Scriptarium Veritas rassemble tout un tas d’éléments éparpillés dans les différents suppléments de la gamme. Soit une solution économique à l’époque pour ne pas avoir à investir des centaines de francs en une kyrielle d’aides de jeu, d’autant qu’un certain nombre de titres étaient épuisés et introuvables.
On se retrouve donc avec pléthore d’Archanges (26) et de Princes-démons (31). À noter que j’ai le premier tirage avec Nisroch, Prince de la drogue, remplacé par Nog, Prince de la paresse, dans la seconde version de l’ouvrage. Viennent s’ajouter trois Archanges et trois Princes musulmans, mais sans présentation de l’islam ni de sa place dans l’affrontement entre Dieu et Satan.
On regrettera le côté fourre-tout balancé en vrac, sans changement visible d’une partie à l’autre. Ainsi tous les Archanges, Prince-démons et autres dieux sont balancés à la suite les un des autres sans page intermédiaire signalant qu’on a changé de camp/panthéon. Idem l’absence totale d’organisation cohérente. Par exemple, les divinités nordiques sont listées pp.131-146 et les règles sur les Vikings se trouvent pp.159-170. Perso, j’aurais mis ces deux chapitres à la suite.
On trouve quelques éléments sur l’armée de Dieu (dissociés en deux parties éloignées d’un paquet de pages avec d’autres sujets intercalés sans qu’on comprenne bien le pourquoi de ce charcutage des infos) et la hiérarchie démoniaque, mais on est encore loin du compte pour disposer de deux blocs développés comme ils le devraient.
Le vaudou, pareil, qui consiste surtout en une liste de pouvoirs avec seulement deux pages de présentation. Même chose pour les sorciers. Donc très succinct sur certains groupes annexes aux deux camps principaux. Après, comme ils ne sont pas prévus pour être joués mais pour servir de PNJ, on n’a pas besoin de beaucoup plus. Reste quand même l’impression habituelle de ne jamais rien creuser dans les éléments constitutifs de l’univers du jeu. Un peu dommage quand il s’agit des forces en présence, même mineures, puisque ce sont elles qui permettent de sortir des oppositions binaires anges/démons. Si aujourd’hui on peut compléter sans peine la doc, faut se rappeler qu’on n’avait pas Internet à l’époque et que c’était une autre chanson pour pêcher des infos quand on voulait étoffer soi-même.
Quelques points de règles divers et variés viennent compléter l’ensemble (véhicules, eau bénite, pouvoirs des églises, rejetons que peuvent semer les anges et les démons…).
Le Scriptarium Veritas est donc un supplément très fourni dans l’ensemble mais toujours superficiel dans le détail. Et très bordélique dans son agencement. Il n’en reste pas moins indispensable par son contenu aux deux premières éditions.

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