Trouver des ouvrages sur Bessie Coleman est une gageure. En français, une seule et unique biographie, écrite par Jacques Béal, plus éditée, vendue d’occasion (sic) vingt fois le prix du neuf par un de ces escrocs qui se disent bouquinistes et confondent ouvrage épuisé et incunable pour te proposer des livres plus chers qu’un rein au marché noir. En anglais, pas mal de références… qui s’adressent toutes à un public de 8-12 ans, soit le niveau de culture générale de l’Américain moyen, donc un peu, beaucoup, à la folie en dessous du mien. Je me suis rabattu faute de mieux sur une de ces éditions d’outre-Atlantique.
Bessie Coleman
Philip S. Hart
Lerner Classroom
Avantage de cette édition destinée à un public de primaire-collège, le texte est écrit gros, en anglais simple (donc si vous avez un petit niveau dans la langue d’Abraham Lincoln, ça devrait passer) et il y a plein de photos. Quelque part, ça rappelle la collection Découvertes Gallimard, moins la nécessité d’une loupe pour déchiffrer une police taille 8.
Bessie Coleman (1892-1926), on trouve sa bio plutôt bien détaillée sur Wikipedia, je ne vais donc pas épiloguer ici sur les détails de sa vie (bien remplie) et son œuvre (inspirante).
J’ai entendu parler de cette pionnière de l’aviation via les infos locales de mon bled paumé. En effet, miss Coleman a passé presque une année à deux pas de chez moi lors de son séjour en France entre novembre 1920 et septembre 1921.
Aux USA, elle s’était fait refouler à l’entrée des écoles de pilotage, parce que noire et femme. Elle se démonte pas, elle prend des cours de français et traverse l’Atlantique.
En France, elle se fait refouler d’une école de pilotage en région parisienne, parce que “une meuf ? lol, vous n’y pensez pas, ma bonne dame”. Elle se démonte pas plus et s’en va cheveux au vent vers la Picardie. C’est là qu’on voit qu’elle était motivée, parce que pour aller s’enterrer en Picardie, faut en vouloir – j’en sais quelque chose, j’y suis né et j’y habite, même le Mordor fait rêver en comparaison.
Bessie est enfin acceptée dans une formation de pilotage, à l’école des frères Caudron, une des plus réputée de l’Hexagone, à vingt bornes de chez moi. Elle y décroche sa licence de pilote et son brevet international de pilotage en juin 1921, devenant ainsi la première femme noire pilote d’avion.
D’après ses récits de l’aventure en terre picarde, elle trouvait marrante la façon de s’exprimer des locaux. L’accent du cru… C’est sûr que ça a dû lui faire tout drôle de débarquer avec des notions de français académique dans un patelin où la moitié des gens parlaient picard et l’autre moitié un français pas du tout académique, lui, sans subjonctif, avec des si plus conditionnel et un accent picard à couper à la tronçonneuse (un couteau ne suffit pas, tu bousilles la lame avant d’être arrivé au troisième mot).
C’est cette anecdote sur le choc linguistique qui m’a poussé à me pencher sur le cas Coleman, puis à creuser le sujet une fois découvert son CV impressionnant (terminer sa formation en sept mois au lieu de dix et major de promo en prime, on dirait moi).
Or donc, dans cette biographie de Philip S. Hart, toute la vie de Bessie Coleman est racontée en détail, de façon claire et simple, avec de nombreuses photos en appui du texte. Des mini-encarts intitulés It’s a fact! s’intercalent pour balancer en quelques lignes des anecdotes (i.e. les fluctuations sur sa date de naissance en 1892 ou 1896 selon les documents). D’autres encarts plus longs, de l’ordre d’une demi-page, une page, développent des points à la périphérie du sujet pour approfondir le contexte (i.e. une brève bio d’Eugene Jacques Bullard, engagé dans la Légion étrangère pendant la Grande Guerre et premier pilote de chasse noir-américain).
Le résultat donne un ouvrage court – 112 pages, vu que la doc sur Coleman n’atteint pas un volume encyclopédique –, complet, accessible et agréable à lire. Bonne pioche si vous cherchez un titre sur cette personnalité hors du commun !