Des pages cornées et gondolées
Par Arnaud-Dominique Houte
Bon, j’ai réfléchi. Qu’est-ce qui caractérise une lecture de vacances ? Pour moi, c’est avant tout un bouquin qu’on n’emporte pas dans le métro ni dans un sac déjà gonflé de cours et de copies. Donc, et ça c’est décisif, un livre qui peut, qui doit, être gros ! Ça tombe bien : ça rappelle les souvenirs d’enfance des grandes vacances où on se demande comment on va s’occuper tout ce temps… on compte beaucoup sur les réserves pas tout à fait inépuisables de la bibliothèque municipale voisine… et le contingentement des prêts fait qu’on privilégie les plus gros livres.
De gros livres, donc. Éventuellement des essais, mais ça rappelle le boulot, ce n’est pas assez spécifique des vacances. De gros romans, donc.
Avant tout du roman historique… Quoi de mieux qu’un bon vieux Ken Follett ? La trilogie du Siècle m’a fait un gros mois d’août, il y a 3 ou 4 ans… Sortie au début de cette année (scolaire), la suite des Piliers de la Terre n’est clairement pas un chef-d’œuvre, mais c’est addictif…
Le vrai coup de cœur, je l’ai acheté au début des vacances de l’été dernier, mais je ne l’ai lu que ces dernières semaines, donc je triche, mais ça en vaut la peine : La Saga des Émigrants de Vilhelm Moberg, ou comment se passionner pour le destin d’une famille de paysans suédois au milieu du XIXe siècle. Alors, oui, je sais, c’est un peu naturel chez moi ce genre de passion… mais je garantis que ça se partage sans mal : les paysans qui n’en peuvent plus, qui décident de rejoindre l’Amérique (pas simple), d’y fonder une ferme et même un village (chez les Indiens, ce qui n’est pas du tout occulté par l’auteur). Rien de bien original en soi, un peu de suspens mais pas tant que ça. En revanche, une formidable maîtrise dans la composition – des chapitres brefs qui fonctionnent comme de petites nouvelles reliées les unes aux autres.
Et pour faire bon compte, et même si ça n’a rien d’un roman de vacances, un peu de publicité, d’abord pour Jérôme Leroy, magistral auteur de polars. Son dernier livre (La petite gauloise) est un bijou, mais je garde surtout un faible pour un bouquin un peu plus ancien qu’on trouve facilement en poche, Monnaie bleue. Dans les deux cas, un mélange détonant de désenchantement cynique (propre au polar) et d’illusion lyrique.
Deuxième et dernière recommandation dans le genre : Laurent Chalumeau. Vient de sortir VNR, qui m’a un peu déçu (se lit en une heure, facile, décevant), mais tout ce qui précède (et notamment VIP) est formidable. Le sens de l’humour de situation, et surtout un style façon Audiard qui t’oblige à te gondoler une page sur deux. Et des pages cornées et gondolées, c’est très lecture de plage, non ?
(Chronique réalisée dans le cadre des auteurs en vacances.)