Dangereuse Callisto
Isaac Asimov
Folio SF
Ce recueil de huit nouvelles d’Asimov intéressera avant tout les fans hardcore du bonhomme et les collectionneurs compulsifs. Les autres, je suis moins sûr. Si Asimov n’est pas votre tasse de thé, ces textes de jeunesse très moyens ne risquent pas de vous réconcilier avec lui. Si vous accrochez sans plus au reste de son œuvre, vous ne gagnerez pas grand-chose à lire ces nouvelles pas très renversantes. Si vous n’avez jamais mis le nez dans l’abondante bibliographie de “l’homme aux cent mains” (surnom qu’il doit à sa manie du tripotage plus qu’à son stakhanovisme à la machine à écrire), vaut mieux commencer par quelque chose de plus abouti comme Fondation ou Les robots plutôt que ces récits qui ont peu de chances de vous conquérir.
Le recueil rassemble les premiers textes écrits et publiés par Asimov, qui faisait alors ses gammes d’auteur, autant dire que le résultat ne manque pas de naïveté ni de maladresses d’écriture. Pas exécrable mais pas à se rouler par terre non plus. C’est le drame de ce bouquin : il nage dans un perpétuel entre-deux, ni bon ni mauvais, ni inintéressant ni indispensable, moyen en tout, convaincant en rien.
Ces nouvelles passables ne restent dans les annales de la SF que sur la foi du nom bankable d’Asimov. Si elles avaient écrites au mot près par un autre auteur qui n’aurait pas percé, personne ne replongerait plus le nez dedans et les rares à oser les exhumer de la naphtaline les trouveraient on ne peut plus bof. L’ouvrage pourrait tout aussi bien s’intituler Ça ne casse pas trois pattes à un canard de l’espace.
C’est moins la fiction de la science-fiction que celle des commentaires de l’auteur qui suscite l’intérêt. Au moins un peu, parce que là non plus, on n’est pas transporté par la lecture. Autour des nouvelles, Asimov raconte les circonstances de leur écriture et de leur publication, dans une version différente de ce qu’il a déjà pu raconter sur le sujet. Il invoque des souvenirs qui reviennent et d’autres qui s’effacent, telle ou telle note de l’époque qu’il a retrouvée et l’a amené à corriger le tir. On ne sait jamais trop dans quelle mesure cette nouvelle mouture est vraie, entre mémoire fluctuante, perte et redécouverte des sources en sa possession, réécriture tranquille de sa propre histoire pour mieux se mettre en avant et dorloter son ego (i.e. quand t’es humble pour de vrai, tu fais pas comme lui, à répéter toutes les dix pages que t’as de l’humilité).
M’enfin là aussi, à moinds d’être fana de la bio d’Asimov, l’intérêt reste pour le moins relatif. Tout ce qui concerne Isaac en tant que tel est quelconque, ses débuts sont ceux de tous les auteurs de l’âge d’or des pulps qui couvre les années 20 jusqu’aux années 50. Achetez n’importe recueil de Robert Howard, Lovecraft, Robert Bloch, Philip K. Dick, la préface racontera le même parcours.
Si vous ne connaissez rien à cette trajectoire d’auteur débutant qui se lance dans la grande aventure de l’édition, les commentaires qui émaillent Dangereuse Callisto vous l’apprendront et ce sera plus ou moins tout ce qui en ressortira : un portrait de l’édition de ces temps jadis. Quand les pulps étaient le Wattpad de l’époque, quand les auteurs envoyaient des mails qui n’étaient pas encore numériques mais des feuillets tapés à la machine expédiés par voie postale. Quand les écrivains allaient carrément dans les locaux de la rédaction avec leur manuscrit sous le bras pour rencontrer le directeur de publication. Quand les éditeurs notifiaient leur refus par une lettre type et lâchaient le pognon avec des élastiques en rémunérant à bas prix et au bout de x mois de retard et de relance (certaines choses n’ont pas changé…). Sympa à lire si on s’intéresse au fonctionnement de l’édition à travers les âges, anecdotique sinon.