J’ai profité du long week-end de Pâques pour me livrer à la chasse aux infectés. En pleine pandémie, il eût été dommage de ne pas sauter sur l’occasion, n’est-ce pas ? Le safari fut riche en péripéties, rebondissements et coups de théâtre. Une aventure rocambolesque digne d’un livre ou d’un film… ce qui m’épargne un long récit détaillé, douze mille milliards de romanciers et scénaristes l’ont déjà raconté.
Or donc, après une série d’expériences que je ne détaillerai pas davantage pour éviter les ennuis avec la justice, il semblerait que les infectés du COVID-19 ne soient pas les créatures cannibales que nous ont vendues la littérature et le cinéma. Soi-disant des zombies super rapides et très, très forts, que dalle ! Tu leur tousses dessus, ils s’affalent, et à la course, ils crachent leurs poumons au bout de dix mètres. On est loin du compte…
Pour les soigner, j’ai testé un large panel de remèdes. Une balle dans la tête, ça marche. Remarquez, viser une autre partie du corps aussi – bonne nouvelle pour les tireurs du dimanche. Par acquit de conscience, j’ai essayé les balles en argent, mais à l’usage n’importe quel autre métal moins bling-bling fait l’affaire. Les classiques, comme la décapitation, le feu, la dynamite ou la sarbacane à turboscope gyrométrique, fonctionnent nickel. Même l’ail permet d’obtenir des résultats probants : une simple gousse peut les repousser, en tir tendu à bout portant avec un LBD 40 (ou un lance-patates bricolé maison pour les MacGyver en puissance).
Les infectés, on s’en faisait une montagne. En réalité, ils ne sont pas si terribles.
Pas une raison pour baisser la garde, mieux vaut se préparer pour le jour où la planète se trouvera confrontée à un vrai virus dangereux et envahie de monstres affamés de chair humaine.
Guide de survie en territoire zombie
Max Brooks
Calmann-Lévy
De son paternel, Max a hérité son sens de l’humour. Dommage, vu que Mel Brooks ne m’a jamais fait rire. Chacun de ses films m’a laissé consterné, alors que je ne suis pourtant pas le dernier en matière de potacherie et de vannes débiloïdes.
Tel père, tel fils… Ce Guide de survie en territoire zombie est censé être un ouvrage humoristique. Las, à l’exception de deux ou trois traits d’esprit, l’humour brille par son absence. L’intelligence aussi, d’ailleurs, vu la faculté du texte à enfoncer des portes ouvertes comme si l’ouvrage s’adressait à des enfants de CP.
Cette parodie de la littérature survivaliste ne fonctionne à aucun moment. La faute à un ton trop pince-sans-rire : le second degré ressemble tellement à du premier degré qu’on ne ressent jamais le côté décalé du propos. Au final, ça donne juste un bouquin ennuyeux.
La première partie traite du zombie, ses mythes et ses “réalités”. Pas mal fichue comme synthèse sur le sujet si on n’y connaît rien. Les spécialistes, eux, n’apprendront aucune information qu’ils ne sachent déjà via la littérature, le cinéma, la télé, la BD ou les jeux vidéo.
Second chapitre, on s’attaque aux armes et techniques de combat. C’est là que le bouquin commence à partir en vrille pour tomber dans le double syndrome du catalogue et du blabla. On touche là à un défaut majeur de ce guide : sa longueur. À vouloir se montrer exhaustif en listant toutes les armes et à détailler chacune d’entre elle, le bavardage et la redondance en deviennent assommants.
On en dira autant des chapitres suivants – soit la moitié du bouquin – où le procédé se répète avec les moyens de transport, les positions retranchées, les techniques de chasse, les milieux géographiques, etc. Les listes auraient gagné à subir un élagage sur le nombre d’entrées comme sur la longueur des exposés. Jouer davantage sur l’esprit de synthèse (tel item à privilégier/à proscrire avec juste une ou deux phrases d’explication) aurait rendu ce guide plus digeste, plus percutant, moins soporifique.
On a l’impression que l’auteur tire à la ligne pour gonfler au maximum son texte. Aller jusqu’à évoquer l’usage de la hallebarde ou du fléau d’armes, sans blague ? Au XXIe siècle, à part quelques fanas de reconstitution, qui sait manier l’armement médiéval ? Et surtout, où tu te le procures ? Les manufactures royales de pertuisanes ont mis la clé sous la porte il y a trois siècles… Dans le même esprit, une page entière consacrée à l’armure de chevalier ! Et en plus pour en arriver à la conclusion édifiante qu’elle est lourde et encombrante, merci du renseignement. Si encore ce genre de fantaisie était drôle, ça passerait crème. Mais non, Brooks se contente de disserter longuement et avec le plus grand sérieux sur des évidences que même La Palice n’aurait pas osé. Une mitrailleuse consomme beaucoup de munitions, une moto produit plus de bruit qu’un vélo, une plateforme pétrolière est un lieu isolé, que de grandes révélations à assimiler !
Passé ce fastidieux inventaire à la Prévert, on arrive au chapitre “Vivre dans un monde envahi par les zombies”, qui aurait pu – voire dû – constituer le cœur du guide. Expédié en une trentaine de pages, avec beaucoup de redites par rapport à ce qui précède. Le portrait d’un monde où se côtoient hordes de zombies, survivants égarés et pillards à la Mad Max n’est qu’esquissé. Dommage d’avoir sabré le versant le plus intéressant pour n’avoir au final qu’une vague idée de ce fameux “territoire zombie” annoncé à grand fracas dans le titre.
Enfin, le chapitre “Épidémies recensées” réinterprète (ou invente) certains faits historiques sous le prisme d’une infection zombie. Sympathique, plein de bonnes idées… mais… encore une fois, trop long avec une soixantaine d’entrées quand le tiers aurait suffi. Et puis bon, le listing sur le mode une date, un lieu, un événement, ensuite on passe au suivant, puis au suivant, et ainsi de suite ad nauseam, on ne peut pas dire que Brooks se soit foulé sur l’écriture. Son catalogue manque de liant et au bout du dixième, on commence à lire en diagonale. Cette partie aussi aurait pu être excellente, mieux structurée, mieux rédigée.
Verdict : pas de quoi se relever la nuit ou d’entre les morts avec ce guide très moyen.
Si vous êtes un spécialiste du zombie, rien de nouveau sous le soleil, vous connaissez déjà le contenu par cœur.
Si vous n’y connaissez rien en zombie, tournez-vous plutôt vers George Romero, dont les films La nuit des morts-vivants (The Night of the Living Dead, 1968) et Zombie (Dawn of the Dead, 1978) racontent la même chose mais en plus distrayant.
Reste que ce bouquin peut intéresser les faiseurs d’histoire (romanciers, nouvellistes, scénaristes…) pour la somme d’informations qu’il contient. Alors par contre, faudra penser à ajouter votre touche personnelle, parce qu’on ne trouve rien qui n’existe pas déjà dans un film ou un roman.
Il peut aussi faire office de supplément de jeu de rôle pour une campagne zombiesque de Chill, Maléfices, L’appel de Cthulhu ou n’importe quel système de règles générique, auquel cas la partie “Épidémies recensées” prend une autre dimension pour devenir une énorme mine de scénarios.
M’enfin, c’est pas Byzance. Quitte à lire du Brooks, jetez-vous plutôt sur son excellent World War Z (mais évitez l’adaptation cinématographique qui est une abominable purge).