Le Nord…
Ses terrils…
Ses pédophiles…
Ses rimes faciles.
Aussi noir que le charbon
Éric Dupuis
Ravet-Anceau
Aussi noir que le charbon porte bien son titre. À double titre, dirais-je, si j’étais du genre à me répéter. Mais non, je ne suis pas du genre à me répéter.
Or donc, Éric Dupuis propose ici un roman noir en plein bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Au pays du charbon, on s’amuse, on pleure, on rit. On s’enfile beaucoup aussi : de la dope, des petits jeunes. Bref, din’ch’Nord, on sait faire la fête.
Grisaille et misère sociale, comme toujours quand il est question de la moitié septentrionale des Hauts-de-France. Mais pas que. Dupuis dresse un portrait pointu de la région et de son cœur souterrain. Aux détails dispatchés ici et là, on sent qu’il a bossé son sujet sur tous les plans (historique, économique, social…). Son travail documenté dépasse les clichés et le misérabilisme faciles. Le décor comme les protagonistes s’enracinent dans les profondeurs tant de la mine que de l’Histoire. En ressort une vision à la fois globale et précise qui sonne juste.
Justesse aussi dans les personnages d’Iwan et François-Xavier. J’avoue avoir eu peur en attaquant la lecture. Le duo de personnages liés depuis l’enfance et opposés en tout. Le riche vs. le pauvre, l’avocat marron vs. le flic… Un schéma pas nouveau qui laissait craindre les pires clichés et impressions de déjà-vu. À l’arrivée, rien de révolutionnaire, mais le procédé fonctionne sans donner envie de baffer son auteur. Ça tombe plutôt bien, vu que Dupuis a “quelques” notions de corps à corps (comprendre qu’il peut me pulvériser d’une pichenette du gros orteil).
La relation entre les deux bonshommes se construit sur le long terme par le biais d’analepses. Des fois que tu imaginerais une position tarabiscotée du Kamasutra, tu te trompes : l’analepse est à la littérature ce que le flashback est au cinéma. Pas une révolution non plus mais efficace et bien construit. Déployé sur une trentaine d’années, le binôme prend assez d’épaisseur pour tenir la route.
Même crédibilité affichée pour le versant enquête du bouquin. Logique, tu me diras. Dans le vrai monde de l’IRL, Dupuis sert dans la police depuis une trentaine d’années, il connaît la chanson. Certes, c’est la moindre des choses de connaître les procédures et le vocabulaire, mais ça ne fait pas tout. Procès-verbal et roman appartiennent à deux genres distincts, un seul relève de la littérature. Passer de l’un à l’autre demande du souffle, du rythme, du suspens…
Aussi noir que le charbon réussit son coup. Très réaliste, pas avare de rebondissements et révélations fracassantes, avec en bonus une mise en abyme via un bouquin dans le bouquin.
Si tu aimes les romans noirs avec des mineurs (dans tous les sens du terme), tu trouveras ton content avec ce roman. Gueules noires, ciel gris, sombre héros, côté obscur de la nature humaine, il y a quelque chose de pourri au royaume des Hauts-de-France (et un cliché shakespearien dans cette phrase).