Il y a peu, j’interviewais Maxime Gillio sur le salon des Halliennales. Aujourd’hui, on s’aventure quelque part entre le tuto et le récit épique pour parler organisation à un niveau en-dessous : les coulisses du stand du blog. Direction les entrailles de l’opération Savonnette !
Commençons par l’avertissement liminaire de rigueur. Ce topo vaut ce qu’il vaut. Il y a d’autres façons de voir les choses et de les mettre en œuvre. Les conseils qui suivent ne reflètent que mon expérience, qui plus est très limitée : c’est ma première fois. Et faudra attendre encore quelques mois pour le second volet, celui du baptême du feu sur le champ de bataille.
1 – Un projet
Ceci posé, revenons sur la genèse de l’opération. Saut dans le passé vers les Halliennales 2017, où, à l’issue du salon, pas mal de gens avaient soutenu l’idée d’un festival sur deux jours, moitié pour désengorger la salle pleine à craquer, moitié pour donner encore plus d’ampleur à l’événement. Doubler la durée égale exploser le budget, le projet d’une opération de “mécénat” via le blog est partie de là (je mets des guillemets à “mécénat”, parce qu’on se situe à une échelle modeste, loin des fantaisies budgétaires de Caius Cilnius Mæcenas ou des princes de la Renaissance).
Autant dire que ça ne date pas d’hier.
Et c’est là le premier point important si tu veux te lancer dans l’aventure : il s’agit d’un engagement, pas d’une lubie. En avoir envie, c’est bien joli, mais faut plus qu’un coup de cœur ou l’impulsion du moment pour tenir sur la distance.
Même si un stand se prépare sur laps de temps assez court, on doit s’inscrire très tôt en amont. Dans le cas des Halliennales, les inscriptions se font en décembre pour octobre de l’année suivante. Et s’agit pas de changer d’avis en cours de route, parce qu’une fois dans la course, tu t’engages aussi bien auprès des organisateurs que de tes auteurs. Les premiers ont autre chose à gérer que boucher les trous laissés par les girouettes. Les seconds auront peut-être refusé une invitation à un autre salon et risquent de se retrouver sans rien si tu les laisses en plan. Tu as une responsabilité envers tout ce petit monde.
Moralité : un projet réfléchi et motivant sur le long terme est indispensable.
Je vais passer sur le détail de l’évolution de mes réflexions pour sauter au dénouement : une opération destinée à mettre en avant des auteurs en les invitant sur le salon par l’intermédiaire du blog.
2 – Le budget
À part la motivation, l’autre point essentiel pour jouer au first stand hero, c’est un dictionnaire des synonymes le blé, l’oseille, l’artiche, le flouse, le pognon, le grisbi, les sous, le fric, le pèze, le nerf de la guerre.
L’argent, donc. Le cœur de l’organisation, parce que sans lui, on ne peut rien organiser (à part à la limite une collecte de fonds).
Combien ? Ben ça dépend. De la somme tu es prêt à mettre, de ce que tu prends ou pas en charge, du nombre d’auteurs que tu invites, de leur lieu de résidence (plus ils habitent loin, plus la facture monte de façon exponentielle).
N’en fais pas trop non plus : prévoir une fanfare, un feu d’artifice et un défilé de majorettes pour accueillir tes auteurs relève de l’excessif. Idem pour certains faux frais : à moins d’inviter les Rolling Stones, la coke et les putes restent à la charge de chacun.
Dans le cadre de l’opération Savonnette, le blog assure une prise en charge intégrale. Pour le financement, j’aurais pu me prostituer en cherchant un sponsor, mendier un financement participatif ou vendre un rein. Je suis allé au plus simple pour n’avoir de comptes à rendre à personne : ma tirelire.
Dans la colonne des dépenses :
– l’emplacement
– le déplacement
– l’hébergement
– le mangement manger
– faux frais (qui à l’arrivée en sont de vrais)
(Détail tout bête : il n’y a pas que tes auteurs qui bougent, dorment et se nourrissent, n’oublie pas de te compter.)
Dans la colonne des recettes… ah ben non, il n’y a pas de colonne des recettes, puisqu’il n’y a pas de rentrées.
“On” m’a dit que je pouvais demander une commission sur les ventes. Sauf que non, non, et non. Déjà, l’idée même va à l’encontre de mes principes. Quand on invite des gens, on ne les rackette pas à la fin du salon. Ensuite, je ne suis pas un professionnel du livre, ni libraire ni éditeur, juste blogueur, je n’ai pas le droit légalement de toucher de l’argent sur la vente de bouquins. Et si je l’avais eu, je ne l’aurais de toute façon pas exercé. Les auteurs galèrent déjà bien assez niveau revenus pour me dispenser de jouer les vampires. #payeTonAuteur
3 – Les auteurs
Le choix des auteurs… Vaste question… Je pourrais lister des critères par dizaines qu’on n’atteindrait jamais l’exhaustivité.
Je parlerai donc juste de ceux qui ont guidé mes décisions (qui n’engagent que moi, est-il besoin de le rappeler ?). Comment j’en suis arrivé à retenir les noms de Tiphaine Croville, Olivia Lapilus et Stéphane Melin ?
On passera sur les évidences comme le choix d’auteurs qui soient à la fois liés à la thématique du festival (pour les Halliennales, l’imaginaire) et à la ligne éditoriale du blog (très axée littérature de genre).
– Pour le nombre d’auteurs, j’avais le choix entre deux tailles de stand me permettant d’embarquer trois ou quatre invités. Je me suis dit que pour une première fois, valait mieux ne pas voir trop grand et partir sur trois.
– Même en disposant du trésor des Templiers dans la cave du blog, le facteur coût entrait en jeu, donc exit (à regret) les auteurs de la frange méridionale du pays, qui coûtent un bras à ramener à Lille.
– Pas d’auteurs débutants. Je n’ai rien en soi contre les débutants, j’en suis moi-même un dans cette opération. Mais c’est justement pour cette raison que je tenais à avoir des gens rodés à l’exercice des salons. Assez à gérer avec ma propre découverte de l’univers organisationnel pour ne pas en plus devoir guider des néophytes.
– Pas de divas, de spécialistes de l’annulation, de baltringues avec zéro sens de l’organisation, de soiffards qui se pintent au déjeuner et deviennent ingérables l’après-midi (toutes choses que j’ai déjà vues en salon, je n’invente rien…). On invite des professionnels, pas des fantaisistes.
– Rien à battre des chiffres de ventes, de la notoriété, de la nouveauté annuelle à présenter… Autant de critères non pertinents à mon niveau.
– Il me fallait des auteurs que j’ai lus (ça semble un minimum) et dont les bouquins présentent un intérêt à mes yeux. Ici, les choix d’écriture (Phitanie), la tonalité sombre (Prophétie), la qualité éditoriale (L’Appel) et, pour les trois, les univers mis en scène.
– Côté pratique, j’avais besoin d’auteurs disposant de leur propre stock de livres pour de la vente directe, puisque je ne peux pas les approvisionner en munitions.
Enfin, un critère plus subjectif mais vital : les 3B.
Bon contact, bon feeling, bonne humeur.
Tant qu’à rester une journée entière en salon et deux soirées en off avec des gens, vaut mieux que le courant passe. Sinon, je te raconte pas l’ambiance…
Avec Tiphaine, Olivia et Stéphane, ça a fait tilt dès le premier contact, confirmé par les suivants en salon et/ou via le web. Essentiel pour moi, fallait que je me sente à l’aise et en confiance pour les embarquer.
Attention, détail qui a son importance dans la sélection. Il faut que les auteurs aient le droit de vendre leurs bouquins en direct, ce qui n’est pas toujours possible pour ceux publiés à compte d’éditeur. Joies des obligations contractuelles… Vaut donc mieux contacter l’éditeur pour avoir son accord.
4 – L’organisation
Une fois le choix arrêté, lister TOUT ce qu’il y aura à faire et à penser, en hiérarchisant par ordre d’importance (et un peu par ordre chronologique aussi).
Quitte à enfoncer une porte ouverte, les quatre premiers points sont primordiaux et forment le squelette de l’organisation.
La liste qui suit peut sembler courte, mais n’oublie pas que chaque poste s’assortit d’une série de questions sur le qui, quoi, comment, où, quand, combien…
- Transport
- Déplacement
- Navette
- Hébergement
- Restauration
- Jour J
- Off
- Livres
- Communication
- Divers (éternelle rubrique fourre-tout)
Ensuite, lancer les invitations aux auteurs. (Astuce : tu auras pris soin de prévoir un ou deux noms de secours en cas de refus.)
Une fois que ton casting a accepté, envoyer à chacun une fiche avec les infos à transmettre et à demander.
À transmettre : lieu, date et horaires du salon, ton mail, ton téléphone (indispensable pour la communication la plus directe possible en cas d’imprévu de dernière minute, style train en retard), le détail de la prise en charge.
À demander : biographie et photo (que tu transmettras aux organisateurs pour leur communication), mail et téléphone, jour et heure d’arrivée et de départ (pour prévoir l’hébergement, les navettes et les repas).
Pour le trajet jusqu’au premier checkpoint (la ville du salon), tes auteurs sont adultes et autonomes, à eux de se débrouiller avec leur moyen de transport.
Pour le déplacement jusqu’au salon lui-même, à moins que tous tes auteurs ne disposent de leur voiture, il faudra prévoir des navettes. Soit tu t’arranges avec tes auteurs motorisés pour qu’ils embarquent leurs collègues piétons, soit tu vois avec les organisateurs pour essayer de greffer tes ouailles sur leur réseau de navettes.
L’hébergement, c’est tout simple. Tu choisis un hôtel et tu réserves les piaules.
La restauration, pas compliqué non plus. Dans le cas des Halliennales, la cantine des auteurs est accessible aux indépendants moyennant l’achat d’un ticket. Sinon, tous les salons ont ce qu’il faut à proximité : restaurant, sandwicherie, food truck…
Pour les moments off (ici deux soirs, la veille et juste après le salon), tu comptes les places à réserver au resto en fonction des jours d’arrivée et de départ de tes invités. (Et t’auras compris à la mention du mot “resto” qu’il faut prévoir dans quelle gargote tu les emmèneras.)
Côté livres, le stand du blog a été conçu pour fonctionner en vente directe. C’est-à-dire que les auteurs arrivent avec leurs exemplaires, ils repartent avec leurs invendus et l’intégralité du produit de leurs ventes.
Dans l’absolu, à eux de se débrouiller avec leur stock. En pratique, à toi de les épauler pour trouver des solutions. Je pense par exemple aux auteurs qui viennent en train, moyen de locomotion peu compatible avec le transport de vingt kilos de bouquins.
À ce stade, au moins sur le papier, tes auteurs sont sur place, avec un toit, une gamelle remplie et des bouquins à dédicacer. L’essentiel est bouclé.
Les “divers” de la rubrique fourre-tout relèvent du fignolage. Sur ma liste, j’ai noté de bricoler des chevalets, amener des bouteilles d’eau et de quoi grignoter, rédiger une belle feuille de route récapitulative…
Rien d’essentiel, mais je l’ai constaté sur d’autres salons : les détails font la différence entre un auteur content et un auteur heureux.
5 – La communication
On sort de l’organisation lourde tout en restant dans l’indispensable : la promotion de l’événement et de tes ouailles. Sur ce versant, ça dépendra de tes réseaux et de tes compétences.
Pour cette opération, j’ai monté un plan de com’ allant de janvier à octobre, en variant les contenus et les formats (teasing, bio et biblio, annonce courte, interview, graphisme, vidéo…).
Vu que la communication et moi, ça fait deux, j’ai utilisé un joker sur l’air de Qui veut gagner des millions ?, l’appel à une amie qui bosse dans la com’ afin qu’elle jette un œil professionnel sur le dossier, valide, corrige, apporte ses lumières et ses idées… et rassure le grand anxieux que je suis (mission accomplie, encore merci !).
6 – Difficultés
Je n’ai pas rencontré de réelles difficultés, juste deux points délicats, mais rien d’insurmontable dans un cas comme dans l’autre.
1) J’ai appris en cours de route la fameuse info des auteurs qui ne peuvent pas faire de vente directe sans accord de l’éditeur. Une chance, ça a été tout seul avec les éditions Rebelle (pour Tiphaine) et Sharon Kena (pour Olivia, qui a retrouvé une maison d’édition en cours de route). Au pire, on aurait trouvé des solutions alternatives comme passer par leur stand ou par la libraire du salon pour les ventes.
2) Pour le transport des kilos de bouquins de mes deux auteures piétonnes, on ne pouvait pas trop compter sur mes muscles, vu que je n’en ai pas. Pour le trajet court Lille-salon, on a une navette (et pas une en Lego, une vraie voiture), et pour le trajet long jusqu’à Lille, c’est en cours de finalisation (la seule difficulté sera de choisir parmi 250 solutions possibles, donc une paille).
Au final, l’ensemble de l’opération forme un édifice qui n’a rien de très complexe. Comme en plus chaque étape se subdivise en une série d’éléments simples, l’organisation passe comme une lettre à la poste. Suffit d’être rigoureux pour ne rien oublier des postes importants, avec un poil de souplesse pour pouvoir s’adapter aux imprévus.
Et puis j’avais un peu de background dans le domaine. Quand tu as monté des soirées étudiantes à 400 personnes, gérer trois auteurs adultes et sobres s’apparente à une promenade de santé.
Côté auteurs, rien à redire, la préparation s’est déroulée de façon à la fois professionnelle et décontractée. Des gens arrangeants et impliqués, des réponses rapides, des retours enthousiastes, que du bonheur !
Voilà, on a fini le tour de la question. Il ne reste plus qu’à confronter cette belle organisation théorique avec la réalité du terrain en octobre prochain.
Je suis prêt, j’ai des plans B en cas d’imprévu, je peux compter sur mes auteurs. Affaire qui roule, ça va glisser comme une savonnette sur une toile cirée.
Rendez-vous le 5 octobre aux Halliennales, passez nous voir sur le stand, on vous accueillera à bras ouverts !
Encore merci à celles et ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice, par leur soutien, leurs infos, leurs conseils, leurs idées, le relais de l’aventure sur les réseaux sociaux… Plutôt qu’une banalité du genre “ce stand, c’est un peu le vôtre”, je vous offrirai une bière ou un café au salon, voire un mélange des deux pour les plus aventureux.
Ben ben ben, il n’y a plus de fanfare, ni feu d’artifice ni de défilé de majorettes pour nous accueillir ?
Trop hâte d’y être
Le feu d’artifice, paraît qu’il y aura des bougies, donc ça peut s’arranger. J’aurai un sabre-laser, donc je pourrai faire du lancer de bâton de majorette. Reste la fanfare… Tu as une flûte à bec chez toi ? 😀