Conseils pour lancer son blog (11)
Les publications
(et le cas spécifique des livres pourris)
Attention, gros morceau en perspective (inutile de chercher un sous-entendu sexuel par rapport à la photo ci-dessous).
Les publications n’obéissent qu’à trois principes : dis ce que tu veux, sois sincère, soigne ton travail.
La sincérité et la liberté de ton propos doivent se positionner à la base de ta démarche. Sans elles, ce que tu raconteras ne vaudra pas grand-chose. L’illusion ne durera qu’un temps, tes lecteurs ne sont pas débiles. Et même pour toi, si tu veux que publier sur ton blog soit synonyme de plaisir, vaut mieux bosser proprement aussi bien en termes pratiques que déontologiques.
Sur la fréquence et la quantité des posts, que dire si ce n’est que la qualité primera toujours sur la quantité.
A mon humble avis, les publications doivent être assez soutenues dans les premiers mois. Tu pars de rien, faut créer du contenu et alimenter… sans rien torcher juste pour le remplissage, sinon tu feras pire que mieux. Trois mois, six mois, un an, à toi de voir en fonction de ce que tu as à dire, de ton temps libre. Dans tous les cas, faut quand même un peu de quantité pour démarrer et creuser ton trou. Après, tu pourras lever le pied niveau fréquence des posts.
Côté régularité, faut-il poster à date fixe ? Comme tu le sens, ça dépend de ton organisation. L’inconvénient des plannings millimétrés, c’est de limiter la marge de manœuvre. Tu risques de te retrouver prisonnier de ton propre calendrier. Plus il sera serré, moins tu pourras insérer de posts imprévus ou te permettre de rater la date attendue sans faire des déçus.
Tu entendras peut-être ici et là dire qu’il est préférable de publier tous les jours plutôt qu’une fois par semaine, parce que la fréquence attire les nouveaux visiteurs et permet de conserver les anciens. Possible pour certains domaines, et encore à part un blog d’actualités, je ne vois pas lesquels… Sur un blog littéraire, tu n’es pas là pour vendre quelque chose, tu proposes un contenu, tu l’offres. Donc déjà, tu n’es redevable de rien, à personne, vu que sur le fond, tu es bien gentil de “bosser” sur ton temps libre. Avec des guillemets, parce que tu n’es pas là non plus pour bosser mais te faire plaisir. Alors les logiques commerciales, hein, on s’en passera… En plus, avec du vent, tu n’intéresseras personne. Si tu as du vrai contenu à poster chaque jour, vas-y, mais les posts quotidiens creux juste pour rendre le lecteur addict, non : tu es blogueur, pas dealer.
Publie quand tu as envie. Si tu aimes les plannings carrés et organisés, méfie-toi quand même des deadlines. Il ne sert à rien de culpabiliser si tu es en retard d’un ou deux jours. Evite aussi de torcher une lecture et une chronique juste pour respecter un délai arbitraire. Quitte à me répéter, on est là pour se faire plaisir, pas pour se prendre la tête avec des contraintes.
Ton seul objectif doit être la chronique juste et de qualité. Qu’est-ce qu’une chronique de qualité ? Vaste question à laquelle il n’existe aucune réponse définitive. Je vais donc donner quelques pistes à creuser de ton côté (et n’hésite pas à en chercher d’autres).
L’orthographe et la grammaire ne sont pas des options, elles participent à la propreté de ton texte et à ta crédibilité. Un lecteur qui pleure du sang à cause d’une faute par mot aura du mal à accorder foi à ton avis.
Je précise à toutes fins utiles qu’un avis étayé par rien ne vaut… rien. Tu as aimé un livre ou pas ? Pourquoi ? Quels éléments t’ont plu ou déplu ? Et développe, surtout, développe. “J’ai aimé, parce que c’est bien écrit”, c’est nul. Qu’est-ce qui est bien écrit ? L’histoire ? les personnages ? le style ? les enjeux ? la construction narrative ? les dialogues ? Si tu as trouvé les personnages “attachants”, tu te bases sur quoi ? Leur bonhomie ? leur psychologie ? leur profondeur ? un écho à quelque chose qui t’est arrivé ? Et ainsi de suite.
Dès lors que tu dis que tu as accroché ou détesté un élément, il faut étayer, argumenter, illustrer. Pas besoin de douze paragraphes, un détail, une ligne ou deux, peuvent suffire. Le plus délicat reste l’intrigue, puisqu’on n’est pas là pour raconter l’histoire (c’est le travail de l’auteur) et encore moins la spoiler.
Une chronique n’est pas juste un avis en deux-trois mots j’aime/j’aime pas, il s’agit d’une démonstration, pas pour convaincre mais pour transmettre ton ressenti et tes réflexions. Même si tu ne fais qu’aborder une œuvre sous l’angle subjectif de ce que tu as apprécié ou pas, tu n’es pas dispensé de développer.
Si en plus tu t’aventures dans la critique, dans le sens exercice critique (analyse objective aussi bien du positif que du négatif), développer devient une obligation. Tu ne peux pas juste dire que le bouquin est génial ou daubesque sans expliquer pourquoi.
J’en profite pour insister sur ces deux versants. Un livre ne se limite pas à j’aime/j’aime pas. Il y a dans la lecture et la réception d’une œuvre une part évidente de subjectivité, mais il y a dans chaque livre des qualités et défauts intrinsèques, indépendants des goûts de chacun.
Dans le cadre d’une chronique, il faut à la fois explorer 1) le j’aime/j’aime pas, 2) le bon livre/mauvais livre, et 3) savoir faire la part des choses. On peut tout à fait aimer un livre très moyen pour un tas de raisons et, pour une question de goût, ne pas aimer un excellent livre. L’un n’empêche pas l’autre. Qu’on n’ait pas aimé un bouquin est une chose, il peut très bien plaire à d’autres, à un public différent. Après, soyons honnêtes, certains livres sont des merdes et il n’est pas question de se contenter d’un pauvre “c’est assez moyen” ni de dire qu’ils seront bons entre les mains d’un autre lecteur juste pour être gentil.
On en arrive à une question qui revient souvent.
Faut-il parler des mauvais livres et des livres qu’on n’a pas aimés ? Au confluent des deux, quid des navets intergalactiques ?
A toi de voir, c’est ton blog, si tu as envie d’en parler, parles-en. Sinon, n’en parle pas. Et hop.
Sur Un K à part, j’en parle, parce que je pense qu’il le faut. Partant du principe que si la critique est justifiée, le problème ne vient pas de moi mais de ceux qui n’ont pas fait leur taf en amont (auteur, directeur de collection, éditeur, correcteur…).
Je n’en chronique pas des tonnes non plus. En partie parce que j’essaie d’être sélectif dans mes achats – mais on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise. Et en partie parce que d’un étron l’autre, les mêmes défauts reviennent (style niveau collège, clichés, influences flagrantes, personnages insipides, incohérences dans l’intrigue…) et que ce serait chaque fois la même chronique ou à peu près, seul le titre changerait.
(Cela étant, mes chers lecteurs et lectrices, si vous en voulez davantage, n’hésitez pas à vous manifester, envoyez-moi les titres des pires daubes que vous connaissez, abominations ultimes, nanars improbables… Un navet olympique peut donner une chronique qui sort du lot. Il manque à la littérature son Nanarland…)
Je peux déjà t’annoncer que si tu t’embarques dans cette voie, tu ne feras pas que des amis. Pour te dire, on m’est déjà déjà tombé dessus même pour des chroniques élogieuses à 99%, juste parce que j’avais j’avais eu le malheur de mentionner un petit défaut. Alors quand c’est un livre foiré à 99%, rififi en prévision…
Dès lors que tu soulignes des points négatifs, attends-toi tôt à ou tard à des récriminations. Parfois justifiées : on peut toujours passer à côté de quelque chose et il m’est arrivé de corriger certains détails dans mes chroniques suite à des discussions constructives avec les auteurs/éditeurs intéressés. Parfois non fondées, et pas toujours polies loin de là (allant jusqu’aux insultes et aux menaces, quand même…). Dans le second cas, mon conseil : don’t feed the troll.
Pour dire les choses comme elles sont, tout le monde n’a pas compris que rendre une œuvre publique l’expose à la critique, tout le monde n’est pas ouvert à ladite critique et certains viendront te chier dans les bottes bien comme il faut.
Voilà à quoi t’attendre si tu ne la joues pas Bisounours, un parti-pris pas rose tous les jours. Mais faudra t’y tenir, parce que si retires chaque chronique qui suscite des plaintes alors que tu penses qu’elle est juste, tu perds toute crédibilité.
Donc j’en parle, comme je disais, parce que je pense qu’il le faut. Je souligne assez dans chroniques la part entre l’objectif et le subjectif. J’ai déjà chroniqué des bouquins qui ne m’avaient pas emballé plus que ça, parce que je n’appartenais pas au public cible ou que je n’étais pas grand amateur du genre. Ça ne m’a pas empêché d’en dire du bien quand ils étaient bien écrits. A l’inverse, il y a des bouquins que j’ai aimés malgré certains défauts. Critique sincère, après que ça plaise ou pas.., ce n’est pas mon problème.
Pour les livres pourris, je ne prends pas plaisir à en dire du mal. Sur la forme, oui, je peux me lâcher et déconner, mais sur le fond, ça ne m’amuse pas. Et je m’arrange pour étayer ce que je raconte, je me livre à un exercice critique. Un vrai, un qui ne donne pas une image faussée du monde des Lettres qui ne serait constitué que d’Œuvres formidables écrites par des Auteurs géniaux et publiées par des Editeurs magnifiques. Merveilleux consensus…
Faudrait pas dire du mal des livres, parce que l’auteur a bossé dessus. Et quand ton plombier torche un travail de sagouin dans ta salle de bains, tu le félicites peut-être ?… Faudrait pas dire du mal, parce que l’éditeur ne va pas réussir à le vendre ? Sinon, être plus sélectif dans les manuscrits, c’est pas possible ?…
Sans blague, faut arrêter les conneries de Lettres évanescentes, pures, intouchables, parfaites. Les auteurs font caca comme tout le monde, il exercent un métier comme un autre. Et des livres, il en sort des bien nases comme tout produit. Parce que oui, le livre est à la fois une œuvre (littérature, art, création, tout ça) ET un produit de consommation (pub, mercantilisme, buzz, promo, pognon…).
Comparaison parlante, tu vas comprendre. Prends cent critiques de bouquins et cent critiques de films. Pour les livres, tu auras 90% de positif, ô monde merveilleux. Les films, ce sera 50-50 (ou 33×3 entre bons, moyens, mauvais). Les films, ça, on peut critiquer à fond, les dégommer, qu’ils le méritent ou pas, tout le monde trouve ça normal. Des tonnes de sites et de chaînes YT sont consacrées au sujet, très critiques, et personne ne se plaint. Nanarland, par exemple, tout le monde se marre, moi le premier, alors que les films chroniqués prennent très cher. Quand tel chroniqueur dit qu’Alien Covenant est bof de chez bof, on ne lui tombe pas dessus sous un prétexte ou un autre.
Personne pour dire “ah oui, mais c’est pas gentil, pense au réalisateur, aux acteurs, au producteur, ils ont travaillé dessus”. Peut-être, mais ils se sont plantés, qu’est-ce que tu veux que je te dise. Personne pour dire “ouh là là, les critiques négatives vont dissuader les gens d’aller au cinéma et le film ne rentrera pas dans ses frais”. Personne ne gueule.
Les gens qui veulent aller au cinoche se renseignent sur le film, y vont ou pas selon ce qu’en disent les critiques (ou s’en foutent et se font leur avis sur place) et personne ne gueule ! Tout le monde trouve même normal de pouvoir connaître les avis, même négatifs, sur les films histoire de ne pas claquer le prix d’une place pour un étron.
Le cinéma, on peut, parce c’est un divertissement “populaire” (on en reparlera quand tu auras vu Le Septième Sceau). La littérature, pas touche, c’est de l’Art, c’est noble. Il est là, le fond du problème, un snobisme ambiant, un élitisme digne de l’Ancien Régime. Le résultat obtenu s’appelle ni plus ni moins que de la censure.
On est au XXIe siècle. Si on peut le faire avec le cinéma, on peut le faire avec les livres. On le doit, même, par respect pour les lecteurs. Internet le permet, je ne vois pas en vertu de quoi on devrait taire les avis négatifs.
Quand il s’agit de nous faire vendre du papier à coup de service presse, on nous trouve, blogueurs et blogueuses, on ne peut plus légitimes. D’où on deviendrait infréquentables si on appelle un chat un chat et une bouse une bouse ?
Note pour ceux qui n’acceptent pas la critique, commencez par vous remettre en question, arrêtez d’écrire en dilettante et d’éditer n’importe quoi à tour de bras. Arrêtez de vous prendre pour les seigneurs des lettres et de prendre vos lecteurs – et je suis lecteur avant d’être blogueur – pour des ânes ou des vaches à lait. Nous vous accordons notre temps et notre argent, merci de respecter ça, parce que mine de rien, vous en vivez grâce à nous. Sinon, changez de métier.
“C’est un des gros problèmes des médias traditionnels intellectuels, si la culture n’est pas accessible à tous, c’est parce qu’une élite de pensée l’a enfermée dans quelque chose d’inaccessible. (…) Vous êtes les chiens de garde d’un modèle périssant. Modèle décidant de qui a le droit ou pas d’émettre son avis.” (Antoine Daniel)
0) Préambule
1) Pourquoi un blog ?
2) Les outils
3) Les contraintes
4) Le concept et la ligne éditoriale
5) La structure
6) Un nom qui claque
7) Le choix dans la date
8) La plateforme et l’hébergement
9) Le mail et le contact
10) Un design qui pète (mais pas trop)
11) Les publications
12) Améliorer son référencement
13) Travailler ses réseaux
14) Gagner de l’argent ?
15) Le service presse (SP)
Article intéressant ! Je suis d’accord avec toi sur le principe de dire ce que l’on pense que ce soit positif ou négatif et surtout que ce soit un SP ou non… Je n’ai jamais bien compris les avis dans le sens du poil pour « garder (retenir ?) » un partenaire, des avis dans ce sens se repèrent assez vite, puisque c’est souvent moins constructif. Une mauvaise critique peut aussi attirer des lecteurs (beaucoup pense à tort le contraire…), ne pas diaboliser cet aspect, c’est dommage.
Pour le reste, tu dis les choses de manière intelligente. ^^
Je n’ai pas trop abordé le cas des SP ici, histoire de ne pas griller mon article spécifique sur le sujet, mais c’est clair que niveau “ne pas dire du mal”, ce sont les premiers bouquins concernés. Qui serait assez fou pour mordre la main qui le nourrit de bouquins gratos ? Ça se passe de commentaire…
En plus comme tu dis, les avis “dans le sens du poil”, ça se sent. Tout comme les avis “je ne vais pas dire trop de mal alors que c’était tout nase”.
Bref, si c’est juste pour donner dans la dithyrambe, autant se tourner directement vers la publicité pluôt qu’un blog littéraire. 😀
Aha oui ! 😀
Bon après on a le droit d’être bon public, hein ! 😉